Ère magazine, édition avril 2022

«D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu enregistrer des livres. » Karine Gremaud Mettraux Commissaire retraitée et lectrice bénévole à la Bibliothèque sonore romande

Charine, dont elle a aimé le côté « punchy et assez trash », ou encore Confidences assas - sines de Stéphanie Glassey. Ce dernier roman lui a demandé plus de vingt-deux heures d’en- registrement. « Pour une heure d’écoute, je compte deux à trois heures de travail. » ACT I V I TÉ ENRI CHI S SANTE Durant le semi-confinement lié à la pandé- mie, Karine Gremaud Mettraux a poursuivi son loisir préféré depuis son appartement, com- posant avec l’environnement parfois bruyant du quartier de la Servette. Une des raisons qui l’incite à préférer se déplacer, tous les mercre- dis, dans les studios lausannois, nettement plus calmes. Pratique plutôt solitaire, l’enregistrement de livres audio apporte à l’ancienne commissaire beaucoup de satisfaction sur le plan culturel et social. « Certains auditeurs envoient un mot de remerciement pour la qualité de ma lecture, cela fait toujours plaisir. » Quel conseil donne- rait-elle à une personne intéressée à prêter sa voix ? « Il faut juste oser et ne pas se formaliser si on n’est pas retenu. » Après tout, à chacun sa voie…

des trois studios d’enregistrement de la bi- bliothèque pour y suivre une formation. « Il y a quelques connaissances techniques à maîtri- ser, mais comme j’ai travaillé dans les services informatiques de la police, je ne trouve pas cela compliqué. » Quant au matériel néces- saire, il se limite à son ordinateur portable et à un micro fourni par son nouvel « employeur ». A IMER CE QU ’ ON L I T Le bibliothécaire met à disposition des lec- teurs une sélection de livres. Souvent, Karine Gremaud Mettraux se voit proposer des romans policiers. Si ce genre littéraire ne lui déplaît pas, bien au contraire, elle en apprécie beau- coup d’autres, en particulier la poésie. Elle a eu l’occasion d’enregistrer le livre de la Fête des vignerons, et l’une de ses dernières lectures compile des recettes de mini-cakes. «Le plus im- portant, c’est d’aimer ce que je lis, car je découvre le livre en même temps que je l’enregistre. » En huit ans de bénévolat, elle totalise déjà 39 ouvrages à son actif, parmi lesquels plusieurs polars suisses, dont Qui a tué Heidi ? de Marc Voltenauer – auteur qu’elle a eu l’occasion de rencontrer –, Tombent les anges de Marlène

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Certaines personnes cherchent leur voie toute leur existence. Karine Gremaud Mettraux n’a jamais eu de peine à trouver la sienne. En 1984, elle est assermentée par la police judi- ciaire genevoise. Elle a 20ans. La jeune inspec- trice gravit tous les échelons qui la font passer par divers services et brigades tout en élevant, en parallèle, ses cinq beaux-enfants. Première femme à rejoindre l’Etat-major de la police ju- diciaire (PJ), elle est nommée commissaire en 2012. Ce grade lui confère la responsabilité de l’ensemble des décisions relevant de l’opéra- tionnel au niveau de la PJ, de la gendarmerie et de la police internationale. Elle aura no- tamment pour tâche d’assurer la coordina- tion entre les services policiers d’intervention, le procureur général du canton et celui de la Confédération lors du détournement d’un avion d’Ethiopian Airlines sur Genève en 2014. C’est son oncle, alors officier supérieur au sein de la PJ, qui est à l’origine de son choix profes- sionnel. Lors d’une réunion en Gruyère dans le chalet familial, il lui dit : « Je te verrais bien chez nous. » A cette époque, Gustave Gremaud vient de boucler l’enquête sur l’enlèvement de la fille du défunt écrivain Frédéric Dard. De quoi éveiller la curiosité de Karine qui s’interroge sur la suite à donner à ses études. Quelques jours plus tard, elle se rend dans les locaux de la police genevoise. Elle est immédiatement séduite par ce qu’elle y observe. «Mon oncle a senti que j’étais faite pour exercer ce métier. Je n’ai jamais regretté ma décision. La police

possède un esprit de corps extraordinaire. Cela a été une magnifique période même si je suis très heureuse d’être à la retraite. » FASC INÉE PAR LES VOI X De son ancienne profession, Karine Gremaud Mettraux a conservé le sens de l’engagement. Depuis qu’elle est retraitée, la Genevoise mul- tiplie les occupations. Elle est notamment membre de deux ensembles vocaux et pra- tique le théâtre d’improvisation, mais « son » activité de prédilection reste celle qu’elle exerce pour la Bibliothèque sonore romande : l’enregistrement de livres audio mis gratuite- ment à la disposition des personnes empê- chées de lire. « D’aussi loin que je me souvienne, j’ai tou- jours voulu enregistrer des livres. Je suis fasci- née par les voix. » Celles des comédiens Roger Carel et Micheline Dax, aujourd’hui tous les deux disparus, bercent son oreille durant sa jeunesse. Il y a aussi celle, « horrible », de l’un de ses professeurs du cycle d’orientation qui la traumatise au point de ne rien retenir d' Aline , le célèbre roman de Ramuz, lu à haute voix par le professeur en question. Karine Gremaud Mettraux découvre alors la Bibliothèque sonore romande grâce à des re- cherches sur internet. Elle envoie un message pour faire part de son intérêt à devenir lectrice bénévole. Un essai plus tard, elle est sélection- née. Elle se rend alors à Lausanne dans l’un

▲ Comme lectrice bénévole, Karine Gremaud Mettraux a notamment enregistré Qui a tué Heidi ? de Marc Voltenauer. Elle a rencontré l ’auteur suisse de polars lors d’une sortie organisée par la Bibliothèque sonore romande.

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