L’invité* : Philippe Roch, anc. dir. OFEV et président d’honneur de Paysage Libre Suisse La nature assassinée, au nom de l’écologie La nature assassinée, au nom de l’écologie - Le Parlement fédéral s’apprête à conclure lors de sa session de printemps 2023 un ensemble confus de modifications de la législation sur l’énergie. Le but louable de produire davantage d’énergie renouvelable et de sortir progressivement des éner- gies fossiles a été détourné au profit d’un démantèlement des législations sur la nature, l’envi- ronnement et l’aménagement du territoire pour imposer l’installation de panneaux solaires sur des pâturages alpins et d’éoliennes dans nos plus beaux paysages alors que l’on continue la pro- motion débridée de nouvelles consommations d’électricité par les pompes à chaleur et les voi-
tures électriques. La panique orchestrée autour d’un possible mais improbable manque d’énergie a déclenché une débâcle que ses initia- teurs ne peuvent plus contrôler et dont certains profitent pour affaiblir la protection de la nature en dérogation de l’obligation constitution- nelle de ménager les paysages, la physionomie des localités, les sites historiques et les monuments naturels et culturels et de les conserver dans leur intégralité (Art. 78 de la Constitution). Grisés par l’expérience de la crise du covid, Parlement et Conseil fédéral ont développé un goût de puissance absolue pour museler la population et imposer les mesures les plus extravagantes, en affaiblissant le droit de recours des organisations qui défendent courageusement depuis des décennies la nature, les paysages et l’environnement contre les puissances des- tructrices dont la pression ne cesse d’augmenter. Pourtant, imposer des éoliennes industrielles par milliers dans les plus beaux paysages de Suisse et des hectares de panneaux solaires sur des alpages est un non-sens écologique, économique et social Un non-sens écologique - Il est absurde de sacrifier la nature sur l’autel du climat car les espaces naturels sont nos meilleurs alliés dans la lutte contre les causes et les effets des changements climatiques : ils absorbent des quantités énormes de CO2, régulent le cycle de l’eau et tempèrent les fluctuations climatiques. Au moment où la Suisse fanfaronnait à Montréal avec les 195 États qui se sont mis d’accord pour créer des aires protégées sur 30% de la surface des terres et des mers d’ici 2030, elle donne la priorité à des constructions industrielles en pleine nature alors que ses surfaces protégées selon les critères adoptés à Montréal ne couvrent aujourd’hui que 7 à 13% de son territoire. Un non-sens économique - L'ouverture sans restriction de grandes surfaces libres à l'installation de vastes champs photovoltaïques et d'éo- liennes géantes est en contradiction avec une gestion économique des ressources naturelles. En libérant de tels projets de l'obligation de respecter les législations sur la nature, l'aménagement du territoire et l'environnement, en les déclarant d’emblée d’un intérêt national supérieur à tout autre et en les subventionnant massivement (jusqu’à 60 % des coûts d’investissements) le Parlement ouvre la porte à une avalanche de projets mal préparés, énergétiquement inefficaces, économiquement insensés. Ce sera un fiasco économique à la charge des consommateurs et des collectivités publiques, en première ligne des communes qui auront hérité d’installations en ruine sur leur territoire. Un non-sens social - Nous avons encore bien davantage besoin de nature que d’un supplément aléatoire de courant électrique. Les généra- tions à venir auront grand besoin d’une nature et de paysages intacts pour garantir les équilibres écologiques, préserver la biodiversité, pour leur santé physique et psychique, pour la détente, la contemplation, les vacances et le sport. Il y a pourtant des solutions - Il existe un immense potentiel de production d’électricité renouvelable sans qu’il soit nécessaire de porter atteinte à la nature. Selon une étude publiée par l'Office fédéral de l'énergie (OFEN), le potentiel d'énergie solaire qui peut être exploité sur les bâtiments et infrastructures suisses disponibles est de 67 milliards de kilowattheures par an. Cela correspond à 110% de la consomma- tion totale d'électricité en Suisse et rend inutile la couverture d’espaces libres par des panneaux photovoltaïques et le saccage de nos pay- sages par des éoliennes industrielles. C’est pourquoi l’engagement critique de Paysage libre est juste et nécessaire ; c’est un combat pour le vivant, pour la démocratie, pour un avenir de réconciliation entre l’humanité et la nature.
*« L’invité » est une rubrique qui donne la parole à une personnalité dont les préoccupations touchent d’une façon ou d’une autre à la pro- blématique des éoliennes. Les propos tenus n’engagent que leurs auteurs.
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