FNH N° 1121

JEUDI 14 SEPTEMBRE 2023 / FINANCES NEWS HEBDO

www.fnh.ma

SÉISME D'AL HAOUZ

22

Entretien

«Il faut se baser sur ce qui existe déjà, si on veut reconstruire rapidement»

◆ Le séisme qui a durement frappé le Royaume suscite moult interrogations. Dans cet entretien, Finances News Hebdo s’intéresse plus particulièrement aux bâtiments ruraux qui se sont majoritairement effondrés comme des châteaux de carte. Pourquoi n’ont-ils pas résisté ? Où se situent leurs failles ? Et que faut-il faire s’il faut reconstruire rapidement, en raison de l’hiver qui arrive ? ◆ Eclairage de Mohammed Errouaiti, expert en construction, qui a dirigé pendant 20 ans le Centre scientifique des techniques de construction (CSTC) du Laboratoire public d’essais et d’études (LPEE).

F.N.H. : Le code parasismique concerne certains types de bâtiments. Quels sont-ils ? M. E. : Au Maroc, il y a deux règle- ments de construction parasismique. Le RPS 2000, avec sa version 2011, qui est dédié aux constructions conventionnelles, c’est-à-dire des constructions régies par des normes et des codes de calcul. Et l’autre, c‘est le règlement parasismique des constructions en terre et matériaux traditionnels. Il faut dire que le second règlement est moins connu que le premier. Mais les deux règlements sont tous d’application obligatoire. F.N.H. : Sachant que les habi- tants de ces zones reculées n’ont pas de moyens, comment voyez-vous l’application des normes parasismiques dans ces zones ? M. E. : Comme je l’ai déjà signalé, il existe trois types de construction en terre. Les constructions en adobe, en pisé ou encore en pierre. Ces constructions ont donné satisfaction en termes d’exploitation vis-à-vis des sollicitations autres que para- sismiques. En effet, elles ont résisté pendant des années et des années aux charges gravitationnelles. On ne peut donc pas leur reprocher d’être de mauvaise qualité. Seulement voilà, ces bâtiments n’ont pas été construits pour s’opposer

Propos recueillis par A. Diouf

Finances News Hebdo : Le séisme d’Al Haouz soulève à nouveau la question de la non-application des normes antisismiques. Qu’en pensez- vous ? Mohammed Errouaiti : Avant de répondre à votre question, permettez- moi tout d’abord de présenter mes sincères condoléances à mes conci- toyens qui ont perdu leurs proches lors de ce drame meurtrier; et de sou- haiter à toutes les personnes qui ont perdu la vie de reposer en paix. Maintenant, pour en venir à votre question, je dirai que ce ne serait pas prudent de lier le nombre de bâtiments détruits à l’application ou la non-application des règles para- sismiques. Pourquoi ? Parce que les règles parasismiques sont dédiées aux constructions que l’on projette d’édifier après la date de promul- gation du règlement élaboré à cet effet. Ce qui n’est pas le cas dans ce séisme où la plupart des bâtiments sinistrés dans les zones affectées d’Al Haouz, Ouarzazate, Taroudant, etc. sont d’anciennes constructions en adobe, en pisé ou en pierre. D’ailleurs, comme on le voit dans cer- taines vidéos diffusées par les médias, les bâtiments construits en béton armé sont juste fissurés, dégradés,

partiellement effondrés, mais en tous cas pas totalement détruits. Parce que les règles parasismiques, comme leur nom l’indique, ne sont pas destinées à construire antisismique, mais plutôt parasismique. Cela veut dire que l’on cherche à éviter l’effondrement subit et brutal des constructions. Ainsi, les occupants ont le temps d’évacuer les- dites constructions trop affectées lors des séismes violents. Autrement dit, construire antisismique, c’est presque utopique.

Made with FlippingBook flipbook maker