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ECONOMIE
FINANCES NEWS HEBDO
DU 21 AU 27 MAI 2020
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duction des industries mondialisées. Le Maroc a une carte à jouer par rapport aux marchés européens et africains. Nous devons désigner la bonne offre compétitive et attrayante et être plus rapide et plus convaincants que nos concur- rents. F.N.H. : Quels secteurs devraient, selon vous, bénéficier de mesures d’accompagnement spécifiques compte tenu de leur importance stratégique ? A. M. : Il est difficile de dire que tel secteur est plus prioritaire que tel autre. Mais, il s’agit de raisonner selon une logique de «Morocco First». Tout projet et toute entreprise viable, porteuse d’emplois et de valeur ajoutée nationale sont importants pour notre économie; ils doivent être soutenus, selon le besoin, quels qu’en soient le secteur et la taille. Les artisans, les indépendants, les TPE, les autoentrepreneurs et les coopératives doivent être traités avec une attention particulière en raison de la grande sensibilité sociale de leurs activités. Au sein de l’Alliance des économistes Istiqlaliens (AEI), nous avons émis de nombreuses proposi- tions à caractère transversal et nous constatons avec satisfaction que le CVE en a pris un bon nombre en considération. Nous sommes une force de proposition et le CVE a fait montre de pragmatisme; nous œuvrons tous pour le bien de notre patrie. Nous travaillons aussi sur des problématiques sectorielles et nous avons fait des recomman- dations pratiques pour la relance du secteur BTP, fortement intégré et Labour Intensive, et celui du digital en raison de son action moderni- satrice de notre société et de son effet de levier sur d’autres secteurs. Nous publierons inces- samment nos suggestions pour l’écosystème «Tourisme-artisanat du Maroc» sachant qu’il a été le premier et le plus gravement affecté par la crise et qu’il englobe près de 2 millions d’em- plois. D’autres secteurs viendront par la suite. F.N.H. : Le Comité de veille économique a pris d’importantes mesures pour soutenir l’économie et préserver les emplois, à tra- vers, entre autres, l’aide aux entreprises. Pensez-vous que ces mesures sont suf- fisantes pour garantir la préservation de l’emploi au niveau des TPME qui restent structurellement assez fragiles ? A. M. : La crise actuelle a mis le projecteur, plus que par le passé, sur un certain nombre de fragilités dont souffre notre économie; la pro- blématique du financement de nos entreprises en fait partie. Les mesures prises par le CVE ont le mérite de procurer de l’oxygène à des entreprises en quête de survie. Ça ne résou-
dra pas leurs problèmes de sous-capitalisation structurelle et encore moins celui des délais de paiement qui asphyxient leur trésorerie. 450 milliards de dirhams de crédit commercial interentreprises, ça dépasse tout entendement. L’AEI avait attiré l’attention du gouvernement sur ce problème par son communiqué de juin 2018. C’est le moment de se pencher sur ces problématiques pour retrouver, rapidement, un tissu entrepreneurial capable de porter le nou- veau modèle de développement auquel aspire notre pays. F.N.H. : Dans ce contexte, ne pensez-vous pas qu’il faille réduire les importations de certains produits pour, d’une part, limiter la sortie de devises et, d’autre part, booster la demande de produits locaux ? A. M. : Tout à fait. Je vous ai dit au début que le patriotisme économique, la cohésion et la soli- darité sociales doivent être les piliers de cette phase de reprise et de relance économique. Une relance conditionnée par la capacité de nos unités de production à fournir une offre suf- fisante en quantité et respectueuse des attentes des consommateurs en qualité-prix. C’est l’occasion de réconcilier les Marocaines et Marocains avec la production de biens et services de leur patrie. La saison estivale doit être mise à profit dans ce sens en intensifiant la communication patriotique et en contrôlant la qualité et la conformité sanitaire et environ- nementale des produits et services vendus. Les filières tourisme, dans toutes ses composantes (restauration, transport, loisirs, artisanat, pro- duits de terroir, etc.); du textile-habillement et de l’alimentaire peuvent être les premiers «Quick-win» dans cette démarche. Mais il n’est plus question de prendre le consommateur marocain pour une simple «roue de secours». Les 40 millions de consommateurs marocains et MRE constituent un important marché pour plusieurs secteurs industriels et de service faits par des Marocains au Maroc. Nous devons les sensibiliser et les séduire par la production nationale, mais on ne peut pas les y obliger. F.N.H. : Plus globalement, dans l’urgence, le Maroc a pris plusieurs mesures qui, avec le recul, ont montré leur pertinence et leur effi- cacité : dématérialisation des procédures administratives, enseignement à distance, réadaptation des activités de certaines uni- tés industrielles… Pensez-vous, à ce titre, que l’agilité industrielle, la digitalisation des process, la capacité d’innovation… sont les fondements sur lesquels il faudra s’appuyer pour construire le Maroc de demain ? A. M. : Vous avez raison. La crise Covid-19 a dévoilé des fragilités; mais elle a aussi et surtout
révélé des habilités, des atouts et des potentia- lités qu’on n’aurait peut-être pas vu autrement. Il faut surtout veiller à ne pas les perdre, et s’assurer de leur consolidation, leur systéma- tisation, voire leur institutionnalisation, et en faire des supports de la relance immédiate et des piliers de construction de notre modèle de développement. A titre d’exemple, la réglementation du travail à domicile, la programmation systématique de journée hebdomadaire de télé-enseignement pour chaque établissement d’enseignement, la pratique des «Home-offices» au moins un jour par semaine pour tous les travaux de back- office et services supports, ainsi que les réu- nions virtuelles, peuvent contribuer à réduire les charges, alléger la circulation et contribuer ainsi à l’amélioration de notre environnement. Un autre exemple : le lancement de grands chantiers d’utilité publique (infrastructures sani- taires, décloisonnement rural, généralisation de fibre optique et de l’énergie solaire dans les logements et dans bâtiments publics, le reboi- sement des terrains vagues non arables, etc. peut générer immédiatement de l’emploi, créer de la valeur ajoutée entièrement marocaine et inscrire définitivement le Maroc dans les tran- sitions écologique, énergétique et numérique. F.N.H. : Enfin, comment voyez-vous les rela- tions futures du Maroc avec ses parte- naires, notamment ceux avec qui il est lié par des accords de libre-échange ? A. M. : C’est aussi une question qui n’a rien de conjoncturel. Je vous rappelle le grand débat que suscitait l’ALE avec la Turquie, particulière- ment depuis 2018. L’accès à des marchés internationaux sans droits de douane, est l’un des principaux fac- teurs d’attraction des investissements au Maroc. Par le différentiel de compétitivité qu’il offre, le libre-échange est aussi un des princi- paux axes de construction de notre stratégie de développement des investissements et des exportations. Dans ma logique de «Morocco First», je ne mettrai pas tous les ALE dans le même panier. Il y a des accords qui restent globalement équilibrés en prenant en considération l’en- semble des échanges extérieurs avec les par- tenaires concernés (import et export de biens et services, tourisme, investissements, trans- ferts MRE). D’autres nous sont structurellement déficitaires sur tous les plans. Il est tout à fait normal de les revoir dans le cadre des ins- truments prévus par les accords eux-mêmes. Toutes les évaluations sont faites; il s’agit d’agir rapidement, et de concert, avec les partenaires concernés. Tout accord doit être mutuellement avantageux ou ne pas l'être. ◆
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