FNH N° 1168

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JEUDI 10 OCTOBRE 2024 / FINANCES NEWS HEBDO

POLITIQUE

Maroc-France

Le test migratoire

Emmanuel Macron est attendu au Maroc fin octobre, signe d’un réchauffement diplomatique après des mois de tensions entre Rabat et Paris. Mais sous le vernis des retrouvailles, un sujet brûlant pourrait raviver les frictions : la politique migratoire française, de plus en plus restrictive.

L

Par D. William

a visite prochaine du président français Emmanuel Macron au Maroc, prévue pour fin octobre, est le symbole du vent chaud qui circule désormais entre Rabat et Paris, après une longue période de tensions diplomatiques. Pourtant, une question épineuse pourrait sérieusement compromettre ce vent d’apaisement : la politique migratoire française, qui s’est considérablement endurcie sous l’impulsion du nouveau gouvernement. Une politique qui risque de faire grincer des dents dans les cercles diplo- matiques marocains. A écou- ter Michel Barnier, tout semble très simple : la France, confron- tée à une immigration qu'elle ne parvient plus à contrôler, n’a d’autre choix que de serrer la vis. «Nous devons regarder la question de l'immigration avec lucidité et l'affronter avec

pragmatisme. L'an dernier, 2,5 millions de visas ont été accordés à des ressortissants étrangers. Chaque année, plus de 150.000 demandes d'asile sont enregistrées, dont les deux tiers en moyenne sont rejetés. Chaque année, plus de 100.000 obligations de quitter le territoire français (OQTF) sont prononcées, mais des dizaines de milliers de migrants en situation irrégulière se main- tiennent indûment sur notre territoire. Nous ne maîtrisons donc plus de manière satisfaisante notre politique migratoire», a-t-il déclaré récemment à l’Assem- blée nationale. Le Premier ministre ne mâche pas ses mots, tout en essayant d’appa- raître pragmatique. Son mes- sage? «Le gouvernement ne s'interdira pas de conditionner davantage l'octroi de visas à l'obtention de laissez-passer consulaires nécessaires aux reconduites à la frontière» , dit-il, précisant que «nous poursuivrons les discussions déjà engagées avec les pays concernés par des accords bilatéraux conclus de longue

Vers de nouvelles tensions ?

date, parfois de très longue date, lorsqu'ils ne corres- pondent plus aux réalités d'au- jourd'hui». Bruno Retailleau, de son côté, a ajouté une couche supplémen- taire de fermeté. Le ministre de l’Intérieur est clairement en faveur d’une approche mus- clée en matière de migration. Dans une interview accordée au Figaro magazine, il a dressé le tableau d’une France trop généreuse dans l’octroi des visas, citant entre autres le cas du Maroc qui, selon lui, a obte- nu plus de 238.750 visas en 2023, mais n’a délivré «que 725 laissez-passer» consulaires en retour. «Nous sommes trop généreux sans être payés en retour», a-t-il lancé, non sans faire savoir le retour des char- ters (vols groupés) et des pres- sions qui pourraient être exer- cées sur les pays peu enclins à délivrer des OQTF, via notam- ment l’aide au développement.

La restriction de visas envisa- gée par les autorités françaises peut être appréhendée comme une solution qui paraît frap- pée au coin du bon sens, sauf lorsqu'on examine de plus près ce qu’elle signifie pour un pays comme le Maroc. Rappelons- nous que cette affaire des visas avait déjà contribué à empoisonner les relations entre Rabat et Paris. En effet, le 28 septembre 2021, la France décidait de durcir les condi- tions d'obtention des visas à l'égard du Maroc, de l'Algérie et de la Tunisie. Motif: ces pays «refusent» de délivrer les lais- sez-passer consulaires néces- saires au retour des immigrés refoulés de France. Médecins, opérateurs économiques, sala- riés, étudiants…, personne n’a été épargnée par ce que tout le monde qualifiait de chan- tage au visa. Ce n’est qu’en

Selon Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, le Maroc a obtenu plus de 238.750 visas en 2023, mais n’a délivré «que 725 laissez-passer» consulaires en retour.

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