Ère magazine, édition avril 2022

Le Léman Express a prouvé son utilité dans le transport professionnel. Mathieu Fleury veut diversifier son offre et s’attaquer au problème de l ’affluence aux heures de pointe. Une évolution du monde du travail peut y contribuer.

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Directeur d’associations, avocat et aujourd’hui chef d'entreprise, Mathieu Fleury cumule les casquettes professionnelles. Il ne porte pas celle de chef de gare ou de conducteur de loco- motive, mais à l’entendre le train est l’avenir de l’homme ! Mathieu Fleury, les Genevois ou les Romands ont longtemps entendu parler du CEVA. Maintenant on dit « Léman Express ». Quelle est la différence ? Disons que le CEVA (Cornavin – Eaux-Vives – Annemasse) était le chaînon manquant entre les réseaux ferroviaires suisse et f rançais. Ce nouveau tronçon de rails, ponctué des magni- fiques gares signées Jean Nouvel, permet do- rénavant au Léman Express de se déployer sur un périmètre bien plus vaste, puisque nous roulons sur 230 km jusqu’à Coppet, Evian, Annecy, St-Gervais ou encore Bellegarde. Le démarrage et les deux premières années d ’exploitation ont été marqués par de nombreux problèmes. C’était en quelque sorte la saison 1 de la série Léman Express… Je ne sais pas s’il existe une expression qui vou- drait dire le contraire de best of, car on a vrai- ment tout eu ! D’abord un conflit social côté français le jour de l’inauguration, une «grève de bienvenue » comme je l’ai appelée. Nous avons ensuite connu des problèmes de matériel, des retards dans la formation des conducteurs de train en Suisse. Et puis bien évidemment la pandémie. Si bien que nous n’avons encore jamais connu une période que je pourrais

vacances, par exemple aux sports d’hiver, pour les touristes du cru, de Suisse et du monde en- tier. Et il faut aussi faire savoir aux amateurs de bonne cuisine et de culture que nous cir- culons également le soir et la nuit. Là encore, nous avons été f reinés par les fermetures des restaurants et des lieux de culture. La «mobilité plaisir» sera à la fête durant la saison 2 ! Autre enjeu pour l ’avenir ? La multimodalité, je veux dire par là que les usagers combinent leurs transports, ils sont aussi bien cyclistes qu’automobilistes, piétons et passagers de bus, de trams ou de trains. Nous devons être bons dans ce domaine parce que la voiture représente encore cette idée de flexibilité, puisqu’on la prend quand on veut ! Nous, les acteurs de la mobilité douce, nous devons nous coordonner pour permettre aux gens d’effectuer des parcours porte-à-porte extrêmement fluides. Comment voyez-vous le Léman Express et, plus globalement, le transport urbain dans le Grand Genève durant la saison 4 ou 5, soit dans une vingtaine d ’années ? Je pense qu’on aura amélioré la connexion entre les différents moyens de transport et que se posera alors une question cruciale : faut-il véritablement posséder son propre moyen de transport ou faut-il simplement en trouver un quand on en a besoin ? Je pense que la génération internet s’est détachée de l’idée de possession et préfère la no- tion d’usage. Je suis donc optimiste sur

▲ Mathieu Fleury : « Plutôt que de songer à un jour de télétravail par semaine, on pourrait en faire quelques heures par jour, en reportant l ’heure de son déplacement entre le domicile et le bureau, le matin comme le soir. »

qualifier de normale. La saison 1 a donc été une série noire, mais malgré cela, nous avons franchi en novembre 2021 la barre des 52 000 passagers par jour. Et compris que le pari des pionniers, qui avaient imaginé et lancé le projet Léman Ex- press, était réussi puisque cette offre a rencontré sa demande malgré tous les obstacles. L’objectif, c’était 50 000 ? 50 000 voyageurs par jour, oui. Objectif atteint avec un an et demi, voire deux ans d’avance, par rapport aux attentes. Il y a deux critères pour évaluer le succès présent et futur du plus grand RER transfrontalier d ’Europe qu’est le Léman Express : la fréquentation et l ’impact sur le trafic automobile en ville. Est-ce que l ’on peut déjà chiffrer ce deuxième critère ? Il est extrêmement difficile à établir à cause de la pandémie, justement. Les gens qui devaient

se déplacer ont, pour beaucoup, préféré des moyens individuels pour se conformer aux normes de distanciation sociale. Mais aujourd’hui on voit le bout du tunnel et notre compétitivité par rapport à la voiture, par exemple, va de nouveau augmenter. Et la saison 2 qui commence, vous la voyez comment ? Notre zone de développement majeur, c’est le loisir. Nous avons la chance d’être dans une très belle région. Nous n’avons pas encore pu montrer notre potentiel dans le domaine des

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è remagaz i ne - av r i l 2022

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