FNH N° 1188

DEVELOPPEMENT DURABLE 26

FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 13 MARS 2025

Hydrogène vert «Une véritable opportunité pour opérer les meilleurs choix technologiques»

ne pourra être prise qu’après les résultats du projet pilote. Dans ce secteur, on ne calcule pas le coût de revient de l’hydro- gène – qui dépend de l’intermit- tence des renouvelables –, on le mesure sur site. F. N. H. : À votre avis, quel type de financement sera nécessaire pour sou- tenir ces projets à long terme ? Le Maroc pour- rait-il mobiliser ces fonds à travers des partenariats publics-privés, ou faudra- t-il recourir à des sources de financement internatio- nales ? S. G. : Il y a deux aspects dis- tincts : le projet hydrogène pour le Maroc et le projet hydrogène pour l’exportation. Le projet hydrogène destiné au Maroc est encadré par la feuille de route hydrogène de 2021, qui décrit rationnellement les phases de production et d’intégration de cette énergie dans différents secteurs. Nous avons une flexibilité à la fois en termes de délais, de puis- sance et de production. Ainsi, ce que l’on appelle l’«hydrogène Maroc-Maroc» peut être déve- loppé dans le cadre d’un par- tenariat public-privé pour les grands projets, tout en laissant la possibilité à des productions plus modestes, ce que j’appelle l’«hydrogène de proximité». Celui-ci pourrait faire l’objet d’investissements privés maro- cains, sur des capacités de 200 à 500 MW renouvelables. Un troisième marché existe, avec des usages plus spéci- fiques, par exemple pour des sites visant le «tourisme net

Avec l’annonce de six projets d’hydrogène vert dans le Sud pour un investissement total de 319 milliards de DH, le Maroc ambitionne de se positionner comme un acteur clé du marché mondial. Mais ces projets sont-ils réellement viables face aux défis technologiques, financiers et réglementaires ? Entretien avec Saïd Guemra, expert, consultant en énergie.

Propos recueillis par Désy. M.

Finances News Hebdo : Le Maroc vient d’annon- cer la sélection de cinq investisseurs pour six pro- jets d’hydrogène vert dans le Sud, pour un total de 319 milliards de DH. Ce montant vous semble-t-il réaliste au vu des défis existants ? Saïd Guemra : L’annonce de ces six projets est une excel- lente nouvelle, marquant l’en- trée du Maroc dans le domaine de la production d’hydrogène vert. Elle va permettre la mise en place de toute l’infrastructure de stockage et d’exportation de cette énergie. Pour savoir si le montant est réaliste, il faudra convertir l’investissement de 31,9 MM$ en capacité de pro- duction d’hydrogène. Le grand projet Neom, en Arabie saoudite, dispose d’une

puissance de 4 GW pour un investissement de 8,4 MM$, soit un ratio de 2,1 MM$/GW. Ce ratio dépend évidemment de nombreux facteurs : la part de l’éolien, celle du photovol- taïque… mais il reste suffisam- ment représentatif et crédible pour une décision finale d’inves- tissement. Par conséquent, le montant de 31,9 MM$ corres- pondrait à une puissance totale de 15 GW, soit une moyenne de 2,35 GW par projet, ou encore près d’un million de tonnes d’ammoniac par projet et par an, soit 6 MT NH3/an pour l’en- semble des six projets. Cela donne une idée de l’ampleur des projets validés par le comité de pilotage de l’offre hydrogène du Maroc. Une puissance moyenne de 2,35 GW par projet montre que nous ne sommes plus dans la logique des grands projets de

8 à 12 GW. Total Energies avait postulé, il y a deux ou trois ans, pour un projet de 10 GW. Ce projet a finalement été ramené à 1 GW lors de sa signature officielle, avec un démarrage à 0,3 GW. Cela ne signifie pas un manque de financement, mais plutôt que le processus de pro- duction d’hydrogène vert n’est pas encore totalement maîtrisé et que l’on n’est plus dans l’eu- phorie du 1 $/kg d’hydrogène. Les projets présentés au Maroc sont donc de tailles plus modestes et peuvent débuter en dessous de la moyenne de 2,35 GW. Les développeurs com- menceront par une campagne de mesure des performances du vent et du soleil, d’une durée minimale de 12 à 18 mois, avant d’entamer les dimensionne- ments du pilote de production d’hydrogène à 0,3-0,4 GW. La décision finale d’investissement

L’un des atouts de ces premiers investissements est qu’ils permettront au Maroc d’acquérir une précieuse courbe d’apprentissage, essentielle pour bâtir un cadre réglementaire pertinent.

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