Quelle direction pour les œuvres ch
La coopération internationale se trouve à un tour- nant. Plusieurs tendances macroéconomiques et so- ciales s’entrecroisent et modifient fondamentalement les conditions cadres, y compris pour les œuvres chré- tiennes qui s’engagent dans la coopération au déve- loppement par l’échange de personnes. Comment les œuvres chrétiennes pourraient-elles se posi- tionner stratégiquement afin de continuer à vivre l’amour de Dieu de manière pratique et efficace à l’avenir ? En 2022, j’ai eu l’occasion d’approfondir cette question dans le cadre d’une consultation menée pour le compte de l’Association des missions évangéliques (AEM). Mes entretiens ont por- té sur les tendances à long terme qui, du point de vue des œuvres ou des organisations, sont favorables ou défavo- rables. Trois évolutions se sont particulièrement dégagées : la numérisation, le renforcement du Sud global et le recul des envois de personnes depuis l’Europe. Ces tendances n’agissent pas de manière isolée, mais se renforcent mutuel- lement. De quoi s’agit-il ?
Dr Julia Henke est titulaire d’un doctorat en socio-économie et directrice générale du bureau euro- péen de Life In Abundance, une organisation africaine de développement. Elle est cofondatrice de l’ONG « Rings of Hope », qui, en collaboration avec SAM global, met en place au Ca- meroun le mouvement des veuves « Femmes d’Espoir » : des femmes dont les maris
ont été tués par le groupe terroriste Boko Haram se regroupent dans des groupes d’entraide afin de retrouver un nouvel équi- libre spirituel, émotionnel et économique. En 2022, Julia a mené une consultation pour le compte de l’As- sociation des missions évangéliques (AEM), à laquelle SAM global a également participé.
1. Numérisation Elle a été perçue comme majo- ritairement positive, facilitant la coopération internationale et ouvrant de nouvelles marges de manœuvre stratégiques. Dans le même temps, de nouvelles ini- tiatives voient le jour, souvent portées par des individus ou des communautés, indépendamment des œuvres établies. 2. Mouvement missionnaire du Sud
Muindi, une médecin surtout connue pour son travail missionnaire panafri- cain, partage dans ses livres les expé- riences de 30 ans d’engagement dans 14 pays. Sa vision peut se résumer en une image : des arbres fruitiers plutôt que des plantes saisonnières. Une coopéra- tion au développement efficace ne vise pas des résultats à court terme, mais des changements systémiques qui se pro- pagent même sans aide extérieure.
Trois évolutions se sont particulièrement dégagées : la numérisation, le ren- forcement du Sud global et le recul des envois de personnes depuis l’Europe.
La croissance des églises et l’amélioration du niveau d’édu- cation en Afrique, en Asie et en Amérique latine modifient la répartition des rôles. Une coopération d’égal à égal est plus importante que jamais. Le Sud n’est plus seulement un bénéficiaire, mais un acteur actif. 3. Baisse du nombre de personnes envoyées de- puis l’Europe Moins de gens sont prêts à s’engager à long terme. Dans le même temps, la résilience et la volonté de sacrifice dimi- nuent. Cette tendance inquiète de nombreuses organisations et remet en question les modèles traditionnels. La combinaison de ces trois courants s’apparente à un bou- leversement tectonique : lent, mais avec des conséquences profondes. Un changement de mentalité s’impose. Depuis que j’ai rejoint l’organisation kenyane Life In Abun- dance (LIA) en 2020, ma vision de la coopération internatio- nale a profondément changé. La fondatrice, le Dr Florence
Je voudrais présenter quelques principes de cette approche transformatrice : 1. Penser de manière holistique et systémique La mission en tant que transformation repose sur des ap- proches intégrées qui relient l’éducation, l’économie, la san- té et les affaires sociales, imprégnées d’une spiritualité vécue et proche du quotidien. 2. Renforcer l’église locale En tant qu’actrice culturellement ancrée et présente en per- manence, elle est porteuse d’un impact durable. Les initia- tives interconfessionnelles recèlent un grand potentiel de changement social. 3. S’appuyer sur les ressources plutôt que de combler les déficits Renforcer la responsabilité individuelle plutôt que de susci- ter des attentes et encourager la dépendance.
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