En intitulant cette exposition Tout contre la Terre , vouliez-vous insister sur le fait que nous, les humains, sommes profondément liés à la Terre ? Cette Terre est profondément vivante, donc humaine. C’est un sujet véritablement an- thropologique : selon leurs cultures, les diffé- rentes populations n’ont pas le même rapport à elle. D’un autre côté, quand on regarde les données scientifiques et que l’on mesure la dégradation, tout se passe comme si nous étions contre la Terre, que l’on ne faisait pas partie d’elle. Nous avons choisi ce jeu de lan- gage pour dire aussi que nous sommes tout contre la Terre. Nous devons donc la protéger et nous protéger. Vous vous êtes efforcés de vulgariser les connaissances scientifiques. Pensez-vous que cela est important ? Oui. Un musée est un lieu de culture. Nous nous devions donc de trouver les mots pour présenter au public les informations et les concepts scientifiques de la manière la plus compréhensible possible. L’exposition fait aussi la part belle aux émotions. Pourquoi ? C’est en effet l’une de ses grandes originali- tés. Depuis dix ans, on a vu fleurir des études en psychologie démontrant que, pour agir de manière positive vis-à-vis de la planète, il ne suffit pas d’être informé de la situation. Si votre terrain émotionnel n’est pas favorable, vous n’aurez peut-être pas une bonne ap- préhension des connaissances et une bonne mise en actions. Nous avons donc laissé une large part aux émotions, en plaçant en son
QUESTIONS EXPRESS À HERVÉ GROSCARRET Votre retraite idéale? Avec un âne sur les chemins de Stevenson. Le monde de vos rêves ? La poésie. Une «première fois » que vous aimeriez revivre? La traversée d’une rivière du Jura. Que faites-vous d'une heure de libre? J’écris. Votre secret santé? Lever tôt et sport régulier.
chantier qui s’ouvre pour l’humanité, laquelle devra changer sa manière de produire, de se déplacer, de s'alimenter, etc. Nous avons aussi exposé des dessins de Gabriel Ruta qui, tous les matins, a dessiné un animal placé sur la liste des espèces en danger, en le présentant dans un cimetière factice. L’exposition est malgré tout optimiste. Je ne dirais pas qu’elle est optimiste, plutôt qu’elle est pragmatique. Elle donne des in- formations très dures. Dans son interview, le philosophe Dominique Bourg, qui a participé à l’écriture de l’exposition, explique que cela fait trente ans que l’on parle d’environnement et qu’aujourd’hui, on arrive à la limite des li- mites. Toutefois, l’exposition essaie de mettre en avant le fait qu’il existe des solutions. Elle tente d’éveiller les consciences et de montrer à chacun et chacune qu’à son niveau, il ou elle peut améliorer quelque peu la situation. «L’exposition donne des informations très dures, mais elle essaie de mettre en avant le fait qu’il existe des solutions. » Hervé Groscarret Commissaire principal de l’exposition Tout contre la Terre
centre le concept du warm glow (NDLR : que l’on traduit parfois par « éclats chaleu- reux »). Certaines émotions nous « réchauf- fent ». Par exemple, si l’on fait un jardin biologique, on voit revenir les insectes pollini- sateurs, on a de beaux légumes, etc., et cela renforce notre action positive. Il est aussi né- cessaire parfois d’éprouver de la colère pour alerter, comme le fait Greta Thunberg dans ses interventions (NDLR : un extrait du dis- cours à l’ONU de la jeune militante écologiste suédoise est diffusé dans l’exposition). Les émotions ont joué un rôle dans le choix des sujets que nous voulions expliciter, mais aus-
si dans la manière de les exposer. Nous avons donc créé des « petites scènes » qui devraient générer des émotions. L’une d’elles présente le travail d’une artiste genevoise qui utilise des papillons qu’elle a tués pour faire des photos. Cela génère un malaise. C’est seulement dans la deuxième partie de l’exposition que l’on ex- plique pourquoi nous avons montré ce travail. Nous faisons vivre des choses aux visiteurs et ensuite, nous leur offrons des clés de lecture. Ces photos, comme les dessins, les vidéos, les témoignages que vous présentez visent donc à susciter des émotions chez les visiteurs ? En effet. Dans chaque zone de l’exposition, nous présentons des informations scienti- fiques, mais nous proposons aussi des travaux d’artistes qui suscitent des émotions. Nous avons par exemple choisi des planches du dessinateur de presse Chappatte qui traite l’in- formation de manière décalée, satirique et hu- moristique. En vis-à-vis, nous expliquons que la préservation de l’environnement est un grand
▲ Tout contre la Terre , une exposition qui pousse à agir pour limiter la dégradation de l ’environnement. Son but : susciter des émotions positives pour entraîner des actions durables.
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