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ECONOMIE

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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 30 OCTOBRE 2025

Conquête spatiale Pourquoi un spatiodrome pourrait devenir un levier économique et géostratégique pour le Maroc L Sous le soleil du Sahara marocain, le Royaume pourrait bien viser les étoiles. Une étude scientifique menée par le chercheur Nabil Souhair démontre la faisabilité d’un spatiodrome national capable de propulser le Royaume dans la course mondiale à l’espace. Au-delà du rêve, c’est une ambition économique et stratégique sur laquelle il faudra se pencher. Par R. Mouhsine le même plan orbital que la Lune (28,6° N), offrant un accès optimal aussi bien aux orbites terrestres qu’aux missions lunaires. Le chercheur insiste : «Le sud marocain est l’un des rares endroits au monde où peuvent être combi- nés les trois paramètres idéaux : stabilité climatique, espace aérien dégagé et proximité maritime».

e Maroc, future porte d’accès africaine à l’espace ? C’est l’hy- pothèse sérieusement étudiée par une équipe de chercheurs dirigée par Nabil Souhair, pro- fesseur de propulsion à l’Univer- sité Internationale de Rabat et à l’Université de Bologne. Dans une étude présentée au 73 ème Congrès international d’astronautique (IAC 2022), intitulée «Feasibility ana- lysis of a spaceport in Morocco as a pathway to meeting the growing international demand for space access» (Analyse de faisabilité d’un spatiodrome au Maroc comme voie pour répondre à la demande internationale crois- sante d’accès à l’espace, ndrl.), le chercheur affirme que le Royaume dispose de tous les atouts natu- rels, logistiques et politiques pour accueillir un spatiodrome capable de répondre à la demande mon- diale croissante de lancements. Et au-delà du prestige, c’est tout un nouveau pan économique - celui de l’économie orbitale - qui s’ouvrirait au pays.

les zones de lancement et de stockage de carburants cryogé- niques, les hangars d’assemblage, les infrastructures portuaires et ferroviaires, et les installations de contrôle et de sécurité. Les coûts opérationnels annuels sont estimés entre 40 et 60 mil- lions d’euros, largement compen- sables par les revenus des lan- cements commerciaux (10 à 20 millions d’euros par mission). Avec une cadence de 10 à 20 tirs par an, le retour sur investissement serait atteint en 10 à 15 ans, hors béné- fices indirects. À cela s’ajoutent des retombées macroécono- miques substantielles : jusqu’à 5.000 emplois directs et indirects (techniciens, ingénieurs, logis- tique), la création d’un écosys- tème industriel spatial, et un effet d’entraînement sur les secteurs du tourisme scientifique et de la for- mation STEM. Par ailleurs, l’un des aspects les plus innovants du pro- jet réside dans sa dimension éco- logique. «Grâce à sa production de solaire et d’hydrogène vert, le Maroc pourrait devenir le premier pays à proposer des opérations de lancement à faible empreinte carbone» , explique Souhair. Les futures fusées à hydrogène propre pourraient, en partie, être

Une opportunité mondiale portée par le «New Space» Le contexte est historique. En 2025, le secteur spatial mondial pèse déjà près de 600 milliards de dollars, et les prévisions tablent sur 1.000 milliards à l’horizon 2040 selon Morgan Stanley. La démo- cratisation des mini-satellites et l’explosion des constellations pri- vées (Starlink, OneWeb, Amazon Kuiper…) ont fait exploser la demande de sites de lancement. Or, la capacité mondiale de lance- ment est saturée : Cap Canaveral, Kourou ou Vostochny tournent à plein régime, et les nouveaux entrants - Norvège, Australie, Écosse, Nouvelle-Zélande - peinent à absorber la file d’attente. Dans ce contexte, le Maroc appa- raît comme un candidat naturel. «Notre pays combine trois avan- tages stratégiques : une latitude quasi équatoriale favorable aux lancements, d’immenses zones désertiques peu peuplées, et une ouverture sur l’Atlantique permet- tant des trajectoires sécurisées» , résume Nabil Souhair. L’axe Laâyoune - Dakhla, selon l’étude, présente même des carac- téristiques orbitales comparables à celles de Cap Canaveral : à 27° Nord, il se situe quasiment sur

Les déserts atlantiques du Sahara offrent des zones de sécurité natu- relles pour la retombée des étages de fusées, tandis que la faible sismicité et le climat sec réduisent considérablement les coûts d’en- tretien des installations. L’accès direct à la mer permet- trait aussi d’acheminer les élé- ments lourds (étages, réservoirs, moteurs) par voie maritime, depuis l’Europe ou les États-Unis, via le port de Laâyoune, dont une exten- sion logistique est envisagée dans le scénario étudié. Un projet économiquement viable L’étude menée par Souhair et son équipe repose sur une modéli- sation économique détaillée. La construction initiale d’un spatio- drome marocain nécessiterait un investissement compris entre 500 et 800 millions d’euros, couvrant

«Grâce à sa production de solaire et d’hydrogène vert, le Maroc pourrait deve- nir le premier pays à proposer des opérations de lancement à faible empreinte carbone».

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