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FINANCES NEWS HEBDO
JEUDI 21 SEPTEMBRE 2023
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Festival
◆ Face à la tragédie que traverse notre pays, la fondation Esprit de Fès renvoie aux calendes grecques la 27 ème édition de son festival dédié aux Musiques sacrées du monde, qui devait initialement se dérouler du 15 au 23 septembre. Retour sur une réussite. Aux racines, des «musiques sacrées»
En ce mois de septembre empreint de tristesse, de pleurs et de sueurs froides, il semble incongru de se plonger dans «Histoire du rire et de la dérision» (Fayard, 626 pages). Cependant, cette œuvre est tout sauf hilarante, arbo- rant une tonalité grave, sérieuse et dis- tante, en parfaite adéquation avec son sujet, qui, il faut le souligner, n’est pas bidonnant pour un sou. L'auteur, Georges Minois, nous rap- pelle avec finesse que le rire, en tant que phénomène complexe, a constam- ment intrigué les philosophes, les- quels en ont esquissé un portrait peu réjouissant. Nietzsche, par exemple, avance que « l’homme souffre si pro- fondément qu’il a dû inventer le rire. L’animal le plus malheureux et le plus mélancolique est, comme de bien entendu, le plus allègr e». En vérité, le rire le plus sincère serait qu'un «contre-sanglot» plutôt qu’une manifestation spontanée de gaieté, dont l’homme n’est pas doué. Après avoir été ostracisé par les reli- gions monothéistes, bouté hors les enceintes parlementaires et soumis à de nombreuses disgrâces et excommu- nications, le rire est redevenu «l'apa- nage de l'homme» à notre époque que Georges Minois qualifiait de «l'ère de la dérision universelle». Les annonceurs, les politiciens et les chefs d'État adoptent désormais un ton léger pour attraper dans leurs filets les gogos. On se gondole à tous les étages. On se jette des tartes et on en prend sur la figure, avec le sourire. Toutefois, Minois observait que plus grand est le doute, plus tonitruant s'efforce d'être le rire. Ainsi, le rire contempo- rain serait l'expression de la non-joie. C’est triste ! HUMEUR RIRE ET ‘SANS-RÉJOUIR’
Les organisateurs avaient matérialisé ce Festival en une formule qui favorise la réception de l’Autre.
éthérée et la plus pure de toutes celles dont les arts tirent leur matière : le son. La musique s‘insinue dans notre être intime pour en révéler les aspirations secrètes. Si Bach et Mozart élèvent nos âmes, d'autres musiques, judicieusement qualifiées de «sacrées», nous invitent à la méditation, réveillant en nous un désir irrépressible de retour à l'état paradisiaque. « Le sacré est en quelque sorte l’âme d’un peuple. Or, aucun langage ne peut dévoiler l’âme d’un peuple comme le fait la musique. C’est-à- dire d’une manière vraie, directe », comme l’a si justement affirmé Faouzi. Au commencement, une rencontre En grande partie, c'est grâce à cet anthro- pologue distingué, mystique intransigeant et fervent défenseur du dialogue intercon- fessionnel, que ce qui n'était au départ qu'un vœu pieux prit une forme tangible. C’est en 1991, alors que l’incendie de la première guerre du Golfe venait de s’éteindre, que fut entonné le prélude du Festival de Fès. Un prélude délibérément savant, puisque revêtant la forme d’un séminaire intitulé «Voix d’Afrique, l’ensei- gnement du désert». La présence de bril- lants chercheurs et la haute tenue des diverses interventions en firent un succès.
F ondée par le sixième descen- dant du Prophète, Moulay Idriss, Fès a toujours cultivé sa voca- tion religieuse, qui se manifeste par le nombre de mosquées éle- vées (785 au XIII ème siècle) et de médersas, ces fondations pieuses qui dispensent des cours de théologie et d’exégèse du Coran. La capitale spirituelle possédait surtout une vertu rare : la tolérance, dont la prestigieuse Karaouiyine en était le symbole. Diverses traditions spirituelles s’y côtoyaient : L’islam avec Ibn Arabi, le judaïsme incarné par Maïmonide (une plaque signale la maison où il a vécu) et le christianisme illustré par Gerbert d’Aurillac, devenu pape à la fin du IX ème siècle sous le nom de Sylvestre II. « Il y avait une synergie des cultures héritée de la tradition anda- louse , explique Faouzi Skali. De ce fait, il importait de réactiver la potentialité exis- tante. D’autant plus que notre époque a besoin, de façon vitale, de ces liens réels ». C’est ainsi que depuis 1994 se déroule à Fès un festival d'une exceptionnelle nature : le Festival des musiques sacrées du monde. Une manifestation tissée de la substance la plus immatérielle, la plus Par R. K. Houdaïfa
Le Festival des musiques sacrées du monde, une manifestation tissée de la substance la plus immaté- rielle, la plus éthérée et la plus pure de toutes celles dont les arts
tirent leur matière : le son.
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