ECONOMIE
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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 30 OCTOBRE 2025
bitales ou de petits lanceurs avant de viser l’orbital» . Les projections économiques et techniques convergent : un scé- nario réaliste à horizon 2035. Le modèle préconisé serait celui d’un partenariat public-privé, soutenu par des acteurs étrangers (ESA, NASA, entreprises américaines et indiennes) et adossé à des infras- tructures nationales existantes (ports, routes, énergie). Ce projet, s’il se concrétise, pourrait propul- ser le Maroc dans le cercle res- treint des nations offrant un accès spatial, un club qui ne compte aujourd’hui qu’une quinzaine de membres. L’espace est souvent présenté comme la «dernière frontière». Pour le Maroc, il pourrait deve- nir la prochaine frontière écono- mique. Dans un monde où l’accès à l’orbite devient aussi stratégique que l’accès à la mer au XIX ème siècle, construire un spatiodrome, c’est investir dans l’indépendance technologique, l’innovation et le rayonnement du pays. ◆
Le Royaume dispose de tous les atouts naturels, logistiques et politiques pour accueillir un spatiodrome capable de répondre à la demande mondiale croissante de lancements.
alimentées localement, réduisant les coûts d’importation et posi- tionnant le Royaume à l’avant- garde d’un New Space durable. Pour l’ingénieur et économiste Charaf Louhmadi, auteur de «Fragments d’histoire des crises financières», un spatiodrome marocain serait bien plus qu’un projet technologique : «Il s’agit d’un instrument de puissance. Depuis le XX ème siècle, l’accès à l’espace symbolise la souverai- neté scientifique et la maîtrise du futur. Le Maroc a les capacités humaines et financières pour fran- chir cette étape» . Selon lui, le sud marocain (Tan- Tan, Laâyoune, Dakhla) offre un positionnement quasi idéal : «Dakhla se situe à 21° de lati- tude nord, contre 28° pour Cap Canaveral. Cela réduit les besoins en carburant et les coûts de lan- cement» . Louhmadi estime qu’un tel projet pourrait attirer les capi- taux mondiaux de la recherche spatiale, stimuler les universités marocaines et accélérer la montée en compétence des jeunes ingé- nieurs, et y voit une occasion de « renforcer la souveraineté scien- tifique du Maroc, tout en déve- loppant un nouvel écosystème industriel» .
Un catalyseur pour l’écosystème spatial africain Le Maroc, qui exploite déjà ses satellites Mohammed VI-A et VI-B, a les moyens de s’affirmer comme acteur spatial continental. En 1989, le pays a fondé le Centre royal de télédétection spatiale, et un satellite géostationnaire conçu localement doit voir le jour avant fin 2025, selon Thales Maroc. Dans ce contexte, un spatiodrome national pourrait servir de hub africain pour les lancements de nanosatellites, à l’instar des pro- grammes émergents du Sénégal ou de l’île Maurice. Il renforce- rait le leadership du Maroc sur le continent et offrirait à l’Afrique un accès autonome et compétitif à l’espace. Construire une base spatiale ne se fait toutefois pas sans obstacles. La mise en place d’un cadre légal et environnemental (licences, ges- tion des débris, sécurité aérienne), la mobilisation de financements publics et privés à long terme, et la formation d’un corps d’experts nationaux en ingénierie des lan- cements, contrôle de mission et propulsion, sont autant de défis auxquels il faudra répondre. Souhair reste lucide : «Un spatio- drome marocain ne se fera pas
du jour au lendemain. Il faut une feuille de route progressive : com- mencer par des opérations subor-
L’économie de l’espace en chiffres
• En 2024, l’économie spatiale mondiale a atteint environ 613 milliards de dollars, selon la Space Foundation. • Ce chiffre marque une hausse de 8% par rapport à 2022, portée par les satellites commerciaux et la connectivité orbitale. • Une étude du World Economic Forum et de McKinsey & Company prévoit une valeur de 1,8 trillion de dollars d’ici 2035, contre 630 milliards en 2023. • PwC anticipe un marché mondial de 2 trillions de dollars à l’horizon 2040. • Aux États-Unis, l’économie spatiale a généré en 2022 un PIB de 131,8 milliards de dollars, soit 0,5% du PIB national, et soutenu 347.000 emplois dans le secteur privé (BEA). • D’après Global Market Insights, le marché spatial mondial devrait passer de 418 milliards en 2024 à 788,7 milliards de dollars en 2034, avec un taux de croissance annuel moyen (CAGR) de 6,7%. • Plus de 18.000 petits satellites devraient être lancés d’ici 2035, selon l’OCDE. • Le tourisme spatial, évalué à 1,2 milliard de dollars en 2023, pourrait atteindre 12 milliards d’ici 2032 (Fortune Business Insights). • Le marché des infrastructures orbitales et de maintenance satellitaire pourrait dépasser 25 milliards de dollars par an d’ici 2030. • L’économie lunaire (bases, ressources, transport) pourrait atteindre 80 milliards de dollars d’ici 2040, selon Bank of America. • Le secteur spatial privé représente désormais 77% des dépenses mondiales dans l’espace, contre 23% pour les gouvernements (BryceTech 2025). • Les investissements mondiaux en capital-risque dans le spatial ont atteint 12 mil- liards de dollars en 2023, en hausse de 60% sur cinq ans. • Les emplois directs et indirects liés à l’espace dépassent 1 million de postes dans le monde. • Les pays émergents (Afrique, Amérique latine, Asie du Sud) devraient capter 15% du marché spatial mondial d’ici 2040, contre 4% aujourd’hui.
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