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ECONOMIE
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JEUDI 7 OCTOBRE 2021
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valeur ajoutée, à des molécules innovantes et à des formes galéniques complexes (trai- tements de l’hépatite virale, anticancéreux, antiasthmatiques en aérosols, médicaments biotechnologiques). Toutefois, la couverture des besoins nationaux en médicaments, qui était au début des années 80 de l’ordre de 80 à 85% en valeur, a reculé jusqu’à 56,6% en 2020, malgré un taux de couverture en volume de 78,1%. Et, surtout, malgré une capacité de production de l’ordre d’un milliard de boîtes par an, alors que la consommation nationale ne dépasse pas les 400 à 450 millions de boîtes par an, ce qui est paradoxal. Comment se fait-il que nous ne couvrions que 78,1% en volume et 56,6% en valeur de nos besoins, alors que notre capacité de production est le double de nos besoins ? L’explication est à rechercher, d’une part, au niveau des prix des produits importés qui sont généralement beaucoup plus élevés que les produits fabri- qués localement, et d’autre part, par le fait que près de la moitié des produits importés sont parfaitement fabricables localement. La responsabilité de la Direction du médicament et de la pharmacie (DMP), dépendant du ministère de la Santé, est pleinement enga- gée dans cette anomalie. Celle-ci accorde de nombreuses autorisations de mise sur le marché (AMM) à l’importation et non pas à la fabrication locale, pour des produits parfaite- ment fabricables au Maroc, et notamment à des laboratoires fantômes. F.N.H. : Le Maroc a tout de même connu quelques pénuries en période de pandémie… A. B. : Oui, notre pays a connu quelques pénuries qui ont surtout touché des pro- duits importés et en situation de monopole. Heureusement que la plupart des médica- ments ont de nombreux similaires (géné- riques). Ceci réduit pratiquement à zéro le risque de pénurie sur une molécule. Par contre, notre pays a connu quelques tensions et quelques pénuries passagères sur certains produits largement utilisés contre la Covid-19. C’est le cas notamment de la vitamine C, de la vitamine D et du zinc. Toutefois, la situa- tion a été rapidement rétablie. Il y a eu aussi le phénomène des achats de panique, en début de pandémie, et qui ont créé quelques tensions ou ruptures de stocks transitoires. Heureusement que la quasi-totalité des pro- duits des maladies chroniques (Diabète, hypertension etc.) était restée disponible, car ces produits existaient sous forme générique. Le fait qu’ils soient fabriqués localement nous a évité le pire. Et c’est bien la preuve que la souveraineté sanitaire nationale rime avec la fabrication locale. ◆
Les importations pharmaceutiques du Maroc ont progressé de +70% entre 2010 et 2020, alors que les exportations pharmaceu- tiques ont augmenté de +98%. Toutefois, le déficit de la balance commerciale pharmaceutique s’est aggravé de +66% sur la même période, atteignant 6.161,9 millions de dirhams en 2020.
sécurité sanitaire. Aujourd’hui plus que jamais, le débat sur la sécurité et la souve- raineté sanitaire ne doit pas rester confiné uniquement dans les sphères pharmaceu- tiques. Cette souveraineté intéresse avant tout l’ensemble de la population et il est de la responsabilité des pouvoirs publics de la sanctifier. Responsables politiques et élus doivent s’approprier ce sujet et veiller à la concrétisation de tous les aspects de cette souveraineté sanitaire. Malgré l’exis- tence d’une industrie nationale, le recours de plus en plus fréquent aux importations nous lèse, alors qu’il faut privilégier la fabrication locale génératrice d’emplois, de valeur ajou- tée industrielle, de développement de notre savoir-faire pharmaceutique et sa contribu- tion à la réduction du déficit de notre balance commerciale pharmaceutique. F.N.H. : Pourquoi les importations ont-elles bondi, entraînant l’effondre- ment de notre balance commerciale pharmaceutique ? A. B. : Depuis un peu plus de 60 ans, Feu Hassan II avait visé la substitution des impor- tations pharmaceutiques par la fabrication locale, en commençant par des formes phar- maceutiques les plus simples (comprimés, sirops, suppositoires etc.). L’arrivée en force des médicaments génériques, au début des années 90, a permis à de nouveaux indus- triels nationaux de mettre à la disposition des patients des médicaments génériques de qualité à des prix très accessibles. Quelques décennies plus tard, les opérateurs natio- naux se sont attaqués à des produits à forte
est donc le meilleur moyen de gagner en autonomie et de sécuriser ses approvisionne- ments en produits stratégiques pour la santé de sa population, en toutes circonstances, et notamment dans les pires situations (guerres, pandémies etc.). La diversification des sources des matières premières et des produits finis a été également proposée pour sécuriser les approvisionnements en produits de santé. Malheureusement, cette diversifica- tion a ses limites. Si elle permet de faire jouer la concurrence et de contourner les situations monopolistiques désastreuses, elle ne peut rien apporter à elle seule dans des contextes de pénuries généralisées comme celles qu’a connues le monde pendant la pandémie du Sars Covid-19. F.N.H. : Y a-t-il un débat sur la souve- raineté sanitaire nationale au Maroc ? A. B. : Le débat sur la souveraineté sani- taire nationale a existé au Maroc bien avant l’arrivée de la pandémie. Certains acteurs pharmaceutiques l’ont citée comme argu- ment en faveur de la fabrication locale et des médicaments génériques, mais aussi comme argument contre les importations sauvages de médicaments. Malheureusement, le débat sur la souveraineté et la sécurité sanitaire est resté confiné au sein du secteur pharma- ceutique, malgré les mauvaises expériences vécues par d’autres pays. L’existence d’une fabrication locale a évité à notre pays des problèmes majeurs en termes d’approvision- nements et l’a mis à l’abri de pénuries de produits de santé, essentiels et stratégiques. Mais ceci donne une fausse impression de
Le débat sur la sécurité et la souverai- neté sanitaire ne doit pas rester confiné uniquement dans les sphères phar- maceutiques.
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