FNH N° 1168

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FINANCES NEWS HEBDO / JEUDI 10 OCTOBRE 2024

POLITIQUE

pour endiguer les migrations clandestines. Dans ce cadre, le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l'étran- ger, Nasser Bourita, a rappe- lé mardi à Rabat, lors d’un point de presse à l’issue de ses entretiens avec le pré- sident du gouvernement régio- nal des Iles Canaries, Fernando Clavijo, que «la politique migra- toire définie par Sa Majesté le Roi Mohammed VI est fondée sur la responsabilité partagée, le combat contre les stéréo- types et la mobilisation contre les réseaux de trafic d’êtres humains». Selon, «le Royaume du Maroc n’a pas de leçons à recevoir et assume pleinement ses responsabilités en matière de lutte contre l’immigration clandestine» , tout en précisant que cette problématique «est une responsabilité commune entre les pays d’origine, de passage et de destination». En cela, ajoute-t-il, le Maroc est disposé à rapatrier tout migrant clandestin à condition qu'il soit marocain et qu’il ait pris son départ depuis le territoire maro- cain, tout en s’interrogeant si

l’autre partie est disposée à faire de même. Bref, c’est dire que dans l’ombre de la visite au Maroc d’Emmanuel Macron, qui vient saluer un allié histo- rique, la question migratoire risque de planer sur les dis- cussions. Même s’il est vrai qu’entre Rabat et Paris, les relations dépassent largement le seul cadre migratoire : elles englobent des questions stra- tégiques majeures comme le Sahara marocain, des projets économiques d’envergure, la sécurité régionale (notamment la lutte contre le terrorisme)… qui, sans aucun doute, occu- peront une place centrale dans les échanges. En fin de compte, la question migratoire, aussi sensible soit- elle, ne devrait pas être le seul prisme à travers lequel s’envi- sage la coopération bilatérale. Surtout quand on sait que, dans les faits, la nouvelle politique migratoire française semble plus soucieuse de répondre aux préoccupations internes, à savoir apaiser une partie de l'opinion publique, que d’ap- porter une solution durable aux défis migratoires. ◆

 Michel Barnier : «Le gouvernement ne s'interdira pas de conditionner davantage l'octroi de visas à l'obtention de laissez-passer consulaires nécessaires aux reconduites à la frontière».

décembre 2022 que cette crise, qui a pourri les relations bila- térales pendant plus d’un an, a pris fin, à l’occasion de la visite effectuée au Maroc par la ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna. S’achemine-t-on alors vers un nouveau bras de fer diploma- tique ? Le durcissement de la politique migratoire fran- çaise est loin d'être un sujet mineur. Ce pays doit composer avec des flux migratoires en constante augmentation, tout en respectant ses obligations internationales. Mais si l’Hexa- gone compte sur la coopéra- tion des pays du Maghreb pour contrôler ces flux, il est essen- tiel que cette dernière ne soit pas perçue comme unilatérale ou dictée par un rapport de force déséquilibré, voire que cela s’apparente à un chantage déguisé. Et ce d’autant qu’avec une approche coercitive, Paris risque de s’aliéner un parte-

naire clé en Méditerranée, le Maroc en l’occurrence, dont la coopération est essentielle

Dérive raciste

Jadis perçue comme une question complexe et nuancée, la politique migratoire française semble se muer en un instrument de stigmatisation facile. La France s’enfonce de plus en plus dans une dérive populiste, écartant tout humanisme au profit d’un discours où la xénophobie n'est plus cachée mais assumée, voire encouragée. Entre propos anti-immigrés sur fond de «grand remplacement» et déclarations incendiaires de certains politiciens, l’Hexagone se dote peu à peu d’un arsenal verbal et poli- tique qui flirte avec le nationalisme exacerbé. Le débat public est désormais imprégné de termes qui font écho aux discours des années noires de l’histoire européenne. Cette rhétorique ne se contente pas de diviser la population : elle insinue insidieu- sement que l'immigration est la source de tous les maux, du chômage à l'insécurité, en passant par l'identité nationale. D’ailleurs, le chef de la diplomatie marocaine ne s’y trompe pas lorsqu’il affirme que la question migratoire occupe une grande partie de l’agenda politique intérieur dans certains pays européens, et est même érigé «en fonds de commerce populiste» avec un discours alarmiste et suscitant la peur. En laissant croire à une population désabusée que les difficultés qu'elle rencontre sont imputables aux étrangers, on détourne le regard des vraies questions : une économie vacillante, des inégalités croissantes et une classe politique qui se crêpe les chignons, bien trop occupée à se chercher des boucs émissaires qu’à se remettre en question. Cette logique de victimisation de l’immigrant est d’autant plus pernicieuse qu’elle occulte les facteurs socioéconomiques profonds et bien réels qui affectent la société française. Laquelle s’enferme de plus en plus dans une vision étriquée et autoritaire, où l'altérité devient un fardeau. Avec ce glissement vers une intolérance normalisée et ce repli identitaire, en apparence politique, la France ouvre la voie à une fracture sociale qui ne cesse de s’élargir, alimentant frustrations et ressentiments. En pointant du doigt les migrants, le gouvernement prépare ainsi un terreau fertile où les idéologies nationalistes et les discours haineux prospèrent. Il valide et renforce les discours alarmistes et simplistes qui prônent l'exclusion au nom de la «préservation» de l'identité nationale. Ce qui offre une légitimité inattendue aux partis les plus radicaux, leur permettant de se poser en protecteurs de la «vraie France» face à un prétendu envahisseur. De fait, l'extrême droite trouve là un écho à ses propres thèses, amplifiant ainsi son influence et normalisant des positions autrefois marginales.

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