FNH N° 1168

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FINANCES NEWS HEBDO / JEUDI 10 OCTOBRE 2024

BOURSE & FINANCES

Un équilibre délicat Pour préserver sa stabilité financière, le Maroc doit accélérer la mise en œuvre des réformes qui encouragent la diversification des actifs bancaires, tout en réduisant la dépendance excessive à la dette souveraine. Par Désy M. L Banques marocaines et dette publique

privé pourrait subir une baisse de l’accès au crédit», prévient le pro- fesseur Alaoui. Ledit rapport met donc en garde contre cette dépendance accrue à la dette publique. L’un des prin- cipaux reproches adressés au Maroc est le manque de diversi- fication des actifs bancaires. Une trop grande concentration sur les titres de l’État, au détriment des crédits au secteur privé, limite la capacité des banques à soutenir l’innovation et la croissance des entreprises privées, essentielles pour dynamiser l’économie. Recommandations pour un système financier plus résilient Pour atténuer ces risques, la Banque mondiale recommande une série de réformes. La trans- parence des expositions à la dette publique doit être renforcée, avec une obligation pour les banques de publier régulièrement des informa- tions détaillées sur leurs avoirs en titres d’État. Cela permettrait une meilleure évaluation des risques et une gestion plus prudente. De plus, il est essentiel de diver- sifier les actifs des banques. Le développement de nouveaux produits financiers, comme les obligations vertes ou des assu- rances contre les risques clima- tiques, pourrait aider les banques à réduire leur dépendance aux titres de l’État tout en soutenant des objectifs de développement durable. La diversification permettrait également de mieux absorber les chocs économiques tout en participant à des projets à long terme favorisant l’économie verte. La promotion des partenariats publics-privés pour le financement de grands projets d’infrastruc- tures pourrait également offrir aux banques des alternatives viables pour équilibrer leurs portefeuilles. La relation entre la dette publique et le secteur bancaire souligne la nécessité de réformes importantes au Maroc. «La dette publique est un outil pour financer le déve- loppement, mais elle ne doit pas devenir un talon d’Achille pour les banques», rappelle le professeur Hachimi Alaoui. ◆

e secteur bancaire marocain fait face à un défi croissant : son exposition grandissante à la dette publique. Cette situation, obser- vée depuis plus de dix ans, sus- cite des inquiétudes quant à la capacité du système financier à résister à d’éventuels chocs éco- nomiques. En 2024, cette situation s’est accentuée. Selon le rapport «Finance and Properity 2024» publié par la Banque mondiale, l’exposition des banques marocaines à la dette publique a augmenté de près de 40% entre 2012 et 2024. Les banques détiennent désormais une part considérable de titres de dettes émis par l’État, ce qui les rend de plus en plus dépendantes de ce dernier comme principal emprunteur. Cette situation, bien qu’apparente comme un levier de stabilité en temps de croissance

économique, se transforme en source de risque en cas de dété- rioration des finances publiques. Hachimi Alaoui, expert en éco- nomie financière et professeur à l’université Ibn Zohr à Agadir, explique que les risques ne se limitent pas à la dette de l’État, mais s’étendent également aux entreprises publiques, particuliè- rement affectées par la hausse des prix de l’énergie et des den- rées alimentaires. La forte inter- connexion entre les banques et la dette publique pourrait engendrer un effet domino en cas de choc budgétaire, menaçant la stabilité financière globale. Cette dépendance accrue a éga- lement été mentionnée dans le récent rapport de l’agence de notation américaine Moody’s Ratings : «une hausse plus mar- quée et plus soutenue de la dette

publique marocaine pourrait exer- cer une pression à la baisse sur le crédit. Cela pourrait être le résultat d’un choc futur ou de demandes de dépenses plus importantes que prévu actuellement, liées à des projets d’infrastructures de grande envergure ou à des réformes ambi- tieuses de la sécurité sociale. La cristallisation des risques de passif éventuel émanant des entreprises publiques ou du secteur bancaire affaiblirait également la solidité budgétaire du Maroc et pèserait sur la notation». Les régulations actuelles encou- ragent les banques à détenir des bons du Trésor, considérés comme des placements sûrs, avec en toile de fond un système finan- cier exposé à un risque souverain accru. «L'évolution des finances publiques est cruciale, car si l'État connaît des difficultés, le secteur

 L’exposition des banques marocaines à la dette publique a augmenté de près de 40% entre 2012 et 2024.

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