FNH N° 1193

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FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 24 AVRIL 2025

SPÉCIAL AGRICULTURE

Enfin, au titre de la campagne 2024-2025, la production céréalière prévisionnelle est estimée à 44 millions de quintaux, en progression de 41% par rapport à la cam- pagne précédente, pour un taux de crois- sance projeté autour de 3,9%. L’insuffisance de la production céréalière due au déficit pluviométrique conduit ainsi régulièrement le gouvernement à recourir aux importations pour approvisionner le marché national. Ce sont 9 millions de quintaux de blé qui ont été achetés à l’étranger en 2024 pour une facture de 17,8 milliards de dirhams. Un montant consé- quent pour une balance commerciale déjà malmenée. Pour 2025, les projections s’inscrivent dans le même sillage. D’ailleurs, en guise d’incitations, il a été décidé de mettre en place, au profit des opérateurs, un système de restitution à l'importation du blé tendre meunier entre le 1 er janvier 2025 et le 30 avril 2025. La prime forfaitaire concerne exclusi- vement les quantités de blé tendre meunier importées par les organismes stockeurs, les coopératives agricoles et les minoteries industrielles, telles que définies par la loi n° 12-94. Cette aide vise à compenser la différence entre le prix de revient moyen et un seuil de 270 dirhams par quintal. Et ce ne sont pas que les céréales qui pâtissent du déficit hydrique. L’élevage souffre, les cultures maraîchères sont sous tension et les zones de culture irriguée, censées amortir les chocs, doivent elles aussi composer avec des dotations en eau réduites. Certes, l’Etat tente d’amortir le choc : sou- tien ciblé aux agriculteurs, subventions aux intrants, aides à l’irrigation…, mais tout cela reste de l’ordre du conjoncturel. Le fond du problème, lui, est structurel : une agricul- ture ultra-dépendante de la pluie. Laquelle, avec les changements climatiques, devient pourtant de plus en plus rare. C’est dire que la croissance économique du Maroc est toujours sous perfusion agri- cole. Et tant que l’agriculture restera expo- sée sans filet aux aléas climatiques, le modèle de croissance restera bancal. Car ce que les chiffres disent et que les saisons sèches confirment, c’est que l’agri- culture n’est pas seulement un secteur économique. C’est un baromètre national. La Banque mondiale, elle-même, l’a rap- pelé dans un rapport de 2023 : chaque point de croissance agricole en plus peut générer jusqu’à 0,4 point de croissance globale. L’inverse est tout aussi vrai et douloureux. ◆

 L’économie nationale est de plus en plus chahutée par la récurrence des épisodes de sécheresse.

Campagne agricole

Le déficit hydrique plombe le secteur Le Maroc reste sous la coupe d’une sécheresse structurelle qui affame ses champs et affaiblit sa croissance. Chaque mauvaise saison agricole devient une équation budgétaire.

D

Par D. William

epuis quelques semaines, les bulletins météorologiques nous offrent un répit. Les pluies arrosent les campagnes marocaines, et avec elles l’espoir a refait surface. Au 22 avril, le taux de remplissage des barrages se situe à 40% et le stress hydrique, jadis qualifié d’«aigu», a été rétrogradé à «stress modéré», selon le ministre de l’Equipement et de l’Eau, Nizar Baraka. Qui précise tou- tefois que ces pluies restent inférieures de 25% à la moyenne saisonnière et que les données récentes font état d’une baisse de 58% des ressources hydriques habituelles, en dépit d’une amélioration de 45% des apports hydriques par rapport à la période précédente. Soyons donc clairs : les 6,7 milliards de mètres cubes actuellement emmagasinés, même agrémentés de quelques millions glanés dans les nouveaux barrages ou les neiges tardives du Haut Atlas, ne peuvent occulter une réalité : le Maroc est chahuté par la récurrence de la sécheresse. Pas une de ces sécheresses passagères. Non, une sécheresse structurelle, qui redessine peu à peu les contours de l’économie

nationale, en commençant par son maillon le plus vulnérable : l’agriculture.

Quand l’agriculture boit la tasse Au Maroc, l’agriculture pèse environ 13% du PIB et fait vivre près de 40% de la popu- lation active. Dès lors, quand il ne pleut pas, toute la machine économique se grippe. Prenons les chiffres à témoin : en 2021- 2022, une mauvaise campagne agricole, avec une récolte céréalière de 34 millions de quintaux due à une pluviométrie ané- mique, avait entraîné un recul de la valeur ajoutée agricole de 11,8%. Résultat : le taux de croissance du PIB national n’avait pas dépassé les 1,5% contre 7,9% en 2021. Un an plus tard, même scénario : une cam- pagne 2022-2023 décevante, une produc- tion céréalière insuffisante (55 millions de quintaux) et une croissance économique limitée à 3,4%. Pour la campagne 2023-2024, la produc- tion céréalière s’est élevée à 32,1 Mqx, avec un recul de 4,7% de la valeur ajoutée agricole et une croissance de l’économie nationale estimée à 3,2%.

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