FNH N° 1022

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SOCIÉTÉ

JEUDI 6 MAI 2021 FINANCES NEWS HEBDO

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F.N.H. : Le variant indien inquiète grandement à cause de la dégra- dation de la situation sanitaire en Inde, mais les spécialistes insistent sur le fait qu'il est loin d'être le seul responsable. Qu’en pensez-vous et faut-il s’inquiéter de sa présence sur le marocain ? Pr A. I. : Il est vrai que la situation épidé- miologique en Inde est catastrophique, avec un effondrement total du système de santé. Du point de vue génétique, le variant indien est un double mutant qui a pu développer deux mutations : la première est la britannique et la deu- xième, la californienne. Ce que l’on sait de ce double mutant, c’est qu’on arrive à le diagnostiquer. En ce qui concerne la pathogénicité du variant indien, il n’y a hélas pas beaucoup d’études qui déterminent s’il donne des cas sévères pour les personnes infectées. Pour l'immunité, les études ne sont pas catégoriques, mais il existe une seule réalisée en Israël qui a démontré une diminution de l’immunité vis-à-vis du vac- cin BioNTech- Pfizer. Ce qui est plus ou moins certain, c’est que ce variant circule plus rapidement. Et avec cette rapidité de circulation, il y a possibilité qu’il atteigne les personnes vulnérables et à risque, et c’est ce qu'on observe actuellement en Inde. Néanmoins, en analysant la situation épi- démiologique et sanitaire en Inde, l’on peut déduire que le variant n’est pas le seul res- ponsable. Des facteurs socioculturels, reli- gieux et politiques entrent en jeu. En regar- dant les datas et les données du mois de février, on remarque en effet que la situation était plus ou moins stable; et je pense que pour le gouvernement indien et la popula- tion, il y avait ce faux sentiment de sécurité. De ce fait, il y a eu les élections, en plus du pèlerinage qui a rassemblé des millions de personnes sans aucune protection. Ces per- sonnes se sont éparpillées à travers l’Inde, ce qui a entraîné quelques semaines plus tard une explosion des cas de contamina- tion. Cette situation nous pousse à réfléchir. Pour revenir à la situation marocaine, nous sommes dans l’obligation de surveiller tous ces variants. Actuellement, c’est le britan- nique qui domine. Je pense que revenir aux gestes barrières est quelque chose d’essen- tiel et d’important dans ce combat contre la pandémie. Il y a aussi cette décision très douloureuse que beaucoup de personnes n’ont pas assimilé, à savoir les restrictions nocturnes durant le mois de ramadan. Mais elles doivent comprendre que les rassem- blements et le non-respect des gestes bar-

Le variant indien a été repéré pour la première fois le 5 octobre 2020 près de Nagpur dans le centre de l'Inde.

rières sont vraiment dangereux. L’Inde en est un parfait exemple. Le Chili aussi n’est pas en reste, car même avec plus de 36% de la population vaccinée, cela n’a pas empêché ce pays de revenir à la case départ à cause d’un relâchement total de la popula- tion. Résultat : la situation épidémiologique y est devenue catastrophique. F.N.H. : Le variant indien est-il aussi dangereux et contagieux que le variant anglais par exemple ? Pr A. I. : En général, le problème des variants qui circulent rapidement, comme le britannique, le californien ou encore l’indien, c'est qu’il y a à chaque fois une multipli- cation du virus, avec des erreurs qui vont entraîner des mutations. L’apparition d’une combinaison de mutation dans un variant va au niveau d’une position particulière, surtout au niveau de la position de la protéine spike, qui va entraîner certainement le changement de ses caractéristiques. Ce changement impose qu’on étudie de très près, voire son impact sur le diagnostic, la circulation, la pathogénicité et l’immunité. C’est pour cette raison qu’il faut vraiment être très vigilant. Le Maroc a fait le bon choix au début du

mois de ramadan : les chiffres sont en baisse, avec effectivement une stabilisation de la situation épidémiologique dans le Royaume. Mais la vigilance est à mainte- nir absolument, car il faut toujours garder en tête l’exemple de ces pays qui sont passés rapidement d’une situation stable et contrôlée à une situation catastrophique. A ce titre, l’implication de l’OMS et de tous les pays pour venir en aide à l’Inde s'impose, parce que si on laisse le virus se multiplier là-bas, comme on l'a fait au Brésil, cela va entraîner l’apparition d’autres variants et on ne va pas s’en sortir. Une sortie de cette pandémie ne pourra se faire qu’à travers une solution mondiale. ◆

Le Maroc revoit chaque semaine les pays avec les- quels il doit fermer les frontières pour minimiser les risques.

Compte tenu de la situation épidémiologique actuelle, le Pr Ibrahimi recommande, entre autres, de garder la fermeture des frontières jusqu’à nouvel ordre pour s’assurer que les variants n’arrivent pas. Il s’agit aussi d’assurer la veille génomique, très importante pour analyser et voir les variants qui circulent au Maroc, et de maintenir les gestes barrières individuellement et collectivement. «Il a été démontré que le port d’unmasque, la distanciation, l’utilisation du gel hydro alcoolique avec une bonne hygiène, sont des gestes simples qui permettent de lutter contre la pandémie et les variants», indique-t-il. «Il faut que tout lemondeadhèreà lanécessitédes restrictions institutionnelles. Ellesont été prises pour limiter la propagation du virus. Durant cemois sacré de ramadan, on voit bien que la situation est stable. Le Maroc peut être parmi les premiers pays à sortir de cette crise sanitaire pour voir ses citoyens revenir rapidement à la vie normale», conclut-il. Ce que recommande le Pr Ibrahimi

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