SPÉCIALE EDITION COVID-19
«Nous retenons le scénario d’une reprise en V»
Acteur actif mais discret du Comité de veille économique, le wali de Bank Al-Maghrib livre son sentiment sur les premières leçons à tirer de la crise sanitaire.
Finances News Hebdo : Vous avez vécu de l’intérieur plusieurs crises économiques mondiales et natio- nales. En quoi la crise de la Covid- 19 est-elle différente ? En tant que banquier central, quelles sont, selon vous, les principales leçons à tirer de cette crise sanitaire ? Abdellatif Jouahri : La crise actuelle expose le monde entier à de grandes incertitudes. Tous les pays font face à une situa- tion très complexe qui dépasse le volet de la santé publique pour affecter l’ensemble des aspects économiques et sociaux. Rien qu’au niveau de l’emploi, le nombre de chômeurs déclarés à l’échelle internationale se compte en dizaines de millions. Nous assistons depuis le début de la crise à un changement total de paradigmes. Le souci sanitaire restera très présent, même si l’on arrive à enrayer la pandé- mie. La prépondérance du digital devrait se renforcer au niveau de l’ensemble des aspects de la vie
quotidienne. Après le confine- ment, tous les pays du monde se livrent une concurrence multisec- torielle accrue. Dans ce contexte, il faudrait savoir quels secteurs économiques et sociaux il s’agit de prioriser. De plus, les Etats exigent du secteur privé des engagements importants en termes de création d’emplois, d’amélioration de la valeur ajoutée et d’augmentation des revenus en devises en contre- partie des mesures de soutien dont il bénéficie. F. N. H. : De quelle manière pen- sez-vous que le Maroc et ses indi- cateurs macroéconomiques quit- teront cette zone de turbulences ? A. J. : Bank Al-Maghrib retient le scénario d’une reprise en V. Cela suppose une reprise de l’acti- vité économique aussi rapide que la contraction que nous avons subie à cause de la crise. Nous tablons donc sur un redémarrage simultané des activités dans les
Abdellatif Jouahri
principaux secteurs. Pour ce faire, des mesures rapides et efficaces devraient être prises pour accom- pagner et booster ce redémar- rage. Alors que plusieurs pays ont préféré amorcer la reprise à travers le soutien des grandes entreprises, nous avons opté au sein du CVE pour la relance de l’activité au niveau de l’ensemble des secteurs en mesure de res- pecter les protocoles sanitaires. Ces opérateurs ont pu bénéficier des garanties de l’Etat au niveau de leurs lignes de financement. Le dispositif de soutien sera com- plété par les décisions qui seront prises dans le cadre de la Loi de Finances rectificative. u
Pas d’assouplissement quantitatif ni de planche à billets sous toutes ses formes au Maroc. Le wali de Bank Al-Maghrib a définitivement clos le débat en conférence de presse après la dernière réunion du Conseil de BAM et ce d’une manière directe, franche et sans ambiguïté. Selon lui, les politiciens, analystes et autres économistes qui se sont prononcés pour ce type de méthodes, ne considèrent pas les contraintes liées à l’impact négatif sur la rémunération de l’épargne, sur le taux de change du Dirham, sur les réserves de change ou encore le compte courant, donnant l’exemple d’un pays voisin (l’Algérie sans la citer) qui a eu recours à la planche à billets avec des répercussions désastreuses sur les réserves de change. Jouahri ferme la porte à tout assouplissement quantitatif
30 FINANCES NEWS HEBDO [ HORS-SÉRIE N°39 ]
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