FNH N°1008

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BOURSE & FINANCES

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 28 JANVIER 2021

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ments majeurs dans l’écosystème financier marocain. Ceux-ci trouvent que notre sys- tème financier est performant. En d’autres termes, les décideurs marocains se disent pourquoi changer des mécanismes dans lesquels ils ont confiance et qui fonctionnent parfaitement. Sachant qu’ils sont conscients de l’existence de la technologie blockchain

et de ses avantages pour le monde de la finance. Certains même continuent de vanter la résilience du système financier marocain face à la crise finan- cière de 2008. Or, il faut savoir que notre système financier a été épar- gné à cause de son poids marginal à l’échelle mondiale. En tant que pays, je dirai que le Maroc a une posture d’observateur vis-à-vis de la technolo- gie blockchain. Les autorités compé-

La Banque centrale des Émirats Arabes Unis (EAU), en parte- nariat avec la Banque centrale saoudienne, ont uni leurs forces pour travailler sur leur propre CBDC.

tentes suivent ce qui se fait à l’international. On remarque aussi qu’elles reconsidèrent leurs positions vis-à-vis de la technologie en fonction de celles de leurs homologues européennes ou des organisations inter- nationales. Pour rappel, dans un premier temps, l’Autorité des marchés financiers de la France (AMF) a été contre la blockchain et les cryptomonnaies, avant de revenir sur sa position. Une attitude similaire a été observée chez nos autorités compétentes. En d’autres termes, le Maroc est suspendu aux positions internationales et s’interdit quelque part d’être proactif en la matière. Par ailleurs, à l’échelle nationale, il est clair que la compréhension de la technologie blockchain ne s’est pas encore démocrati- sée. Les compétences et les experts locaux sont également rares au Maroc. Ces deux éléments constituent des freins pour l’adop- tion de la blockchain au niveau du système financier et dans d’autres domaines. L’autre remarque, et non des moindres, est que le Maroc est contre les cryptomonnaies. Ce qui est préjudiciable à mon avis. L’allégation mise en avant et critiquable, à mon avis, est que les cryptomonnaies sont susceptibles d’impacter les investisseurs locaux. Or, les cryptomonnaies sont utilisées en dehors de la finance classique et il est difficile de contraindre les particuliers à les utiliser sans leur consentement. La posture du Maroc envers les cryptomonnaies a un effet considérable sur l’essor de la technologie blockchain. Il faut savoir que celle-ci tire sa force de la finance (gestion de monnaie). A titre illustratif, utiliser la blockchain comme canal de distribution des aides financières au profit des ménages au Maroc n’est per- tinent que s’il existe une monnaie digitale. Dans le même ordre d’idées, il convient de

mentionner que beaucoup d’acteurs finan- ciers marocains ont stoppé leurs projets blockchain en raison de l’aversion affichée par les autorités compétentes envers les cryptomonnaies. Au regard de ce tout ce qui précède, il est difficile de croire que le Maroc ait dans les années à venir une position privilégiée dans le domaine de la blockchain. F.N.H. : Peut-on dire que le Maroc fait fausse route en tournant le dos aux crytomonnaies et donc à la technologie blockchain, peu répan- due à l’échelle nationale ? B. B. : Un célèbre adage dit : «Quand le vent souffle, certains battissent des mou- lins et d’autres des murs» . Pour ce qui est de la blockchain, le Maroc a fait le pari hasardeux de bâtir des murs. Or, le pays n’a rien à perdre en explorant cette tech- nologie. A la fin des années 80, qui pouvait imaginer qu’Internet serait l’un des prin- cipaux moteurs des économies en 2021? Et pourtant, c’est bien le cas. Je pense que le Maroc est en train de se protéger contre un faux danger, celui des crypto- monnaies. Comme évoqué précédemment, le développement de la technologie block- chain est difficilement envisageable sans la promotion des cryptomonnaies qui font le lit de l’innovation. Cette dernière ouvre la porte à la création d’une «économie nais- sante», appelée la Decentralized Finance (DeFi), qui pèse des milliards de dollars aujourd’hui. Il est dommage de constater que le Maroc fait partie des rares pays qui s’isolent en renonçant aux cryptomonnaies. Je souhaite que cette posture soit révisée. Les exemples de pays qui ont adopté les CBDC sont nombreux. On dénombre

même des pays arabes qui expérimentent une monnaie digitale de Banque centrale fonctionnant sur le protocole blokchain. Concrètement, la Banque centrale des Émirats Arabes Unis (EAU), en partena- riat avec la Banque centrale saoudienne, ont uni leurs forces pour travailler sur leur propre CBDC. L’aboutissement de ce pro- jet est de nature à favoriser davantage les échanges entre l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis. Nos décideurs sous- estiment le potentiel des projets impliquant la technologie blockchain. Et pourtant, à l’échelle internationale, bon nombre d’ini- tiatives enrichies par la blockchain et qui avaient peu de valeur il y a quelques années, pèsent aujourd’hui plusieurs mil- liards de dollars. La création d’une plate- forme de cryptomonnaie au Maroc, s’ap- puyant sur une réglementation appropriée, sera un pas important vers la réduction de l’utilisation du cash. Une telle initiative boostera aussi l’innovation économique. Au final, j’appelle les décideurs financiers à lâcher prise en permettant l’introduction de la blockchain et la mise en place de plate- forme de crypto-monnaies. Notre pays doit absolument éviter de rater ce deuxième virage, après celui d’Internet. Les secteurs marchands et non marchands ont accusé du retard dans leur processus de digitalisa- tion. Il ne faut pas être plus royaliste que le roi en protégeant le secteur financier plus que ne le font des pays comme la France ou les USA. Les instruments susmentionnés favorisent une concurrence loyale, en plus d’être bénéfiques aux citoyens en quête de transparence et de coûts abordables. L’introduction des nouvelles technologies passées en revue sont dans l’intérêt de la majorité de nos concitoyens. ◆

J’appelle les décideurs financiers à lâcher prise en permet- tant l’intro- duction de la blockchain et la mise en place d’une plateforme de cryptomon- naies.

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