L’invité* : Hermine Weidmann, Dr. phil., psychologue FSP De la chasse aux souris à la lutte contre les éoliennes Une rétrospective et quelques réflexions face à la situation actuelle Qu’est-ce qui peut amener une Suissesse alémanique, ancienne conseillère en orientation universitaire, à se mêler dans le débat autour des parcs éoliens projetés au Jura Vaudois et plus spécialement à Sainte- Croix ? En Suisse alémanique, le Jura en tant que paysage caractéristique est peu connu. Et au lieu de franchir le fossé de rösti pour découvrir le Jura Vaudois on s’oriente plutôt vers les Alpes ou le Tessin. Or, une quinzaine d’années avant la retraite il me vint l’idée de passer mes vacances dans le Jura. Puisque le chat devait être de la partie, il n’y avait qu’une seule offre de location : Le Grand-Hôtel des Rasses.
À l’arrivée en automne 1983, l’hôtel se présentait dans un état lamentable. Faute d’alternative, on y passait une nuit blanche : notre chat s’adonnait à la chasse aux souris et déposait sa proie gentiment sur mon oreiller… Le lendemain eût lieu le coup de foudre : La découverte du panorama des Alpes et des beautés paysagères de la région. La décision d’acheter un petit appartement de vacances adossé à la pente du Chasseron n’a pas tardé. Cela ouvrait la voie à d’innombrables randonnées pendant une bonne trentaine d’années – et à la connaissance de deux opposants au parc éolien de Sainte-Croix aussi convaincus que convaincants : Olivier Lador et Christophe Perrier. Quand je passe en revue les efforts de l’opposition contre les éoliennes, il me semble qu’ils avaient peu de chances de réussir. En 2012, un premier signe de la victoire des pro-éoliens fût l’approbation du Conseil fédéral au postulat du conseiller aux États Robert Cramer qui visait une simplification des procédures de construction d’éoliennes dans les zones forestières. La deuxième «annonce» avait lieu en 2017 : La Fondation pour la protection et l'aménagement du paysage (SL/FP) s'est distancée de l'opposition au parc éolien de Sainte-Croix et a laissé le soin de saisir le Tribunal fédéral (TF) à Helvetia Nostra, BirdLife Suisse et aux opposants locaux. La troisième annonce fût prononcée en 2020 par le directeur de la SL/FP Raimund Rodewald lui-même dans une interview à la NZZ : "Quant à l'énergie éolienne, les premières crêtes du Jura et des Préalpes doivent être taboues en raison de la visibilité des turbines". A l'inverse, cela signifie que les régions situées derrière les premières crêtes du Jura et des Préalpes sont exclues de la protection du paysage; n’étant pas visibles depuis le Plateau, elles peuvent être équipées d’éoliennes! En 2021, ce fût le coup décisif : le TF a rejeté le recours contre le parc éolien de Sainte-Croix. Cet arrêt du tribunal suprême (infaillible!) est aussi pitoyable que scandaleux: Il nie les lois de la physique, nomme des renvois erronés et présente des argumentations juridiques pour le moins discutables. Cela constitue une honte pour le TF lui-même, un désastre pour la région de Sainte-Croix et une épée de Damoclès pour tous les sites où sont prévus des parcs éoliens. En 2023, le Parlement fédéral a fait cause commune avec les compagnies d’électricité : au bout d’une demi-année il a adopté l’offensive solaire, l’express éolien et le décret manteau (Mantelerlass). Cela veut dire qu’il a pratiquement voté l’abandon de la protection de l’envi- ronnement, la privation du pouvoir des communes et la restriction des droits populaires. Le décret manteau lèse la Constitution fédérale; ce qui marque une étape sur le cheminement de notre pays tout entier vers une république bananière comme l’avait documentée Michel Bühler dans son livre « Les maîtres du vent » (Éditions Campiche, Sainte-Croix 2021). Cette série de défaites pourrait être décourageante. Or, rappelons-nous le mot de Guillaume d’Orange, dit Guillaume le Taciturne, que Mi- chel Bühler m’a cité dans un courriel du 5 mars 2022 : « Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer » ! Relâcher nos efforts signifierait non seulement que nous abandonnons nos buts de protéger tel ou tel paysage, mais aussi que nous trahis- sons l’idée même de la protection du paysage, de la nature et de la biodiversité. Nos paysages menacés par les parcs éoliens sont devenus le symbole de notre pays menacé par le pacte entre économie et politique énergétiques. La complicité traître des grandes ONG environne- mentales avec les turbos énergétiques doit être contrariée par les efforts unis de toutes les personnes disposées à protéger la beauté ex- ceptionnelle de nos paysages et les atouts incomparables de notre démocratie directe. Devenons membres de la nouvelle « Union pour la nature et le paysage suisse »; signons son référendum contre le décret manteau. Bref : Suivons les propos de Bertolt Brecht que Michel Bühler avait mis en réserve pour la page d’accueil de l’Association pour la Sauvegarde des Gittaz, du Mont-des-Cerfs et de Sainte-Croix (ASGMS) : « Quand tort devient droit, résistance devient devoir » ! * « L’invité » est une rubrique qui donne la parole à une personnalité dont les préoccupations touchent d’une façon ou d’une autre à la pro- blématique des éoliennes. Les propos tenus n’engagent que leurs auteurs.
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