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ECONOMIE

FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 16 ET VENDREDI 17 AVRIL 2020

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qui ralentira aussi la reprise, donc la demande des produits marocains. La stratégie d’urgence du gouver- nement qui consiste à combler les manques causés par la situation sanitaire, va donc bientôt être mise à rude épreuve. Car ces manques ne vont pas disparaître avec la fin du confinement. Une question cruciale et qui est claire- ment évitée pour le moment sera donc de savoir à quel moment le gouvernement considérera que l’on est reve- nu à la normale et qu’il n’est plus nécessaire de tendre ce filet de sécurité. Si la crise s’inscrit dans la durée, l’action du gouvernement va prendre une autre forme. Il devra reconstruire l’économie détruite par l’épidémie et, donc, décider des contours de l’économie de demain. Mais le passage entre plan de soutien qui remplace les revenus manquants et plan de relance qui pose de nouvelles priorités, risque d’être délicat et le gouverne- ment doit faire preuve de beaucoup d’imagination pour ne pas pénaliser toujours les mêmes. Faudra-t-il relancer tout en continuant à sauvegarder l’existant ou faire des choix ? Peut-on, du reste, sauve- garder l’existant dans une économie mondiale qui sera bouleversée avec sans aucun doute des relocalisations en masse vers les pays donneurs d’ordres (automobile, aéronautique, les médicaments,…) ? Le gouvernement ne dit pas comment chiffrer la perte en produit intérieur brut. Comment il va minimiser les effets de cette crise sur le moyen et long terme ? Comment sortir du confinement ? Comment repenser notre modèle économique ? La Commission qui se penche sur la mise en place d’un nouveau modèle de développement, doit intégrer cette nouvelle donne dans ses hypothèses. Le recours à la LPL est une ardente obligation, mais comment elle va être utilisée et quelles sont les contre- parties demandées par le FMI ? Le gouvernement vient d’acter un plan d’austérité, est ce que nous allons vers une nouvelle copie du Plan d’ajustement structurel (PAS) au moment où les secteurs sociaux (santé, éducation, population vulnérable…) ont plus que jamais besoin de renforcer leur budget. Pour réussir toute politique de crise, il faut de la transparence dans la manière de faire. F.N.H. : Plusieurs voix s'élèvent pour alerter sur les fâcheuses conséquences du risque de l'allongement des délais de paiement, dû au coronavirus, notamment pour le secteur privé. Quel est votre avis sur la question et comment inciter les entreprises à payer leurs fournisseurs à temps dans cette période de crise ? H. K. : Les délais de paiement paralysent l’économie. Si l’Etat (entreprises publiques et collectivités territoriales) a fait des efforts ces derniers mois, les grandes entre- prises privées continuent à faire des TPME leurs ban- quiers, la dette interentreprises privées représente plus de 450 milliards de dirhams (25% du PIB), dans une situation normale plus de 40% des faillites des TPME sont dus aux retards des paiement, en cette situation de coma économique, les dégâts seront dévastateurs. L’une des actions de la CGEM, durant cette crise, est de réunir toutes les grandes entreprises membres, surtout les grandes surfaces, qui génèrent un cash important, et de les pousser par tous les moyens à payer les arrié- rés des TPME. C’est aussi une forme de solidarité dans cette phase délicate que traverse notre économie. Tant que notre pays n’a pas pris cette problématique

de délais de paiement avec la rigueur qu’elle mérite, on ne pourra ni lutter contre l’informel, ni encourager les jeunes à entreprendre. F.N.H. : Enfin en tant que chef d'entreprise, quels sont les enseignements à tirer de cette période de pandémie ? H. K. : De cette crise dévastatrice et unique dans son genre, du fait qu’elle est exogène et touche tous les pays du monde en même temps, nous pouvons tirer quelques leçons. La première, l’Etat reste l’ultime recours en cas de crise, le marché a montré encore une fois qu’il est incapable de réguler les déséquilibres. La deuxième, là où le télétravail est possible, il fonc-

tionne très bien, la productivité a augmenté et la tech- nologie a humanisé les relations. La troisième, on est passé à côté de l’essentiel. Illustration de cette évidence, on redécouvre que les corps de métiers les plus importants sont les personnels soignants (médecins, infirmiers, pharmaciens…), les agriculteurs, les livreurs, les éboueurs et l’épicerie du coin. La quatrième, intégrer la résilience dans nos modèles économiques. Et je termine avec une phrase de l’auteur de La Peste, Albert Camus. : «Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse» . ◆

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