FNH N° 1026 _1

C ULTURE

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JEUDI 10 ET VENDREDI 11 JUIN 2021 FINANCES NEWS HEBDO

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Exposition

◆ So Art Gallery propose un panorama des travaux majeurs de l'artiste peintre et graveur Malika Agueznay. Ses récentes œuvres exploitent différentes techniques. Hé, voilà une abstraction ni arrogante ni froide ! L a femme a décidé de se faire voir dans le monde des arts à un moment même où les hommes hésitaient zinc ou sur cuivre), technique dans laquelle Malika semble avoir trouvé son bonheur. Par R. K. Houdaïfa

impossible, de reconnaître des éléments du monde extérieur, il ne sera pas dit qu’elles lais- seront longtemps l’apanage du genre à leurs pairs masculins. Ainsi, une kyrielle d’entre elles, issues des grandes écoles des beaux-arts, nourries au lait de la peinture et de souche cita- dine, ont choisi les chemins de l’abstraction. Douceur et mysticisme Après des études médico- sociales et de droit, Malika Agueznay, née en 1938 à Marrakech, avait suivi son penchant naturel pour la peinture en s'inscrivant, en 1966, à l’Ecole des beaux- arts de Casablanca. Elle y participa activement à l’orien- tation artistique donnée par Belkahia, Chebaa et Melehi à cette époque-là. « J’y étais alors affectée comme pro- fesseur pour initier les élèves dans la connaissance des tra- ditions artistiques du Maroc, dans le cadre de l’histoire de

l’art. Malika se distinguait des autres élèves…Il s’est avéré bien vite qu’elle était moti- vée par une véritable vocation d’artiste et qu’elle était intéres- sée par le travail dans les diffé- rents ateliers », se souvient son ami, l’anthropologue Bert Flint. Ce qui fut fait en 1978 avec sa participation active au premier atelier des arts de la gravure sous les directives du Polonais R. Artymowski, commencé alors pendant le Moussem culturel et artistique d’Assilah. Dans le dessein de parfaire sa technique, l’artiste, une jeune maman, se mit à écumer les ateliers de graveurs new-yor- kais (du Soudanais Mohamad Omar Khalil, Krishna Ready et Robert Blackburn), avant de s’arrimer à celui parisien de l’Atelier 17. Elle est également restée fidèle au Moussem d’Assilah et à son atelier de gravure. Elle y revient chaque année… A la fin des douloureuses seventies, Malika Agueznay franchit le Rubicon avec un motif océanique qui res- semble à une algue. Et, n’en est pas une, d’autant plus qu’elle n’est ni un motif décoratif, n’exprime ni ne connote aucune signification archétypale ou totémique. Malika ne se sai- sit d’elle qu’à des fins stricte- ment plastiques. Plasticienne accomplie, elle la déploie en une très originale variété de structures, techniques et com- positions, tout en l’adaptant à la fois à des supports variés : fresques; toiles; gravures (sur

Depuis plus d’un demi-siècle, le motif de l’algue ne cesse de se renouveler. Malika lui confère de nombreuses variantes et formes géomé- triques aux contours nets, tantôt dans une profusion de segments ondulés, de courbes entrelacées – que l’on peut aussi apparenter aux courbes du corps féminin ou encore à la multiplication des cellules. A cette figure abstraite dont elle explore tout le poten- tiel plastique, Malika ajoute celle de l’entrelac. Le sens de l’équilibre entre la surface la préoccupe, le volume et la matière la tourmentent. Les couleurs franches et chaudes, lumineuses et claires, viennent rehausser les formes. « Malika a dû sentir que ses algues constituaient une sorte d’écri- ture, aussi y mêla-t-elle l’écri- ture arabe en ‘l’alguisant’ (dixit B. Flint) . » L’ajout de la calligra- phie et l’insertion de la lettre sacrée qui se dévoile devant l’œil sous un autre aspect confèrent à l’ensemble une vive vibration... L’œuvre de Malika masque jalousement les significations profondes, par un jeu de voiles impénétrables qu’il convient de picorer d’yeux, de décryp- ter, de méditer spéculative- ment si l’on désire en pénétrer l’intimité. ◆ *Expo solo-show, jusqu’au 2 juillet, à So Art Gallery, à Casablanca.

encore à se jeter à l’eau. En autodidacte, elle a pris part à des expositions depuis le début avec une fraîcheur colo- rée. Confinée d’abord dans la peinture naïve, puis histoire de montrer que la «naïveté» n’est pas inscrite dans ses gènes féminins; que la carte postale n’est pas sa tasse de thé; que l’orientalisme de bas étage ne la tente guère, la figura- tion lui semble appropriée au message qu’elle désire trans- mettre. Cependant, il n’y a pas lieu d’isoler toutes les femmes dans ce registre. Quoiqu’en matière abstraite, elles ont été accusées de retard par rap- port aux hommes. Si elles ont d’abord résisté à l’attrait des tableaux où il est difficile, voire

A la fin des douloureuses seventies, Malika Agueznay franchit le Rubicon avec un motif océanique qui ressemble à une algue.

Une œuvre de Malika. «Sans titre, 2013», huile sur toile, 80 x 100 cm.

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