FNH N° 1022

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POLITIQUE

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 26 MARS 2020

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double problème politique : le premier est que pour certains caciques du PJD, ce sujet ne peut faire l’objet d’aucun compromis et il ne faut en aucun cas qu’on associe la légalisation du cannabis à leur mandat. Il faut avouer en effet que ce projet de loi constitue un puissant marqueur de la vie politique et économique du Royaume, tant ses enjeux sont importants en termes d’emploi, d'amélioration des revenus des agriculteurs, de leur protection contre les réseaux de trafic international de drogues, de lutte contre les conséquences néfastes des cultures illégales sur la santé publique et l’environnement ... S’il passe, l’histoire retiendra que c’est sous le magistère des islamistes que le cannabis a été «légalisé», 67 ans après le Dahir qui avait limité l’usage de cette plante aux domaines de la recherche et de la forma- tion à des fins scientifiques. Le second problème politique est en lien avec le calendrier électoral. Les députés du PJD fustigent le timing choisi. «Comme ce fut le cas durant les dernières législatives, le projet de loi sur le cannabis réapparaît encore une fois au cours d’une année électorale pour jeter le discrédit sur le PJD », ont-ils déploré. Raison pour laquelle ils demandent à accorder plus de temps au Parlement pour inclure dans le débat la société civile, les acteurs institutionnels, les partis politiques, la popula- tion concernée…. Ce temps, ajoutent-ils, devra également être mis à profit pour «réaliser une étude d’impact sérieuse». Ce à quoi Abdelouafi Laftit répond de façon catégorique : une étude sur l’utilité du déve- loppement du chanvre indien à des fins médicales au niveau national a déjà été réalisée. Cette étude a montré que le Royaume tient une opportu- nité réelle et prometteuse de développement du cannabis

médical, pharmaceutique et industriel. Les chiffres dévoi- lés par l’Intérieur révèlent à ce titre que le revenu net annuel du cannabis à usage médical pourrait avoisiner les 110.000 dirhams par hectare, soit une amélioration d’environ 40% par rapport aux recettes actuelles (voir encadré). En cela, pour Laftit, «le Maroc a perdu trop de temps avec ce dossier; aujourd’hui, il faut aller vite». Cet avis est parta- gé par notre confrère Younes Dafkir, rédacteur en chef de Al Ahdath Al Maghribia et consul- tant politique, pour qui «cette loi doit être approuvée avant la fin de l’actuel mandat du Parlement». Car, estime-t-il, «si on le laisse jusqu’au pro- chain mandat, cela risque de traîner un ou deux ans encore. Dès lors, le Maroc va rater un ensemble d’opportunités économiques et d’investisse- ment». Pour Dafkir en effet, contrairement à ce qu’affirme

le PJD, «le texte n’a pas de visées électorales, mais obéit à des raisons purement écono- miques» . «Le Maroc veut profi- ter de la légalisation du canna- bis pour donner une nouvelle impulsion à la région du Nord en matière de développement, d’investissement et de créa- tion d’emplois», note-t-il, non sans rappeler le contexte qui a favorisé la rédaction de ce projet de loi. Il s’agit, selon lui, de «la décision des Nations unies de retirer le cannabis de la liste des drogues», et de «la volonté du Maroc de lutter contre le trafic dans le Nord du pays, lequel a des répercus- sions sur les personnes travail- lant dans cette activité, surtout à Tétouan et à Fnideq». Cette loi réussira-t-elle alors à passer avant les législatives de septembre ? C’est l’une des craintes du PJD, pour qui le cannabis risque d’être la mauvaise herbe qui va ter- nir sa législature et l’impacter

négativement lors de ces élec- tions législatives. De leur côté, l’Istiqlal et le PAM estiment au contraire qu’ «il n’y a pas d’enjeu élec- toral, puisque l’on parle de 400.000 voix potentielles dans la région». Difficile de croire cependant que cette échéance électorale majeure pour le Royaume se jouera uniquement sur ce pro- jet de loi. Difficile de croire que les électeurs feront fi de cette crise sanitaire et économique qui dure depuis plus d’un an et de sa gestion par le gouverne- ment. Difficile d’oublier, éga- lement, qu’avant cette crise, les partis de la majorité ne fumaient pas le calumet de la paix, mais se crêpaient plu- tôt le chignon presque chaque week-end, pour donner une piètre image de la vie politique marocaine. Bien malin alors celui qui peut déjà donner les clés de ces élections législatives 2021 ! ◆

Le Maroc pourrait prio- ritairement exporter en Europe où il compte cibler entre 10 à 15% du marché, pour 4,2 à 6,3 milliards de dollars.

Cannabis médical

Jackpot pour le Maroc L e revenu net annuel du canna- bis à usage médical pourrait avoisiner les 110.000 dirhams par hectare, selon des études de faisabilité relative à la léga-

lisation de la culture de cette plante, élaborées par le ministère de l’Intérieur. La synthèse de ces études, présentée mardi dernier devant la Commission de l’intérieur, des collectivités territo- riales et de la politique de la ville à la Chambre des représentants, montre que ce montant représente une amé- lioration d’environ 40% par rapport aux recettes actuelles, le tout dans le cadre de pratiques respectant les normes de l’agriculture durable. Concernant les marchés d’exportation, deux hypothèses sont retenues à l’hori- zon de 2028 pour le marché européen : la première cible 10% du marché du cannabis médical (4,2 milliards de dol- lars sur un total de 42 milliards), alors

que la seconde hypothèse concerne 15% du marché, soit 6,3 milliards de dollars, et des revenus agricoles de 630 millions de dollars. Le choix de cibler le marché européen en premier est dicté par les facilités d’accès, les prévisions d’évolution de la consommation et le volume des importations, indiquent les études. Côté législation, les marchés priori-

taires pour le cannabis médical maro- cain sont l’Espagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et l’Allemagne, avec des prévisions de 25 milliards de dollars/ an à l’horizon 2028. Les documents relèvent aussi que la prise en compte du potentiel des marchés français et italien renforcera le volume du marché potentiel de 17 milliards de dollars, pour atteindre 42 milliards. ◆

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