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JEUDI 14 JUILLET 2022 FINANCES NEWS HEBDO
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xcwv Jazz à l’âme Reportage
◆ Casablanca, son architecture brutaliste, son nouveau parc urbain et son festival de jazz. La mégapole a usé de tous ses charmes pour accueillir dans son gigantesque Anfa Park, ce cadre bucolique polychrome dont tout le monde raffole, sur trois jours, devant des milliers de spectateurs, qu’ils soient imperméables au jazz ou non : Erik Truffaz, Ibrahim Maalouf, Asaf Avidan, Oum, Ben Harper… On y avait renoué, du 1 er au 3 juillet, avec une programmation copieuse, généreuse, passionnante, qui se jouait des fron- tières et nous offrait chaque soir une infinité de jouissances. On vous raconte.
langoureux et endiablés. Un envol au son unique à la confluence du jazz, musique latine, soul, funk et pop. Le voyage est long autant que passionnant, cer- taines de ses étapes sont harassantes, cependant, il faut reprendre des forces; «même en effectuant ce démarrage en trombe, Jazzablanca 22 ne perdra pas la vitesse en chemin, tant les moments phare abondent », jubile une habituée de concerts enivrants. Trompette de joie Il faut dire que ce soir-là, le plateau est particulièrement relevé. Chlorophyllé à souhait, les fesses dans l'herbe, entouré d’arbres, on se lève pour courir voir le trompettiste Erik Truffaz, révélé en 1998 par le novateur opus jazz spatialisé drum'n'bass « The Dawn » (Blue Note), en compagnie de ses fidèles compagnons emblématiques - Benoît Corboz au cla- vier, Marcello Giuliani à la basse et Arthur Hnatek à la batterie - inaugurer la scène Casa Anfa. Tous savaient qu’ils allaient avoir leur content de rythmes électrisants et de sons délectables, par les soins de ces ovnis amoureux de mélodies suaves et arrangements sophistiqués. Ils ne furent pas déçus. « Nous cherchons tou- jours une musique qui peut nous emme- ner plus loin », commente Erik, ce boss des graves qui affirme un sens de la mélodie des plus aigus. L’improvisation, justement, est au cœur de la démarche de ce quartet. Et, là aussi, la sève qui l’irrigue n’est pas uniquement jazz. Sa musique s’affranchit des solos à tour de
S i le Jazz se taille la part du lion, les autres musiques, émanant d’horizons proches ou dis- tants, sont dûment honorées. Quoiqu'il snobe le sirupeux, Jazzablanca y accorde un vif intérêt, en faisant la part belle au brassage, au dia- logue entre le jazz et diverses musiques. Tout cela dans une atmosphère empreinte d’enjouement. Il en annonce la couleur dès l’ouverture, en confiant celle-ci à Bab L’bluz sur la Scène 21. Ce quatuor mené par la jeune Yousra Mansour fusionne le très percussif désert- blues avec le funk, le rock et le psyché. Un jeu de basse effleuré en grappe, suivi par des «doom dodom doom…» comme noyés, de brefs sursauts de batterie, des mélodies hypnotiques et un son impalpable dicté par n’goni, c’est en quelque sorte la recette de cette envolée de bonheur que nous a offert « Ila Mata ». Un paysage sonore chaud, lumineux, puissant, qui porte et qui berce. Lorsque la formation entonnait les autres titres qui composent son album « Nayda », une célébration du pardon, l’amour ainsi que la tolérance, têtes et cœurs du public ont été renversés. Un pur enchantement ! Mulatu Astatke, qui prend le témoin, il faut avouer qu’en sa compagnie le cli- mat se charge d’électricité. Ca pulse, ça jazze, ça valse entre le vibraphone et les congas… Sans transition, le père de l'éthio-jazz nous a invité à un bain de rythmes (nul besoin de paroles) sublimes, Par R. K. Houdaïfa Photos : © Sife Elamine
rôle et dépasse l’étiquette jazz. C’est une matière sonore en perpétuel mouvement, sans début ni fin, sans contours définis, en flottaison, menée au gré de l’ima- ginaire de chacun, possible en raison de l’osmose entre les musiciens. Une alchimie spirituelle qui défie toute des- cription. Free, punk, funk, experimental, psychedelic, électronique…, l'accumula- tion des étiquettes n'y suffit pas. De fait, leur jazz s'insère au-delà des frontières et les mène toujours à la plus intense des libertés en faisant des allers-retours entre composition et improvisation. « Après, il y a des gens qui m'ont dit que je faisais du nu-jazz, une musique qui est linéaire entre la musique électronique et le jazz. Avant, on appelait ça de l’electro-jazz », tranche- t-il. Un rythme de batterie sursautant, une ligne de basse solidement groovy, un piano séraphique, une trompette mélan- colique suffisent pour plonger l’amateur de jazz pur et dur (même et surtout celui qui n'en est pas familier) dans un uni- vers captivant, multiple, étonnant. « Il y a quelque chose avec la trompette, avec la façon dont elle amplifie la respiration d’Erik Truffaz et qui vous donne l’impres-
Si le Jazz se taille la part du lion,
les autres musiques, émanant
d’horizons proches ou distants, sont dûment honorées.
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