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CULTURE

DU 26/27/28/29/30 MARS 2020 FINANCES NEWS HEBDO

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F.N.H. : La femme s’est insérée et vue reconnue dans le milieu artistique, depuis Chaïbia ? R. A. : Depuis Chaïbia, je pense que la femme artiste s'est installée dans son sofa ! Je pense qu'elle a ouvert avec d’autres bien des portes après elle dans les mentalités. J 'ai exposé moi-même pour la première dans sa galerie Alif Ba à Casablanca dans les années 2000. Mais je pense toujours en termes d'artiste et déplore en art la dichotomie homme/ femme ! F.N.H. : Chaque femme essaye de trouver du mieux qu’elle peut sa méthode pour s’en sortir, se faire connaitre. Quelle est la vôtre ? R. A. : Sortir de l'ombre par sa propre lumière, telle est ma devise ! F.N.H. : Avez-vous déjà connu la misogynie ? R. A. : La misogynie, je la devance d'un pas. Du coup, elle me voit et je ne la vois pas ! F.N.H. : Nous constatons néanmoins bien trop souvent qu’il existe beaucoup moins d’œuvres de femmes que d’hommes exposées dans les musées ou dans les livres d’histoires de l’art. Quelles sont les raisons de cette quasi-invisibilité des femmes dans le milieu de l’art ? R. A. : C'est une question que je me pose aussi bien que l’effectif féminin n’est pas des moindres. Laissons peut-être le temps au temps… et à l' Histoire de leur poser la question un jour. F.N.H. : Que pourriez-vous dire de la place qu’occupe la femme dans l’art aujourd’hui ? Avez-vous quand même repéré des changements de regards, d’atti- tudes ? R. A. : La femme au Maroc occupe finalement la place que l'on veut bien lui donner. Mais l'œuvre picturale,croyez-moi, est toujours à sa juste place, devant l'œil du spectateur. Laissons à ce dernier le soin de s'y attarder et d'en juger par lui-même. F.N.H. : Et sur leur dynamisme dans le milieu artis- tique ? R. A. : Je salue le dynamisme des femmes au Maroc et dans bien des domaines et notamment au-devant de la scène artistique. Artistes engagées, présentes, vives, elles dessinent à leur tour avec singularité un champ créatif pluriel. F.N.H. : Quel message souhaitez-vous faire passer à travers votre art ? R. A. : Je suis artiste de formation littéraire. Le verbe étant à tous les commencements, je dirai comme Delacroix : Il n'y a pas d'art sans poésie. Ma peinture reste contemplative comme un arrière-pays de la poésie ou l’inverse si l'on veut. Et si message elle dépose, il ne peut être que d'ordre mys- tique. F.N.H. : Quel est votre processus de création ? R. A. : J’ai touché tout au long de mon parcours à plusieurs procédés de création et à maintes techniques plastiques. Et comme dans un procédé alchimique, j’essaie de décomposer la matière comme pour la purifier. Et en transformant cette matière en lumière. Je passe nécessairement par la transmutation de l'esprit. Ce qui permet de se transformer soi-même et de s’y purifier. ◆

À TABLE L'ARTISTE ! ◆ Rajaa Atlassi est une femme de lettres et peintre autodidacte qui ne manque ni d’audace esthétique ni de créativité. Entretien à bâtons rompus.

Propos recueillis par R. K. Houdaifa (Stagiaire)

qu’un impact identifiable des idéologies post-indé- pendance subsiste encore chez les artistes contem- porains de la nouvelle génération ? R. A. : Je n’adhère pas à tous ces discours sur l'art engagé ou pas; pré ou post... Je ne mêle pas l'histoire à l’art. Je ne garde de l’art que sa dimension universelle et intemporelle. F.N.H. : La nouvelle génération se voudrait-elle en rupture avec le passé ? R. A. : Non, je ne suis en rupture avec rien ! Tout me traverse et sans le vouloir, peut-être, je restitue cette part léguée dans ma démarche plastique comme une grâce qu'à mon tour je rends... F.N.H. : La création contemporaine marocaine de ces dix dernières années ? R. A. : Je suis assez curieuse à chaque fois de voir ce que la scène de la création contemporaine propose. Tout en sachant que l’étonnement est l’indice premier pour moi de retenir une œuvre ou pas ! Je passe d'enchantée à déçue bien souvent et je me dis que créer comme disait Camus, c'est vivre deux fois, alors je ne retiens selon les cas que la part de vie en eux qui me convient. Il va sans dire que je réfute le terme «contemporain». Il me semble souvent bien confus et assez chaotique...à s’y égarer. F.N.H. : Qu’est-ce que l’art contemporain marocain pour vous aujourd’hui ? R. A. : Sans ironie, juste quelques noms d'artistes que je suis sans avoir à les classer !

Finances News Hebdo : Pouvez-vous nous par- ler brièvement de l’histoire de l’art au Maroc ? Où commence la peinture au Maroc ? Cherkaoui ? Gharbaoui ? Rajaa Atlassi : Notre culture arabo-musulmane est fondée sur la primauté du verbe et de l’auditif, laissant aux seuls arabesques et à la calligraphie le soin de véhiculer une magie de l'image régulière et rythmée, ouvrant ainsi à l'œil les seuils de la méditation. Au Maroc et dans ce contexte, les pionniers de l’art que l'histoire connaît, et sans les nommer, vont devoir se placer dans cette dynamique. Face à l'aniconisme arabo-musulman, des artistes comme Gherbaoui, R’bati, Cherkaoui...ont dû s’inscrire dans une quête imaginale comme disait Corbin pour restituer l’apparence des choses, donnant ainsi accès à un autre espace, à une autre temporalité, avec des mediums propres dans un cadre réduit venu de l'Occident, le tableau. F.N.H. : Quel bilan faites-vous sur la deuxième moitié du XX ème siècle ? R. A. : Une période bien riche en couleurs et en mouvements... Je trouve un vrai creuset aujourd'hui pour nos artistes ! J’ai une affection toute particulière que je ne renie pas pour cette peinture dite naïve et pour ses protagonistes comme Ben Allal…Chaïbia.

F.N.H. : La création s’est déplacée davantage vers des questions individuelles ou sociales. Pensez-vous

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