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FINANCES NEWS HEBDO / JEUDI 7 NOVEMBRE 2024
SOCIÉTÉ
Et de poursuivre : «Une autre question qui mérite d’être abor- dée concerne la révision des amendes, qui doivent être en adéquation avec le pouvoir d'achat des citoyens, afin de ne pas les contraindre à des paie- ments excessifs». Le gouvernement a également introduit des modifications concernant la «notification», en la rendant obligatoire non seulement au niveau des ser- vices de la collectivité territo- riale, mais aussi au niveau de la présidence du Conseil ou de la Direction générale des services. Une procédure qui, d’après notre source, risque d’alourdir les démarches admi- nistratives et d’entraîner des délais supplémentaires. Loi de Finances 2023 En outre, l’une des disposi- tions jugée la plus inquiétante est l'impossibilité d'introduire un recours pour examiner la légalité d’une décision adminis- trative. Dans ce sens, Essouni souligne que les citoyens affec- tés par une décision adminis- trative ne peuvent plus contes- ter celle-ci devant un tribunal compétent, ce qui les prive d’un recours essentiel pour protéger leurs droits et garantir la res- ponsabilité des administrations publiques. Qui plus est, la disposition dite «très grave» concerne, selon notre source, l'impossibilité de saisir les fonds publics, qu'il s'agisse des biens de l'Etat ou des collectivités territoriales. Le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, justifie ces mesures en invoquant leur inclusion dans la Loi de Finances de 2019. Cependant, pour Essoni, «la Loi de Finances est une loi tempo- raire, et ne peut pas modifier une procédure civile qui relève
de la loi fondamentale. C'est la Loi de Finances qui doit res- pecter les principes de la pro- cédure civile, et non l'inverse. De plus, seuls certains fonds publics devraient être protégés contre la saisie, et non la tota- lité» . Dans le domaine fiscal, Me Elhassan Essonni pointe du doigt une autre injustice qui touche la profession d’avocat. «L'avocat est le seul citoyen à devoir régler trois types d'acomptes sur l'impôt sur le revenu : les paiements anticipés pour chaque dossier, la rete- nue à la source pour chaque facture qu'il émet, et le paie- ment d'un minimum d'impôt en janvier ou février. En com- paraison, les autres citoyens n’ont à s'acquitter que d’un ou deux acomptes sur l'impôt sur le revenu» , regrette-t-il. Et de conclure : «Dans la Loi de Finances 2023, plusieurs dispositions ont été adoptées, imposant à l'avocat de payer une avance de 1.200 dirhams pour chaque dossier, en plus de 20% du montant de la fac- ture. Ces décisions, prises sans une étude sérieuse ni une com- préhension adéquate de la réa- lité de la profession, ont suscité une vive opposition de la part des avocats. Heureusement, après de nombreuses mani- festations et une mobilisation générale, le gouvernement a accepté de réviser ces mesures. Le pourcentage de la retenue à la source a ainsi été réduit à 10% pour l'impôt sur le revenu (IR) et 5% pour l'impôt sur les sociétés (IS). Quant à l’avance sur chaque dossier, elle a été réduite de 1.200 dirhams à 100 dirhams, ce qui représente un ajustement bienvenu pour la profession». Enfin, pour Essoni, si certaines révisions ont permis la correc- tion des injustices subies par la profession, il reste encore beaucoup à faire pour garan- tir une véritable équité fis- cale et juridique pour tous les citoyens. ◆
Les avocats ont maintenu un dialogue constant avec les pouvoirs publics dans l’espoir d’aboutir à des solutions qui répondent aux enjeux critiques du secteur.
Plusieurs propositions, comme celles portant sur la procédure pénale, la procédure civile ou la couverture sociale, devraient faire l'objet d'un débat respon- sable et approfondi avec l'exé- cutif. Cependant, ce dialogue est inexistant aujourd'hui», déplore-t-il. L’intérêt du justiciable Pour ce qui est de la procé- dure civile, en l'occurrence, les professionnels constatent une atteinte aux droits et prin- cipes constitutionnels. «Parmi les mesures controversées, on trouve l'élévation du seuil de recours en appel, qui res- treint l'accès à la justice. Cette hausse des frais de procédure est particulièrement probléma- tique, car elle oblige les jus- ticiables à dépenser 30.000 dirhams au lieu de 5.000 DH
pour un recours classique, et 10.000 dirhams pour la justice de proximité. Une telle augmen- tation des coûts pénalise grave- ment les citoyens, en particu- lier ceux à revenus modestes», explique Essoni. Ce dernier met également l’ac- cent sur une tendance inquié- tante qu’est l'expansion des procédures dites «orales», où l'on sous-entend que le jus- ticiable n'a pas besoin d'un avocat. «Bien que le Code de la profession d’avocat exige la présence d’un avocat dans de nombreuses situations, certains tribunaux estiment que, dans le cadre de ces procédures, l'assistance juridique n'est pas nécessaire. Toutefois, cela va à l’encontre de l'intérêt du justi- ciable qui se retrouve désavan- tagé sans une représentation légale adéquate» , note-t-il.
L'ABAM critique vivement l’imposition de réformes unilatérales, qu'elle consi- dère comme visant uniquement à répondre à une vision réformiste étroite et déconnectée des réalités du terrain.
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