FNH N° 1180

ECONOMIE

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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 16 JANVIER 2025

L’ambition royale ne se limite pas cependant à la construc- tion de stations de dessale- ment. La vision est globale et prend en compte la nécessité d’une gouvernance respon- sable et efficiente de l’eau. «Nous insistons sur l’impératif d’une mise à jour continue des leviers de la politique nationale de l’eau et sur la définition d’un objectif stratégique, quelles que soient les circonstances : garantir l’eau potable à tous les citoyens et couvrir 80% au moins des besoins d’irrigation sur tout le territoire national», a déclaré le Souverain lors du discours du Trône. Cet impératif se traduit par un contrôle renforcé de l’usage de l’eau, une lutte contre le gaspillage et la mise en place de la «police de l’eau», un dispositif visant à réguler l’exploitation des ressources hydriques et à sanctionner les pratiques abusives, telles que le pompage anarchique des nappes phréatiques. Des ambitions et des moyens Cette stratégie ambitieuse ne

 Avec les sécheresses récurrentes, le stress hydrique est devenu une réalité structurelle et impose au Maroc un recours croissant aux ressources non conventionnelles.

pourrait voir le jour sans une mobilisation sans précédent des ressources financières. L’investissement dans le sec- teur de l’eau est passé de 2 milliards de dirhams en 2014 à 10 milliards en 2024, tra- duisant l’engagement crois- sant du Maroc pour garantir sa sécurité hydrique. Par ail- leurs, le programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020-

2027, qui intègre le dessa- lement, la construction de grands barrages, l’intercon- nexion des bassins hydrau- liques et l’adoption générali- sée de techniques d’irrigation économes en eau, est doté d’une enveloppe globale de 143 milliards de dirhams. Dans ce cadre, le partenariat public-privé (PPP) joue un rôle déterminant. L’expérience marocaine dans ce domaine

est aujourd’hui saluée à l’in- ternational pour son approche innovante et inclusive, notam- ment dans le cadre du pro- jet d’El Guerdane, réalisé en 2009 pour la sauvegarde de la zone agrumicole sur 10.000 hectares, et celui de Chtouka, réalisé en 2022 pour l'irriga- tion de 15.000 hectares par dessalement de l'eau de mer. Ces projets ont permis d’as- surer l’irrigation de vastes zones agricoles tout en impli- quant le secteur privé, rédui- sant ainsi la pression sur les finances publiques et garan- tissant une gestion durable des ressources. Aujourd’hui, le Maroc a clai- rement la volonté d’inscrire la gestion de l’eau dans un cadre global de durabilité, où chaque projet contribue à la préservation des ressources naturelles et à la lutte contre le changement climatique. Pour autant, la réussite de cette transformation ne peut être uniquement technique. Le Roi a rappelé avec force que «la préservation de l’eau est une responsabilité nationale qui engage toutes les institutions et tous les citoyens» . C’est un appel à la mobilisation collective, à un changement profond des comportements et à la sensi- bilisation sur l’importance de l’eau. ◆

Au-delà des polémiques Station de Casablanca

La station de dessalement d’eau de mer de Casablanca était initialement prévue pour être opérationnelle dès 2016. Comme un projet fantôme, il a disparu des radars avant d’être ressuscité au travers d’un avis de pré-qualification lancé en mars 2022 par l’Office national de l’électricité et de l’eau (ONEE) afin de sélectionner les candidats pour sa réalisation. En novembre 2023, la construction de la station a été confiée au consortium regroupant le géant espagnol Acciona, Afriquia Gaz et Green of Africa, deux filiales du groupe marocain Akwa. Le tout, sur fond de vives polémiques. Si d’aucuns, comme le Parti de la justice et du développement (PJD), accusent le chef de gouvernement de «conflit d’intérêts manifeste» en rai- son de ses liens financiers avec le Groupe Akwa, d’autres pointent du doigt le retard des travaux de construction, dont le lancement officiel n’a eu lieu qu’en juin 2024, soit pratiquement 7 mois après l’attribution du marché. Face à la montée des critiques, Mustapha Baitas, porte-parole du gouvernement, a tenté de clarifier la situation lors d’une conférence de presse suivant le Conseil du gouvernement. Insistant sur la régularité du processus d’appel d’offres, il souligne que toutes les démarches ont respecté le cadre légal. Pour les délais, il remonte très loin. Selon lui, «le véritable problème réside dans le retard des travaux, initialement prévus pour être achevés en 2016». Rappelant que si cette station avait vu le jour dans les temps, les ressources mobilisées pour des projets comme l’autoroute hydraulique auraient pu être réorientées vers d’autres chantiers tout aussi prioritaires. En tout cas, au-delà des polémiques, l’impératif du respect des délais est une priorité royale. Le 29 juillet 2024, le Roi a rappelé, dans son discours, l’urgence d’agir avec rigueur : «le plus grand défi reste la réalisation des stations programmées et des projets d’énergies renouvelables y afférents dans les délais fixés et sans aucun retard». Et de poursuivre avec fermeté : «à ce propos, nous tenons à souligner de nouveau qu’aucune négligence, aucun retard, aucune mauvaise gestion ne sont tolérés dans une question aussi cruciale que l’eau». Les termes sont clairs. L’eau est une priorité nationale. Et elle ne peut faire l’objet ni d’approximations, ni de retards inex- pliqués. C’est dire que la réalisation de la station de dessalement de Casablanca doit aller bien au-delà des considérations partisanes et des intérêts personnels, pour faire primer l’intérêt supérieur du pays.

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