Finances News Hebdo N° 1066

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ECONOMIE

JEUDI 19 MAI 2022 FINANCES NEWS HEBDO

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Concentration économique De la pédagogie à la sanction ◆ L’absence de notification ou la réalisation de l’opération avant l’obtention de l’autorisation du Conseil de la concurrence est sanctionnée par une amende pouvant aller jusqu’à 5% du chiffre d’affaires de l’entreprise responsable de la notification. ◆ Les opérateurs marocains et ceux étrangers qui réalisent une opération ayant un impact sur le marché marocain doivent désormais avoir conscience que toute opération non notifiée ou qui n’a pas été autorisée par le Conseil fait désormais l’objet de sanction en pratique. ◆ Entretien avec Saad El Mernissi, avocat et partner du cabinet Figes Mernissi.

F. N. H. : Selon vous, com- ment une société de la trempe de Sika AG peut- elle ignorer la loi appli- cable au Maroc en matière de concentration écono- mique ? S. E. M. : Je ne connais pas les conditions dans lesquelles cette entreprise a réalisé son opéra- tion d’acquisition et quelles sont les raisons qui ont motivé cette situation. Par expérience, les entreprises ne notifient pas leurs opérations par méconnaissance du cadre juridique marocain, par une mau- vaise appréciation des critères fixés par la législation en vigueur ou par une volonté de réaliser rapidement l’opération. Et ce, sans avoir à attendre l’autorisa- tion du Conseil de la concurrence qui peut prendre jusqu’à 60 jours à compter du moment où le dos- sier de notification est considéré comme complet par le Conseil de la concurrence. F. N. H. : Selon vous, com- ment sensibiliser efficace- ment les opérateurs écono- miques et les investisseurs internationaux afin qu’ils se conforment au droit de la concurrence en vigueur au Maroc ? S. E. M. : De façon générale, ces règles doivent faire tout d’abord l’objet d’une sensibilisa-

torisation du Conseil de la concur- rence avant de réaliser l’opération. L’absence de notification ou la réalisation de l’opération avant l’obtention de l’autorisation du Conseil de la concurrence est sanctionnée par une amende pou- vant aller jusqu’à 5% du chiffre d’affaires de l’entreprise respon- sable de la notification. C’est ce qu’on appelle communément un «Gun jumping», qui a conduit dans le cas du dossier Sika à une amende de plus de 11 millions de dirhams. F. N. H. : La décision du Conseil n’augure-t-elle pas une nouvelle ère en matière de contrôle des opérations de concentration écono- mique au Maroc ? S. E. M. : Les opérateurs maro- cains et étrangers qui réalisent une opération ayant un impact sur le marché marocain doivent désormais avoir conscience que toute opération non notifiée ou qui n’a pas été autorisée par le Conseil, fait désormais l’objet de sanction en pratique. Il est à noter qu’un projet de loi est actuelle- ment en discussion. Celui-ci pour- rait aboutir sur la modification des critères de notification pour permettre la mise en place de dispositifs plus pertinents. Ce qui évitera la notification d’opérations qui n’ont pas un réel impact sur la concurrence au Maroc.

Propos recueillis par M. Diao

Finances News Hebdo : La première décision de «Gun jumping» a été rendue récemment par le Conseil de la concurrence. Le Conseil a décidé d’infliger une sanction pécuniaire de 11.670.215 DH à la société suisse Sika AG. Que vous inspire cette décision iné- dite en tant que profes- sionnel réputé en matière de droit de la concurrence au Maroc ? Saad El Mernissi : Cette décision révèle un changement de position du Conseil, qui avait fait le choix ces dernières années de privilé- gier la pédagogie à la sanction et qui, visiblement, souhaite envoyer un message fort aux opérateurs économiques pour le respect des dispositions prévues en matière de droit de la concurrence, et plus particulièrement en matière de contrôle des concentrations. Pour rappel, les entreprises parties à une acquisition, une fusion ou à une joint-venture et qui dépassent certains seuils de chiffres d’affaires et de parts de marché doivent notifier cette opé- ration au Conseil de la concur- rence en fournissant un certain nombre d’informations prévues par les textes législatifs et régle- mentaires et doivent obtenir l’au-

tion auprès des acteurs du monde du droit (avocats, conseils juri- diques, notaires, experts comp- tables…), qui sont souvent les premiers interlocuteurs des entre- prises marocaines et étrangères qui souhaitent réaliser une opé- ration de concentration. De plus, dans la plupart des pays qui dis- posent d’une réglementation sur la concurrence aux standards internationaux, le cadre législa- tif et réglementaire est souvent accompagné par des textes expli- catifs émis par les autorités de la concurrence afin de permettre une meilleure compréhension et une meilleure interprétation des textes de loi. Le Conseil de la concurrence a récemment publié un guide pour la mise en place de programmes de conformité destinés aux entreprises. Il est également important, qu’à l’instar d’autres autorités de la concur- rence, que le Conseil de concur- rence publie des lignes directrices spécifiques au régime du contrôle des concentrations. ◆

Les règles de la concur- rence doivent faire tout d’abord l’objet

d’une sen- sibilisation auprès des acteurs du monde du droit.

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