FNH N° 1168

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FINANCES NEWS HEBDO / JEUDI 10 OCTOBRE 2024

ECONOMIE

F.N.H. : Dans quelle mesure la population marocaine devrait se fier aux pré- visions économiques compte tenu de leur incer- titude qui découle d’une dépendance d’aléas clima- tiques ou de catastrophes naturelles ? R. A. : Avant de répondre à votre question, je rappelle que la prévision macroécono- mique, notamment celle du PIB potentiel, repose sur le modèle macroéconomique adopté. En revanche, le chiffre avancé par le ministère des Finances intègre plusieurs dimensions, outre la dimension macroéco- nomique. Cela veut dire que ce chiffre relève davantage de considérations politiques que purement économiques, d'où la divergence que l'on constate entre les statistiques avancées par nos institutions publiques. Pour revenir à la question, je signale que la volatilité des variables macroéconomiques, que ce soit au niveau mondial ou local, est prise en considé- ration lors de l'élaboration de la prévision économique, aussi bien pour le PIB potentiel que pour les autres variables pré- dictives. Par conséquent, la popula- tion marocaine devrait se fier aux chiffres émis par l'institu- tion dont les prédictions éco- nomiques sont les plus fiables avec un intervalle de confiance raisonnable. Tout en signalant que les prévi- sions du PIB potentiel pour l'an- née 2025 ont convergé entre la Banque centrale et le ministère de l’Economie et des Finances. F.N.H. : Le PLF 2024 pré- voyait une valeur ajoutée agricole à 5,9% actualisée à -1,8%, et l’on table sur 11% au titre de la Loi de Finances 2025. Comment analysez-vous cet écart ? R. A. : En effet, l'écart souligné de 1,8% présente un gap consi- dérable qui remet en question la pertinence des indicateurs macroéconomiques avancés

 Cette hausse de 4,6% est principalement attribuable à un rebond substantiel de la valeur ajoutée agricole, sous l’hypothèse d’une campagne agricole moyenne.

lors de l'élaboration du PLF, particulièrement si l’on compare à nouveau les chiffres avan- cés par le PLF à ceux de Bank Al-Maghrib. On peut remarquer que BAM prévoit une crois- sance de 8,6% de la valeur ajoutée agricole en 2025 face à 11% déclarés par le PLF pour la même année. Une divergence remarquable, due premièrement au modèle prédictif adopté, et en second lieu à l’hypothèse d’une aug- mentation de la productivité agricole attendue, qui est esti- mée à 70 millions de quintaux. En outre, si l’on met en avant toutes les difficultés relatives à la pluviométrie et l'héritage des années de sécheresse, cela rend la prévision d'une valeur ajoutée de 11% pour l'année à venir, un chiffre optimiste plus que réaliste. F.N.H. : Dans ce cas, le passage de 3,3% en 2024 à 4,6% en 2025 est-ce réaliste, compte tenu que le Maroc a sur sa table des sujets de fond, tels que la réforme du secteur agri- cole secoué par la crise hydrique, et le chômage qui devient de plus en plus alarmant ? R. A. : Conscient des incer- titudes liées aux aléas natu- rels et aux insuffisances des

ressources des nappes phréa- tiques, le Maroc a su diversifier les composantes de son PIB, notamment celle non agricole. Un élément qui continue son amélioration remarquable en 2024 et 2025, tirée essentielle- ment par les industries manu- facturières et extractives ainsi que par les activités liées au tourisme. Par conséquent, si l’on prend en considération ce change- ment de modèle de dévelop- pement basé sur les activités non agricoles, la prédiction de l'évolution haussière du taux de croissance économique marocain reste justifiée. Tout en soulignant que le taux de croissance moyen annuel de l’économie marocaine n’a pas encore atteint le niveau des pays émergents dont le PIB est composé des activités à haute valeur ajoutée. Ce qui veut dire que l’orientation de la politique économique vers cette diversité des activités non agricoles est très louable, mais insuffisante pour muter vers des taux de croissance souhaités.

F.N.H. : Plusieurs réformes sont définies dans cette note de cadrage, à savoir la réforme de l’IR, la fis- calité verte, la fiscalité des hydrocarbures. Ces réformes apporteront- elles des réponses adé- quates à des sujets qui sont alarmants, notam- ment le chômage ? R. A. : Tout à fait, les efforts déployés au niveau de la fis- calité sont louables, car ils reflètent une volonté politique d’alléger la pression fiscale sur les entreprises, de favoriser l’économie verte et aussi de promouvoir le pouvoir d’achat des salariés. Toutefois, cela reste insuffisant, particulière- ment face aux fléaux socio- économiques d’envergure structurelle, tels que le chô- mage. D’ailleurs, le dernier chiffre de cette année sou- ligne un taux de chômage atteignant 13,6%, un taux à la fois alarmant et inquiétant, qui soulève la question de l’effica- cité de l’action publique dans son intégralité. Et qui rappelle la nécessité de préparer un capital humain capable d’ac- compagner et de surmonter les nouveaux challenges des activités du secteur non agri- cole, particulièrement l’écono- mie numérique et de l’innova- tion. ◆

Le taux prévu de la croissance nationale est de 4,6% en 2025, mais les hypothèses fondatrices de cette prévision sont basées sur des variables macroéconomiques très volatiles.

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