ECONOMIE
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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 18 DÉCEMBRE 2025
Croissance – Investissement - Dette Lecture économique de l’année 2024
du revenu national brut, les entre- prises avaient contribué de 60,3% à l’épargne nationale et de 59,2% à l’investissement national, pour se retrouver avec un besoin de financement de 8,2 milliards de DH. Avec l’analyse de l’offre de l’éco- nomie marocaine, on voit bien que les entreprises, tant financières que non financières, participent à hau- teur de 45,7% à la formation du PIB marocain tout en contribuant de 60,3% à la formation de l’épargne nationale et de 59,2% à l’investis- sement national. Avec ces données, il parait, bien clair, l’importance du rôle joué par les entreprises dans la dynamique de la croissance économique au Maroc. En effet, en revenant à la note d’information du HCP sur les comptes nationaux du Maroc, on voit que l’investissement, qui a pro- gressé de 13,9% en 2024, était prin- cipalement boosté par les entre- prises, ayant contribué à environ 60% à la formation brute du capital fixe, soit une progression de 19,9% par rapport à l’année passée. Ainsi, le passage d’une capacité de financement à un besoin de finan- cement en 2024 peut s’interpréter comme un effet mécanique de la reprise de l’investissement natio- nal, notamment avec les grands chantiers ouverts par le Maroc dans le cadre des différentes stratégies sectorielles de développement et des projets d’infrastructures, et aux préparatifs du Maroc pour l’orga- nisation de la Coupe d’Afrique des nations et la Coupe du monde. F. N. H. : L’État se finance davantage sur le marché inté- rieur. Quel risque cela fait-il peser sur la liquidité bancaire et la capacité d’investisse- ment du secteur privé ? R. E. F. : En analysant la dette publique du Maroc, on voit, depuis plusieurs années, la pré- pondérante dynamique des finan- cements internes (70%), au détri- ment des financements externes, qui gouverne la gestion active de cette dette. Cette tendance, bien qu’avantageuse en termes de ges- tion des risques de chocs externes et de consolidation de la souverai- neté financière du Royaume, se voit fort porteuse d’effet d’éviction qui
Le rapport du HCP confirme que la croissance de 2024 repose avant tout sur la demande intérieure et l’investissement, bien plus que sur un gain réel de productivité ou une hausse suffisante de l’épargne nationale. Si les ménages soutiennent la résilience économique, les entreprises et l’État creusent le besoin de financement, posant la question de la soutenabilité du modèle à moyen terme. Entretien avec Rachid El Fakir, professeur d'économie monétaire.
Propos recueillis par Désy M.
Finances News Hebdo : La récente note du HCP sur les comptes nationaux par sec- teurs institutionnels montre que malgré une croissance nominale de 7,9%, le pays affiche un besoin de finan- cement plus élevé. Peut-on parler de paradoxe ? Rachid El Fakir : Ces deux résul- tats résument les performances macroéconomiques de l’économie marocaine en 2024 et ne peuvent représenter en aucun cas un «para- doxe» au vrai sens du terme. Avant de montrer l’absence d’un tel paradoxe, il conviendrait de faire une petite analyse de ces deux variables, tout en décelant le lien de causalité entre celles-ci. D’une part, en 2024, l’écono- mie marocaine avait progressé en valeur de 7,9%. Cette crois- sance demeure nominale et non pas réelle, ou en d’autres termes, en valeur et non pas en volume. En déflatant un tel indicateur, on annule l’effet prix pour se retrouver avec une croissance économique aux prix constants dans la limite de 3,8%. Ce taux, qui représente le vrai niveau de la croissance écono- mique en volume, contraste avec la croissance nominale en valeur, tempérant ainsi le soi-disant «para- doxe» de la combinaison d’une
forte croissance nominale et un besoin de financement global accru de l’économie marocaine. D’autre part, pour le besoin de financement global (BFG), qui s’est aggravé au Maroc au titre de l’exer- cice 2024 en s’établissant à 1,2% du PIB contre 0,9% une année auparavant, il convient de noter que ce résultat reflète un déficit de 18,5 milliards de DH (MMDH) de l’épargne nationale par rapport à l’investissement national engagé la même année par les différents sec- teurs institutionnels. Ce reliquat est alors comblé par l’épargne étran- gère libellée en devises. Ainsi, en analysant les comptes des différents secteurs institution- nels, on voit que ce BFG résulte des besoins de financement accu- sés par les secteurs des socié- tés non financières, des sociétés financières et des administrations publiques, respectivement de 8,2, 9,1 et 12,2 Mds de DH, contre une capacité de financement de 10,9 Mds de DH pour les ménages. Le BFG structurel, qui caractérise l’économie marocaine depuis des années, témoigne de l’insuffisance de l’effort de l’épargne locale à pou-
voir accompagner la dynamique de l’investissement nationale; situation qui constitue de fortes contraintes sur les politiques monétaires et budgétaires du Royaume, en faisant appel aux financements extérieurs. Dans ce sillage, en liant le BFG au taux de croissance économique enregistré au Maroc en 2024, on peut bien avancer un bon dyna- misme de l’investissement qui dépasse les capacités financières de l’économie marocaine. Un tel dynamisme constitue, bien évi- demment, un moteur déterminant pour la croissance économique. Rapportés au PIB, on voit que l’in- vestissement et la consommation finale, qui constituent la demande interne, ont contribué massivement, comme d’habitude, à la croissance économique au Maroc en 2024. F. N. H. : Les entreprises passent d’une capacité de financement positive à un besoin de financement important en 2024. S’agit-il d’un signal inquiétant ou d’un effet mécanique de la reprise de l’investissement ? R. E. F. : En disposant de 16,6%
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