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FINANCES NEWS HEBDO / JEUDI 10 OCTOBRE 2024

ECONOMIE

aucune visibilité. Le principe d’un procès dans un délai rai- sonnable est à la fois consti- tutionnel et juridique, et il s'agit d'un droit fondamen- tal. Malheureusement, une personne poursuivie pour un simple délit peut se retrouver en détention provisoire pen- dant 5 à 7 mois, alors que son dossier aurait dû être jugé dans un délai précis et raisonnable », souligne le docteur en droit. Cette situation a des répercus- sions directes non seulement sur le système judiciaire, mais également sur les avocats, dont 70 à 73% se retrouvent dans une situation financière difficile à cause de la paraly- sie du secteur, apprend-on de source sûre. «La situation difficile que ren- contrent la majorité des avo- cats à raison de 70 à 73% en raison des crises, souligne l'im- pact profond que les pertur- bations du système judiciaire peuvent avoir sur les profes- sionnels du droit. Les retards dans les procédures judiciaires et la paralysie des tribunaux peuvent réduire le nombre de cas traités, affectant directe- ment les revenus des avocats qui dépendent de la progres- sion des affaires pour leur sub- sistance. De plus, ces crises peuvent également accroître le stress et l'incertitude pro- fessionnelle, rendant la pra- tique du droit plus complexe et moins prévisible. Cela met en évidence la nécessité de réformes pour améliorer l'effi- cacité du système judiciaire, afin de soutenir non seulement les justiciables, mais aussi les professionnels du droit qui jouent un rôle crucial dans le fonctionnement de la justice» , détaille Me Abdelhakim El Kadiri Boutchich, juge près la Cour internationale de résolu- tion des différends «Incodir» à Londres. Les «robes noires», représen- tées par l'Association des bar- reaux du Maroc, ont alors pris position. Le 3 octobre 2024, les avocats ont décidé de boycot-

 Les retards dans le traitement des affaires peuvent entraîner des perturbations financières, ce qui peut nuire à la stabilité des entreprises.

ter les audiences pénales pen- dant deux semaines, sauf pour les délais légaux, et d'organiser des manifestations hebdoma- daires dans divers tribunaux. Leur démarche est le reflet d'un profond mécontentement face à l'absence d'initiatives sérieuses pour améliorer les conditions de travail dans le secteur de la justice. Perturbations financières Par ailleurs, la paralysie des tri- bunaux a un impact significatif sur les entreprises marocaines, surtout celles impliquées dans des litiges commerciaux. «Les retards dans le traitement des affaires peuvent entraîner des perturbations financières, des difficultés à faire respecter les contrats et un manque de résolution rapide des conflits, ce qui peut nuire à la planifica- tion et à la stabilité des entre- prises. La digitalisation du sys- tème judiciaire pourrait effecti- vement contribuer à améliorer l'efficacité des tribunaux en accélérant le traitement des affaires, en réduisant les délais et en rendant le système plus accessible et transparent» , fait savoir Me Abdelhakim El Kadiri Boutchich. Notons que les retards accu- mulés dans le système judi-

ciaire peuvent aussi entraîner un risque de perte de confiance dans la justice marocaine à long terme. Ce qui évidemment n’est pas sans conséquences sur les investissements étran- gers au Maroc. «Les retards dans le système judiciaire marocain peuvent nuire à la confiance et affecter la réputation internationale du pays, réduisant son attractivité pour les investisseurs étran- gers. Ceux-ci recherchent des environnements offrant une résolution rapide et équitable des litiges. L'arbitrage, grâce à sa rapidité, sa confidentialité et sa flexibilité, renforce cette confiance en étant une alter- native efficace aux procédures judiciaires traditionnelles. En améliorant l'accès à l'arbitrage, le Maroc peut rehausser sa réputation et attirer plus d'in- vestissements, assurant ainsi une protection et une réso- lution efficace des différends pour les investisseurs» , renché- rit Boutchich.

Tuer la confiance Pour sa part, Me Omar Mahmoud Bendjelloun, docteur en droit international, avocat et univer- sitaire, précise que «le respon- sable de la crise est le gouver- nement, notamment avec ses révisions législatives en matière de procédures civiles et pénales et de professions judiciaires qui changent dans le mauvais sens le visage et le fonctionnement de la justice. C'est cette offensive, notamment attentatoire au pro- cès équitable, à la défense des justiciables individus et entre- prises, à l'avocature, qui conti- nue de tuer la confiance entre la société et la justice, et donc aussi entre la société et l'Etat» . Le 5 octobre 2024, l’Ordre natio- nal des huissiers de justice a tenu une assemblée générale extraordinaire à Rabat. Les membres ont décidé de mener une grève nationale d’avertisse- ment d’une semaine du 14 au 19 octobre, ainsi qu’une suspen- sion des notifications dans les affaires correctionnelles à partir du 21 octobre. Cette mobilisa- tion s’inscrit dans un contexte où les projets de loi récents ne répondent pas aux attentes des huissiers de justice, et où des préoccupations sur leurs droits et dignité pro fessionnelle sont clairement exprimées. ◆

Les magistrats, confrontés à une charge de travail insurmontable, doivent juger une cinquantaine de dossiers en seulement deux ou trois jours.

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