FNH N° 1168

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FINANCES NEWS HEBDO / JEUDI 10 OCTOBRE 2024

ECONOMIE

telles que la cupidflation, qui jouent sur l’inertie des prix.

Concurrence, aides de l'État et équilibre des marchés L'intensité concurrentielle reste également au cœur du débat sur la stabilisation de l’inflation. Selon le Conseil de la concur- rence, elle doit permettre d’assu- rer des prix optimaux sur le long terme. Mais l’inflation elle-même peut avoir un effet délétère sur cette concurrence. Les aides de l’État, indispensables dans cer- tains secteurs, doivent impéra- tivement être administrées avec transparence et neutralité pour éviter tout effet de distorsion sur le marché. Par ailleurs, le Conseil attire l’attention sur la tentation des entreprises de coordonner leurs actions pour préserver les marges, ce qui peut entraîner une entente implicite sur les prix, au détriment du consom- mateur. Cette «protection des profits» renforce le phénomène de cupidflation et, à terme, per- turbe le fonctionnement sain des marchés. «À vrai dire, la concurrence est censée jouer un rôle de régulateur naturel. Mais quand ces pratiques se généralisent, on se rend compte que la concurrence n’est plus aussi efficace qu’elle le devrait. Les entreprises, surtout celles spécialisées dans la grande consommation, se calquent sur les stratégies les unes des autres, et le consommateur finit par se retrouver sans véritables alternatives» , note l’économiste. Au final, force est de consta- ter que les effets cumulatifs de la cupidflation, shrinkflation et cheapflation affectent directe- ment le ressenti des ménages. La stagnation des prix, malgré une inflation officiellement en baisse, crée une déconnexion entre les indicateurs écono- miques et la réalité du panier de la ménagère. Pour le consom- mateur, chaque achat devient un calcul : payer plus pour moins, ou payer le même prix pour une qualité inférieure. ◆

 L’inflation ralentit, mais les ménages continuent de subir des prix élevés en raison de certaines pratiques qui protègent les marges des entreprises.

notamment dénoncée par la Fédération marocaine des droits du consommateur. Enfin, la cheapflation – du mot anglais «cheap» signifiant «bon marché» – remplace les ingré- dients d’un produit par des composants moins coûteux ou de moindre qualité, sans ajus- tement du prix. Par exemple, un chocolat peut ainsi conte- nir moins de cacao et plus de substituts sucrés, ou un savon moins de matières premières naturelles. Les consommateurs, eux, restent souvent dans le flou quant aux réelles modifications du produit. «Dans le contexte marocain, il y a aussi un facteur culturel : les consommateurs ont tendance à accepter ces hausses de prix ou ces réductions de quantité sans trop se plaindre. Les entreprises le savent et en profitent en imposant ces techniques. C’est

l'accumulation de hausses anté- rieures et des ajustements pro- gressifs des tarifs. La modération de cette infla- tion tient également au ralen- tissement du crédit accordé aux ménages, conséquence d'un resserrement de la poli- tique monétaire. En 2023, la croissance des crédits est ainsi passée de 3,6% en 2022 à 2%, freinant l’effet de levier sur la consommation et favorisant une désinflation relative. Néanmoins, le phénomène reste fragile, car la baisse de l'inflation n'a pas encore impacté les prix au détail. La perception d’une inflation persistante contribue à alimen- ter des pratiques opportunistes,

un cercle vicieux : tant que les clients ne protestent pas ou ne changent pas de marques, ces pratiques continueront d’exister. C’est pourquoi la cupidflation ou la shrinkflation passent souvent inaperçues; les consommateurs se disent que c’est ‘comme ça’ et finissent par ajuster leurs habitudes de consommation en silence», ajoute el Fadili. La désinflation à nuancer Sur un autre registre, le rapport du Conseil de la concurrence souligne que la légère reprise de la consommation des ménages en 2023 aurait pu exercer une pression haussière sur les prix. Toutefois, cette consommation est restée en deçà du seuil néces- saire pour provoquer un excès de demande. Paradoxalement, malgré une inflation à 1,7%, les prix continuent de paraître éle- vés aux ménages, en raison de

Malgré la désinflation, la hausse des prix accumulée ces dernières années reste perceptible au quotidien, et affecte directe- ment le pouvoir d'achat des consommateurs.

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