FNH N° 1193

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FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 24 AVRIL 2025

SPÉCIAL AGRICULTURE

eau potable de 4% aujourd’hui à 40%, avec une capacité de production totale de 1,7 mil- liard de mètres cubes d’eau dessalée par an. A ce titre, Casablanca s’apprête à en devenir la vitrine continentale, avec la plus grande station d’Afrique et la deuxième au monde alimentée à 100% par du solaire et de l’éo- lien. Elle fournira à terme 822.000 m 3 d’eau traitée par jour, dont 50 millions de mètres cubes réservés à l’irrigation. Mais il faut rester lucide. Le dessalement, aussi révolutionnaire soit-il, et les barrages ne règlent pas tout et doivent plutôt s’inscrire dans une logique globale de gestion durable et intelligente des ressources hydriques. La solution passe par une véritable gouver- nance de l’eau, à travers notamment une planification rigoureuse des cultures, une aide ciblée vers les filières économes et à haute valeur et, surtout, un changement de paradigme : il faut produire mieux, pas for- cément plus. Des voix s’élèvent d’ailleurs pour réclamer l’arrêt de la production et/ou des subven- tions pour des cultures trop gourmandes en eau, comme l’avocat, la pastèque ou certains agrumes, et donner la priorité à des cultures de première nécessité. En cela, l’économiste Najib Akesbi préconise de réorienter les choix de production et leur localisation, en tenant compte d’objectifs plus larges de préservation des ressources naturelles et de promotion de la souverai- neté alimentaire. «Nous sommes arrivés à un stade où les choix de production, avec leur localisation, doivent être subordonnés à l'état des ressources, c'est-à-dire qu’on ne peut plus produire n’importe quoi, n’importe où», nous confiait-il. Rappelons, à ce titre, que la pastèque rouge est toujours au centre d’un débat houleux entre producteurs, exportateurs et défen- seurs de l’environnement. Très gourmande en eau, cette culture, présente notamment dans le Souss Massa, le Saïs, le Loukkos et les Doukkala, est pointée du doigt en pleine crise hydrique. Accusée d’épuiser les nappes phréatiques pour approvisionner principalement les marchés européens, la pastèque est désormais dans le viseur du gouvernement qui a décidé de limiter sa culture dans les zones en pénurie comme Zagora ou Tata. C’est dire que l’agriculture marocaine doit se réinventer pour devenir plus intelligente, plus sobre et plus résiliente. Elle devra sortir de la logique de mendicité hydrique pour entrer dans celle de l’innovation et de l’adaptation. Ce n’est pas une réforme agricole. C’est une mutation. Très profonde. ◆

 Accusée d’épuiser les nappes phréatiques, la pastèque est désormais dans le viseur du gouvernement.

agriculture marocaine subit depuis six ans les effets d’un important déficit pluviométrique, estimé à -53% par rapport à la moyenne des trente dernières années. L’eau, devenue une ressource stratégique, manque cruellement dans un pays où l’agriculture, fortement consommatrice, reste un moteur écono- mique majeur. Résultat : barrages à sec et nappes phréatiques sous pression. Face à cette situation inquiétante, le Maroc a entamé un virage à 180 degrés. Les bar- rages, hier héros solitaires de la politique hydraulique, voient désormais débarquer de nouveaux alliés de poids, comme notamment le dessalement de l’eau de mer ou encore la réutilisation des eaux usées traitées. Ces ressources non conventionnelles forment désormais la nouvelle garde rapprochée de la souveraineté hydrique du Royaume. Le Maroc en quête d’une agriculture durable Confronté à un stress hydrique de plus en plus sévère, le Royaume déploie des solutions innovantes pour préserver sa souveraineté alimentaire et hydrique. Un véritable tournant s’opère avec le dessalement de l’eau de mer, la réutilisation des eaux usées traitées ou encore les choix de cultures. Par D. William Ressources non conventionnelles L ’

lisés pour le Programme national d’appro- visionnement en eau potable et d’irrigation. Il convoque le partenariat public-privé, fait appel aux technologies les plus pointues et trace une trajectoire claire vers 2030. En toile de fond : des objectifs précis. Couvrir 80% des besoins d’irrigation, réduire drastique- ment le gaspillage et sanctionner les abus tout en éduquant les inconscients. Produire mieux Longtemps jugé trop coûteux et trop éner- givore, le dessalement s’est refait une santé grâce aux énergies renouvelables et est en train de devenir la colonne vertébrale de la nouvelle politique hydraulique du Royaume. Aujourd’hui, 15 stations de dessalement sont déjà en activité, avec une production annuelle de 192 millions de mètres cubes. L’objectif est ambitieux : d’ici 2030, porter la part du dessalement dans l’approvisionnement en

Ce virage stratégique emprunté par le Maroc s’appuie sur 143 milliards de dirhams mobi-

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