20
ECONOMIE
FINANCES NEWS HEBDO
JEUDI 7 OCTOBRE 2021
www.fnh.ma
◆ La Covid-19 a été un puissant marqueur de la défaillance des systèmes de santé, même dans les pays développés. ◆ La souveraineté sanitaire est désormais un impératif pour la sécurité stratégique du Maroc. ◆ Entretien avec Abdelmajid Belaïche, analyste des marchés pharmaceutiques et chercheur en économie de la santé. «Il faut privilégier la fabrication locale génératrice d’emplois» Souveraineté sanitaire
Propos recueillis par Ibtissam Z.
Finances News Hebdo : On commence désormais à parler de souveraineté sanitaire dans plusieurs pays, avec notamment l’avènement de la pan- démie. A quoi est due cette prise de conscience ? Abdelmajid Belaïche : De par son ampleur, sa rapidité et sa brutalité, le Coronavirus a été le révélateur de certaines situations sani- taires dangereuses, mais jusque-là ignorées. Cette pandémie a eu le mérite d’avoir mis à nu les défaillances des systèmes de santé, y compris ceux des puissances économiques occidentales, pourtant réputées robustes. Les fortes mortalités, les saturations des services de réanimation et les nombreuses pénuries des produits de santé, notamment des médi- caments, ont révélé les failles jusqu’alors cachées de ces systèmes de santé. L’élément le plus saillant de cette pandémie a été l’incapacité des pays, y compris parmi les plus puissants, à pouvoir s’approvisionner en produits de santé, et notamment ceux utilisés contre la Covid-19, ainsi qu’en dispositifs médicaux pour protéger leurs populations (tests, bavettes, respirateurs etc.). F.N.H. : Quelle a été l’origine des pénuries mondiales touchant les pro- duits de santé ? A. B. : Pour rappel, les industries pharmaceu- tiques étaient principalement localisées en Europe et en Amérique. A partir des années 70, elles vont être progressivement déloca- lisées vers des pays asiatiques, notamment l’Inde et la Chine. Ces 2 pays fournissent aujourd’hui près de 80% des matières pre- mières pharmaceutiques, mais aussi de nom- breux médicaments à l’état fini, à tel point qu’on a commencé à qualifier ces 2 pays de
La couverture des besoins nationaux en médica- ments, qui était au début des années 80 de l’ordre de 80 à 85% en valeur, a reculé jusqu’à 56,6% en 2020.
«pharmacies du monde». Ces délocalisations s’expliquaient, d’une part, par les niveaux salariaux très bas dans ces pays et, d’autre part, par des législations relatives à l’environnement beaucoup plus souples que celles des pays occidentaux. De ce fait, la production des produits de santé, et notamment de médicaments dans ces pays, était beaucoup plus rentable, malgré les coûts logistiques liés à l’éloignement de ces pays des zones de consommation. Les conséquences de ces délocalisations ont été, d’une part, l’appropriation et la maî- trise des technologies pharmaceutiques et,
d’autre part, la perte du savoir-faire industriel pharmaceutique par la majorité des pays occidentaux, qui n’ont gardé chez eux que les centres de décision, les départements marketing et de recherche. Ceci a eu pour conséquence la perte de leurs autonomies en matière d’approvisionnement pharmaceu- tique et l’augmentation de leur dépendance vis-à-vis de pays tiers, et notamment de l’Inde et de la Chine. La pandémie Sars Covid-19 avait d’abord touché la Chine dès la fin 2019, mettant à l’arrêt des centres importants de production pharmaceutique et perturbant toute la chaîne
Made with FlippingBook flipbook maker