L’invité* : Michel de Rougemont
Ingénieur chimiste, Dr sc tech EPFL, Consultant, membre du comité du groupe de réflexion Carnot-Cournot-Netzwerk
Les obstacles non surmontés des productions intermittentes de courant électrique
Tout le monde sait que sans vent, aucune éolienne ne produit de l’électricité et que sans soleil, il en est de même pour les panneaux solaires. Tout le monde sait que le courant électrique ne se laisse pas emmagasiner et qu’il faut donc le produire en parfaite synchronisation avec la demande. Tout le monde devrait savoir que des panneaux photovoltaïques (PV) ou des moulins à vent ne peuvent pas satisfaire la demande en tout temps. Il est donc faux de prétendre qu’un parc de ces engins fournirait le courant consommé par un village ou une ville tout au long de l’année. Tout le monde le sait, mais les ravis de la crèche renouvelable ne veulent pas le reconnaître. Ils adoptent ainsi la posture de producteurs irresponsables qui se fichent des besoins de leurs clients. Il ne suffit donc pas de produire ce bien évanescent et de refiler au réseau la tâche de se débrouiller avec les jeux des ténèbres, des nuages et d’Éole. C’est pourtant ce qui se passe aujourd’hui, heureusement encore à faible échelle, avec des préférences et des subventions à l’avantage de ces gredins. Pour approvisionner le pays, d’autres moyens doivent être disponibles afin de pailler les manques et écrêter les excès de l’intermittence. Le mauvais exemple à ne pas suivre est donné par l’Allemagne qui doit compter sur ses centrales thermiques au charbon et au gaz pour éviter le collapse du réseau. Ce ne sont pas les courts instants où toute la demande serait satisfaite par des renouvelables dont il faut se réjouir, c’est lorsque ce n’est pas le cas qu’il faut en tirer les conséquences, donc la plus grande part du temps. En Suisse et en moyenne sur l’année, on ne peut compter sur les éoliennes qu’à 21 % de leur capacité installée ; pour les panneaux PV, ce taux appelé facteur de charge est de 11%. Pour concevoir un système complet et performant il vaudrait mieux éviter d’introduire ces renouvelables papillonnantes qui, même en faible proportion, déstabilisent le réseau. Et si l’on s’obstine à en utiliser, il est nécessaire de convertir leurs pics excessifs de production en une forme stockable d’énergie (p.ex., pomper de l’eau en altitude, charger une batterie électrochimique) pour la restituer aux moments creux par le biais d’une autre conversion. Ces deux étapes supplémentaires entraînent des pertes de 10 à 20 %, doublent la charge à trans- porter par le réseau et, facteur volontiers oublié par les experts publiant des rapports de complaisance, exigent que leurs puissances soient aussi élevées que celles desdites renouvelables. Les facteurs de charge de ces énormes accessoires seront encore plus faibles que ceux de leurs pourvoyeurs. Pour compliquer la chose il faut aussi se rappeler que la saisonnalité fait que la demande en électricité sera plus forte en hiver si les chauf- fages au mazout et au gaz sont remplacés par des pompes à chaleur. Comme un stockage intersaison n’est pas concevable, il faudrait alors encore plus compter sur des importations, pourtant très improbables au vu des pénuries que nos voisins s’organisent aussi. Ou bien, il fau- drait disposer d’une très forte puissance de réserve, au gaz venant d’ailleurs et qui resterait très mal utilisée. Ne parlons pas ici de la fable de l’adaptation de la demande à la production, du phantasme hydrogéné ou de la sobriété imposée, aucune de ces propositions n’est dési- rable. À une production bégayante il faudrait donc ajouter deux autres installations de même puissance, surcharger le réseau et couvrir le terri- toire de ces équipements vilains, inefficients et inefficaces. Et comme les lois de la thermodynamique l’exigent, il faudrait surdimensionner le tout pour tenir compte de pertes qui se produisent au long de cette chaîne complexe. Construire plus pour coûter plus : les pique-as- siettes et les parasites du secteur se réjouissent, sans que cela ne contribue en rien à sauver la planète, bien au contraire. Il n’est pas néces- saire d’être expert en économie ou en écologie pour savoir que ça n’a pas de sens, surtout s’il faut renouveler ces renouvelables tous les 25- 30 ans. Ces obstacles sont pourtant surmontables, sans miter le territoire et sans dépenses pharaoniques. Il suffit d’avoir le courage d’en prononcer l’adjectif qualificatif – nucléaire – qui se marie si bien dans notre pays avec l’hydraulique. C’est pourquoi il faut se réjouir qu’un vote référen- daire contre la loi. « Mantelerlass » doive se tenir ; ce sera l’occasion de peser les vraies priorités pour l’approvisionnement électrique du pays. * « L’invité » est une rubrique qui donne la parole à une personnalité dont les préoccupations touchent d’une façon ou d’une autre à la pro- blématique des éoliennes. Les propos tenus n’engagent que leurs auteurs.
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