ECONOMIE
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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 18 DÉCEMBRE 2025
risque de limiter les flux de finan- cements orientés vers les entre- prises et les ménages. Cette situa- tion pourrait bien porter atteinte à la soutenabilité de la demande intérieure et constituer ainsi une contrainte sur la croissance écono- mique et la création de l’emploi. Dans ce contexte, avec l’engoue- ment des banques et des investis- seurs institutionnels sur les obliga- tions de l’Etat, de fortes pressions sur la liquidité bancaire vont se faire sentir, accentuant ainsi le besoin structurel en liquidité dont souffre le secteur bancaire marocain depuis plusieurs années. Comme corolaire à ce constat, l’activité du crédit bon marché, nécessaire à toute relance économique, serait limitée et une bonne partie d’entreprises et de ménages se retrouve évincée des retombées de cette activité d’inter- médiation. Toutefois, avec une maturité plus allongée de la dette publique, le développement des instruments de marché, l’amélioration de l’intermé- diation pour bien orienter l’épargne vers le privé (Fonds de garantie), et la veille à une bonne coordination entre les politiques budgétaires et monétaires, on peut bien tempérer lesdites pressions sur la liquidité bancaire et, dans cet élan, limiter tout effet d’éviction prononcé. F. N. H. : Les ménages affichent un fort rebond du pouvoir d’achat et une capa- cité de financement record. Que cela nous dit-il sur la structure de la croissance et sur la résilience de la demande intérieure ? R. E. F. : En 2024, on assiste à une amélioration de ce pouvoir d’achat de 5,1 points au lieu de 1,8 point en 2023. Cette amélioration reflète une évolution significative de la capa- cité de financement et un effort à l’épargne soutenu et bien prononcé des ménages. Le revenu disponible brut de ce secteur institutionnel avait enregistré une nette progres- sion annuelle de 6,7% durant le même exercice. Principale compo- sante de ce revenu, avec une part de 45,3%, la rémunération sala- riale avait progressé de 6,7%. En analysant l’évolution du PIB selon l’optique revenu, on voit que la
La qualité de la croissance économique demeure conditionnée par le fait que la demande provient durablement d’une hausse des revenus réels.
rémunération salariale continue de booster la croissance économique au Maroc à côté des autres com- posantes du revenu des ménages. Ledit revenu avait été affecté à hauteur de 89,2% à la dépense de consommation finale, avec un taux d’épargne de l’ordre de 11,3%. Avec un bon effort à la consom- mation et à l’investissement et une capacité de financement fort palpable, on voit qu’en 2024 les ménages continuent de soutenir la résilience de la demande intérieure, principal moteur de la croissance économique, et tempérer l’effet négatif des besoins de financement des autres secteurs institutionnels sur le besoin de financement global de l’économie nationale. Toutefois, la qualité de la croissance économique, liée à l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages, demeure conditionnée par le fait que la demande provient durable- ment d’une hausse des revenus réels et non pas des dettes à la consommation. F. N. H. : La note révèle des déséquilibres persistants entre production, revenu, épargne et investissement. Selon vous, quels sont les ajustements structurels les plus urgents pour rendre la croissance plus soutenable en 2025 et au-delà ? R. E. F. : Pour une bonne ana- lyse de la croissance économique, trois approches distinctes sont
indispensables. Selon l’offre ou la production, on peut mettre en exergue les contributions des diffé- rents secteurs institutionnels à une telle croissance. Selon la demande, on peut bien capter les principaux moteurs de la croissance écono- mique, tant interne qu’externe, adressée à l’offre produite par l’économie nationale. Enfin, selon l’approche revenu, on peut bien mettre en exergue lesquels des revenus ont contribué le plus à ladite croissance. Ainsi, avec de telles approches, une analyse plus approfondie des comptes nationaux du Royaume confirme la présence de quelques déséquilibres, notamment en matière de contributions des dif- férents secteurs à la formation du PIB, à la répartition de la valeur ajoutée entre les facteurs de pro- duction (travail, capital et impôts), à la structure de la demande et, enfin, au besoin de financement global de l’économie nationale, dont la dura- bilité risque de compromettre toute croissance soutenue. Ainsi, la contribution du secteur secondaire à la création des richesses demeure en deçà des attentes pour pouvoir dire que notre
pays fait partie des pays émergents. A cet égard, au-delà des stratégies d’industrialisation en vigueur et des grands chantiers d’infrastruc- ture ouverts, d’autres mesures plus ambitieuses doivent optimiser la dépense publique en priorisant les investissements à forte productivité (infrastructures logistiques, éduca- tion, R&D) tout en limitant le recours excessif au financement intérieur à court terme. Prioriser l’orientation de l’intermédiation financière vers l’investissement productif demeure aussi l’un des piliers de ce pari d’industrialisation de l’économie marocaine. En outre, le partenariat public-privé est appelé à orienter l’investisse- ment vers des activités industrielles à forte valeur ajoutée, bien réparties géographiquement pour une bonne équité territoriale. Pour ce faire, des incitations fiscales doivent tendre vers l’orientation de l’épargne des ménages et vers le financement des entreprises (Fonds de capital- risque, obligations d’entreprise). La réduction de la finance indirecte au profit du développement du marché des capitaux pourrait réduire toute dépendance au crédit bancaire, coûteux par sa nature et de moins en moins disponible pour une large population d’agents économiques. Il faut ainsi développer davantage d’instruments de marché et diver- sifier l’offre d’épargne à travers des produits d’épargne long terme afin de diversifier les modes de finance- ment des entreprises. ◆
Le BFG structurel, qui caractérise l’économie marocaine depuis des années, témoigne de l’insuffisance de l’effort de l’épargne locale à pouvoir accompagner la dynamique de l’investissement national.
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