CARDIO H - N°70 / JUILLET 2025
L’aVenir de la cardiologie en région Bretagne : défis, constats et perspectiVes Dr Regis DELAUNAY 1 1. Cardiologue à Saint-Brieuc.
INTRODUCTION Le système de santé français connaît d’importantes mutations, et la cardiologie n’échappe pas à cette dynamique. En région Bretagne, les enjeux sont bien présents, entre vieillissement de la population, inégalités territoriales d’accès aux soins et be- soins croissants en matière de pathologies cardiovasculaires. La région Bretagne, située dans l’ouest de la France, est com- posée de quatre départements : Côtes-d’Armor (22), Finistère (29), Ille-et-Vilaine (35) et Morbihan (56). Avec une superficie de 27 208 km 2 , elle figure parmi les plus petites régions métro- politaines, mais avec une forte densité humaine et une identité sanitaire structurée. 1. UNE RÉGION AUX CARACTÉRISTIQUES DÉMOGRA- PHIQUES ET ÉPIDÉMIOLOGIQUES SPÉCIFIQUES 1.1 Densité de population, vieillissement et impact sur la pré- valence des maladies cardiovasculaires. La Bretagne affiche une densité moyenne de 130 habitants/ km 2 , légèrement supérieure à la moyenne nationale. Cette densité est très contrastée entre les zones littorales plus ur- banisées (Rennes, Brest, Lorient, Vannes, Saint-Brieuc) et les zones plus rurales de l’intérieur des terres, en particulier dans les Côtes-d’Armor et le Centre-Bretagne. Certaines communes rurales peinent à maintenir une offre de soins suffisante. La région connaît un vieillissement progressif de sa popula- tion, en particulier dans les départements des Côtes-d’Armor et du Finistère, avec un taux de plus de 65 ans dépassant les 22 % dans certaines zones. Ce vieillissement entraîne une hausse de la prévalence des pathologies cardiovasculaires, en particulier l’insuffisance cardiaque et les troubles du rythme. En termes de mortalité cardiovasculaire, la Bretagne présente des disparités : certaines zones comme Rennes ou Vannes bé- néficient de meilleurs indicateurs, tandis que le Centre-Bre- tagne reste plus exposé, en lien avec une moindre accessibilité aux soins spécialisés. 1.2 Inégalités d’accès aux soins La densité moyenne régionale de cardiologues est estimée à 8,3 pour 100 000 habitants, proche de la moyenne nationale (8,6), mais avec des inégalités importantes entre l’Ille-et-Vilaine, qui concentre une offre dense (notamment autour du CHU de Rennes), et des zones comme le Centre-Bretagne ou le nord des Côtes-d’Armor, où l’offre libérale est très réduite. 2. UNE OFFRE DE SOINS À LA FOIS DENSE ET INÉGA- LEMENT RÉPARTIE 2.1 Une capacité hospitalière bien dotée mais sous tension La Bretagne compte environ 1 100 lits dédiés à la cardiologie (données ARS 2022), soit une moyenne de 3,2 lits pour 100 000 habitants, proche de la moyenne du Grand Est. Ces lits sont majoritairement répartis dans les centres hospitaliers généraux (CHG), avec un rôle central du CHU de Rennes et du CHRU de Brest, mais également dans des établissements privés à Vannes, Lorient et Saint-Malo. Le centre hospitalier de Pontivy attire notre attention part sa fragilité et la fermeture récente de son service de cardiologie faute de ressources médicales.
Cependant, des tensions existent dans l’accès à l’imagerie lourde (IRM, scanners), notamment dans les Côtes-d’Armor et le sud Finistère, où les délais pour des examens spécialisés dépassent parfois plusieurs semaines. Cette situation complexifie la prise en charge rapide des pathologies cardiovasculaires aiguës. 2.2 Une démographie médicale en crise La profession se féminise (près de 40 % des cardiologues de moins de 60 ans sont des femmes), mais l’âge moyen des car- diologues hospitaliers est en augmentation. En 2023, près de 25 % avaient plus de 60 ans. Le taux de vacance des postes hospitaliers en cardiologie s’élève à 20 % en moyenne, avec des pics dans certaines zones comme le CH de Lannion ou le CH de Morlaix. Les difficultés de recrutement s’expliquent par : • L’attractivité moindre des zones rurales, • La pression exercée par la charge de travail hospitalière, • Le manque de solutions d’aménagement du temps de travail ou de soutien à l’installation. 3. UNE CONSOMMATION DE SOINS EN FORTE CROIS- SANCE L’activité de cardiologie en Bretagne s’organise autour de trois axes principaux : • Cardiologie médicale : plus de 60 000 séjours annuels, princi- palement réalisés dans les CHG (60 %) et CHU. • Cardiologie interventionnelle : environ 55 000 actes par an, avec une activité globalement homogène sur l’ensemble du ter- ritoire régional. • Rythmologie interventionnelle : 10 000 séjours par an, très concentrés au CHU de Rennes et dans certaines cliniques spécialisées. L’insuffisance cardiaque représente un enjeu majeur : elle oc- casionne plus de 13 000 hospitalisations par an dans la région, avec une prédominance du secteur public (70 % au sein des CHG). L’accessibilité reste un enjeu crucial : selon les données ARS 2022, près de 400 000 habitants bretons vivent à plus d’une heure d’un site hospitalier doté d’une USIC (Unité de Soins Intensifs Cardiologiques) et d’un plateau de cardiologie inter- ventionnelle. Ce chiffre est particulièrement préoccupant pour le Centre-Bretagne et les îles. CONCLUSION La cardiologie en Bretagne est à la croisée des chemins. Malgré une structuration hospitalière solide et une offre de soins dy- namique dans les grandes villes, les inégalités territoriales per- sistent et la pénurie de praticiens menace l’équilibre du système. Les défis à venir sont clairs : renforcement de l’attractivité des carrières hospitalières, développement de la télé-cardiologie pour les zones isolées, investissement dans les équipements lourds et amélioration de la coordination entre établissements. L’ambition est d’assurer à chaque breton un accès rapide, équitable et de qualité à des soins cardiologiques modernes et adaptés aux enjeux de demain.
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