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JEUDI 7 NOVEMBRE 2024 / FINANCES NEWS HEBDO
SOCIÉTÉ
Crise dans le secteur de la justice
Les robes noires durcissent le ton Jugeant que leurs revendications sont restées sans réponse, les avocats intensifient leur mouvement de protestation en organisant une grève totale des audiences de tous genres, jusqu’à satisfaction de leurs doléances. Par M. Boukhari L
e secteur de la justice au Maroc est plongé dans une crise pro- fonde et prolongée, avec des tensions croissantes entre les avocats et les autorités com- pétentes. Dans ce contexte, l'Association des barreaux du Maroc (ABAM) a annoncé, dans un communiqué diffusé récemment, l'arrêt complet des activités de défense à partir du 1 er novembre 2024, et ce jusqu'à nouvel ordre. Cette décision marque un tournant dans le combat des avocats pour la préservation des acquis des justiciables et des profes- sionnels, tout en soulignant un malaise grandissant au sein de la profession. Dans son communiqué, l'ABAM affirme que ce mouvement de grève s’inscrit dans un cadre de protestation plus large visant à défendre un ensemble de revendications jugées essen- tielles pour le bon fonctionne- ment de la justice au Maroc. Cette suspension des activités de défense, qui sera gérée par les bâtonniers et les Conseils des barreaux, survient après plusieurs mois de tentatives de dialogue avec les autori- tés, mais également après le constat «amer» d'une absence
de réactivité face aux initiatives de l’ABAM. Les avocats ont, en effet, main- tenu un dialogue constant avec les pouvoirs publics dans l’es- poir d’aboutir à des solutions qui répondent aux enjeux cri- tiques du secteur. Cependant, l'ABAM déplore un manque d'attention et d’engagement de la part des autorités face à une situation de plus en plus préoccupante. Selon l'Associa- tion, cette inaction a contribué à aggraver les difficultés ren- contrées par les professionnels et les justiciables, et ce dans un contexte où les réformes proposées ne tiennent pas suf- fisamment compte des intérêts de l'ensemble des parties pre- nantes. «Réformes unilatérales» L'un des principaux points de tension entre les avocats et les autorités concerne les réformes en cours dans le secteur judi- ciaire. L'ABAM critique vive- ment l’imposition de «réformes unilatérales», qu'elle considère comme visant uniquement à répondre à une vision réfor- miste étroite et déconnectée des réalités du terrain. Selon l’Association, ces réformes
risquent de porter atteinte aux acquis des citoyens et des pro- fessionnels, en créant une dis- crimination entre les différentes catégories de justiciables et en entravant l'accès à la justice. L'ABAM insiste sur le fait que la réforme de la justice ne peut être menée à bien sans une véri- table approche participative, prenant en compte les intérêts de toutes les parties concer- nées, notamment les avocats et les citoyens. Pour l'Associa- tion, la solution réside dans un dialogue inclusif et constructif, où chaque acteur du secteur judiciaire serait consulté, afin d'assurer une réforme équili- brée et respectueuse des prin- cipes constitutionnels et des droits des citoyens. Pour Me Elhassan Essonni, avo- cat au Barreau de Casablanca, la problématique majeure
actuelle avec ce gouvernement réside dans l'exclusion et le manque de transparence. «Le gouvernement actuel semble avoir opté pour l'exclusion systématique, et désormais, il apparaît que toutes les lois seront adoptées au Parlement sans consultation préalable des parties concernées. Une telle démarche risque de se heur- ter à un rejet populaire, ce qui pourrait entraîner une crise de légitimité. Nous souhaitons que ces lois bénéficient d'une véri- table légitimité, issue d'un dia- logue inclusif et transparent» , insiste-t-il. Essoni révèle qu’un autre point préoccupant est le manque de transparence dans le débat autour de ces lois. «Les avo- cats, par exemple, ne disposent d’aucune plateforme pour dis- cuter de leurs revendications.
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