FNH N°1008

P OLITIQUE

34

JEUDI 28 JANVIER 2021 FINANCES NEWS HEBDO

www.fnh.ma

◆ «Les peuples somnolaient, le destin prit soin qu’ils ne s’endormissent pas» (Friedrich Hölderlin). Nouvel ordre séculier L’ homme est un dieu quand il rêve et un mendiant quand il réflé- chit. Friedrich Hölderlin avait écrit à peu près Par Abdelhak Najib Écrivain-journaliste

depuis 1929. Il n’en fut rien, non plus. Les pauvres en ont pris un sacré coup pour ne plus jamais se relever. Les riches ont consolidé leur patrimoine. Et le monde continuait de tourner. Ce qui était annoncé majeur s’est révélé mineur. On a ajourné la grosse débâcle. En attendant, on a brandi le spectre d’une guerre avec la Corée du Nord. Puis une autre avec l’Iran. Puis un embrasement au Moyen-Orient, avec les pseudos printemps arabes, qui se sont tous révélés des hivers gelés. Les Arabes n’ont pas envahi Tel-Aviv et Israël n’a pas bombardé Téhéran, pas plus que Donald Trump n’a lancé ses missiles sur Pyongyang. La Russie s’est annexée la Crimée. L’Europe s’est tue. Et après ? Rien. Des crises, certes, mais qui restent minimes. Aucune ne pouvait annoncer un nouveau monde. A moins d’une troisième guerre mondiale. Celle-ci ne pouvait être que nucléaire. Donc holo- causte. On ne parlera plus d’un nouvel ordre mondial, mais d’une extinction de masse. Un scénario pareil est une très mauvaise idée. Tout le monde y perd, pour de bon. Alors que la devise de la politique, depuis toujours, c’est que celui qui perd doit gagner en défi- nitif. Il faut donc sacrifier des facettes d’un monde et gagner une nouvelle formule qui puisse être viable et appli- cable. Une formule qui marche. Le virus Covid-19 est tout désigné pour remplir un tel rôle. On l’amorce et on embraie sur un nouveau monde. Ni holocauste nucléaire, ni retour à l’âge de la pierre. Mieux, on garde tout de l’ancien monde, mais avec de nou- velles règles. Celles-ci seront suivies par plus de 7 milliards d’humains sans rechigner. On peut se rebiffer quand il y a une forme d’injustice imputable à quelqu’un, à un État ou à un individu avec des visées mégalomanes. Mais une fatalité ? Le destin ? La nature qui se détraque ? Un virus ? Non. Là, on entre dans le rang, peur de mourir oblige. Et le virus regroupe les trois

cela il y a longtemps. Aujourd’hui, en 2021, avec l’épisode de la pandémie mondiale, qui rêve et qui réfléchit ? Rêver en dieu suppose de penser à un autre monde, plus équitable, plus humain, plus simple et dans sa vision et dans sa gestion. Avec une philo- sophie humanitaire claire : l’homme au centre du monde, haro sur les intérêts et le tout économique, des politiques mondiales sans discrimina- tion, plus de famine dans la banlieue de la planète, des politiques moins mensongères et surtout une parade efficace à cette terrible définition de la politique : le pouvoir de tuer sans être jugé. C’est Jean Rostand qui avait dit un jour : «Quand un homme tue un homme c’est un assassin, quand il tue des millions, c’est un conqué- rant et quand il les tue tous, c’est un dieu» . Généralement, c’est la guerre qui décidait de la fin d’un monde et de la naissance d’un autre sur les ruines de l’ancien. Mais depuis la fameuse guerre froide, tous les mondes qui devaient naître ont avorté dans l’œuf. Le 11 septembre 2001 annonçait un grand chamboulement. Il n’en fut rien. Il y a eu des invasions. Et des bom- bardements à répétition, avec renfort de technologies. L’ère du drone tueur était née. Les États-Unis d’Amérique, avec l’aval (pour la forme) de l’Eu- rope, ont ravagé des peuples et des civilisations anciennes, et la guerre au terrorisme continue sous d’autres appellations, sous couvert d’autres méthodes pour d’autres intérêts. Puis, il y a eu la crise financière de 2008. Le monde devait tomber de très haut. C’est la chute. Le plus grand crash

Depuis la fameuse guerre

froide, tous les mondes qui devaient naître ont avorté dans l’œuf.

autres. C’est un coup de destin qui nous rappelle fatalement que la nature ne pardonne rien. Dans cette absence de rédemption, il n’y a plus de G8. C’est un G zéro qui se dessine. Et ça arrange tout le monde, surtout ceux que l’on désignait jusqu’à fin janvier 2020 comme les grandes puissances mondiales. Les USA avaient déjà aban- donné l’idée du leadership. Gérer le monde, c’est perdre du temps à gérer les problèmes des autres. L’élection de Donald Trump était claire à ce pro- pos. On a mis à la Maison Blanche un businessman qui doit gérer les affaires américaines d’abord. L’ère des faux missionnaires qui veulent rendre ce monde soi-disant meilleur est révolue. Personne n’y croit plus. Autant y aller franchement. Homeland. Priorité au territoire géographique. La Russie a, depuis Boris Eltsine, abandonné toute

Made with FlippingBook flipbook maker