L’invité* : Thierry Amy, avocat, Dr. en droit, Syndic de Cugy, candidat au Conseil national PLR Windexpress et le projet éolien EolJorat Sud : pas si simple ! Le 6 juin dernier, le Conseil naƟonal s’est rallié au Conseil des États sur le projet Windexpress (22.461 « Loi urgente concernant l’accéléraƟon de projets de parcs éoliens avancés et de grands projets de cen- trales hydrauliques à accumulaƟon »). Ceci a comme conséquence que dès l’entrée en vigueur de ce nouvel arƟcle 71c dans la Loi fédérale sur l’énergie (LEne), il sera possible pour tous les parcs éoliens disposant d’un plan d’affectaƟon entré en vigueur de pouvoir bénéficier d’une procédure accélérée de permis de construire. Conséquence : ce sont les cantons qui seront dorénavant compétents pour déli-
vrer les autorisaƟons de construire, nos chambres fédérales considérant que les communes et leurs citoyens ont implicitement déjà donné leur accord dans la mesure où ils ont pu approuver le plan d’affectaƟon y relaƟf. Surprenant ! En parƟculier pour certains projets où les plans parƟels d’affectaƟon finalement approuvés par le Tribunal fédéral conƟennent encore d’importantes lacunes. Tel est le cas du projet EolJorat Sud, pour lequel le Tribunal fédéral a réservé plusieurs quesƟons essenƟelles à l’examen qui devait avoir lieu dans le cadre de l’enquête publique liée à la construcƟon de chaque installaƟon. C’est le cas en parƟculier de la quesƟon du bruit (respect de l’OPB), de la quesƟon des distances de sécurité (jets de glace) et, last but not least , de celle liée à la réalisaƟon de la seconde étape de l’étude d’im- pact environnemental, que les promoteurs du projet (SIL), n’avaient pas jugé uƟle d’effectuer avant de déposer leur projet à l’enquête. S’agissant de ce dernier élément, il est central car, sans étude d’impact environnemental complète, il est exclu de pouvoir considérer qu’une planificaƟon a pu avoir lieu en bonne et due forme avec une pesée d’intérêts complète. Dans le texte originel de l’art. 71c LEne, il était expressément réservé qu’ « une pesée étendue des intérêts a eu lieu dans le cadre de la planificaƟon de l’uƟlisaƟon du sol ». CeƩe précision a disparu du texte finalement approuvé par le parlement. Mais dans les faits, ceƩe condiƟon est toujours restée dans l’esprit de nos parlementaires qui n’ont eu de cesse de rappeler tout au long de leurs intervenƟons que le processus de planificaƟon devait avoir eu lieu de manière complète et que le processus démocraƟque devait être respecté au niveau des communes. Dans le cas du projet EolJorat Sud, ceƩe condiƟon n’est pas remplie. Pire, le Tribunal fédéral, en réservant les quesƟons essenƟelles susmenƟonnées, ne semble pas avoir respecté la législaƟon dont il est pourtant chargé de contrôler l’applicaƟon stricte ; en réalité, s’il avait été cohérent, il aurait dû ren- voyer le projet EolJorat Sud à ses auteurs pour qu’ils complètent leur dossier en effectuant la deuxième étape de l’étude d’impact environ- nemental, de telle manière à permeƩre ensuite aux autorités judiciaires compétentes d’effectuer une pesée des intérêts complète et cré- dible. Aujourd’hui, si les SIL, en tant que promoteurs du projet EolJorat Sud, devaient choisir d’appliquer la soluƟon prévue par Win- dexpress, toutes les quesƟons réservées par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 1 er mars 2022 pourraient ne pas être examinées. L’auto- rité cantonale pourrait être tentée de ne pas se montrer aussi exigeante qu’à l’habitude, dans la mesure où les voies de recours mainte- nues dans Windexpress sont parƟculièrement restricƟves et ne pourraient, le cas échéant, pas consƟtuer un moyen de pression suffisant pour obliger le promoteur à présenter un projet conforme aux exigences de la loi en tenant compte de tous les intérêts juridiquement protégés et dignes de protecƟon en cause. Si un tel scénario devait se réaliser, il incomberait à toutes les parƟes concernées de dénoncer un tel comportement et d’engager la res- ponsabilité de l’État face à de telles manœuvres parfaitement inacceptables dans notre pays. À cet égard, il est intéressant de relever que dans un arrêt récent rendu en date du 27 avril 2023, le même Tribunal fédéral rejetait le recours de deux communes vaudoises et d’un parƟculier contre la décision de classement de la zone centrale du parc naturel périurbain de Lausanne en relevant notamment que « le fait que l’approbaƟon de la planificaƟon d’affectaƟon du parc éolien ne repose que sur la première étape de l’étude de l’impact sur l’envi- ronnement (EIE ; cf. art. 6 OEIE [RS 814.011]) ne condamne pas la zone centrale liƟgieuse. Les éoliennes ne sont pas prévues dans celle-ci mais en zone de transiƟon, dans laquelle les construcƟons sont possibles, pour autant qu’elles ne compromeƩent pas les objecƟfs de pro- tecƟon et de développement du parc (…). Or, cet aspect devra être observé au stade du permis de construire, singulièrement de la deu- xième étape de l’EIE en lien avec la quesƟon de la conformité des différentes machines aux valeurs environnementales et naturelles du site (cf. art. 3 al. 1 OEIE) (…). » Certes, cet arrêt a été rendu avant l’approbaƟon du Windexpress. Il n’en demeure pas moins que le travail d’analyse et de pesée des intérêts n’ont pas été effectués en ce qui concerne les impacts éventuels du parc éolien EolJorat Sud qui, cerise sur le gâteau, se trouve posiƟonné en plein milieu d’un parc naturel périurbain, censé, selon la loi, « offrir un milieu naturel préservé à la faune et à la flore indigène et des acƟvités de découverte et de la nature au public » (art. 23 h al. 1 LPN). Quelqu’un a-t-il dit que nous marchions sur la tête ?
* « L’invité » est une rubrique qui donne la parole à une personnalité dont les préoccupaƟons touchent d’une façon ou d’une autre à la problémaƟque des éoliennes. Les propos tenus n’engagent que leurs auteurs.
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