DEVELOPPEMENT DURABLE
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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 13 MARS 2025
zéro», ou encore comme vec- teur de développement des zones rurales. Selon l’envergure de ces projets, les modes de financement différeront. Le deuxième aspect concerne les projets actuellement pré- sentés. Leur financement n’implique pas directement le Maroc: bien que certaines banques marocaines puissent financer une partie des projets, nous restons dans une période de risque de deux à trois ans. Les développeurs de cette envergure disposent de leurs propres sources de finance- ment, qui sont nombreuses. F. N. H. : Vous insistiez sur le manque de pro- jets de démonstration au Maroc. Parmi les consor- tiums sélectionnés, voyez- vous des acteurs capables d’apporter cette expertise et d’accélérer la mise en place d’un projet pilote crédible ? S. G. : J’ai toujours plaidé pour un projet pilote de 30 à 40 MW à Dakhla, conçu comme une vitrine expérimentale en amé- lioration continue, exploitant les performances exception- nelles du vent et du soleil dans cette région. Un tel projet aurait un retour sur investissement, puisque l’ammoniac vert pro- duit pourrait être vendu à l’OCP. La collecte de données est la clé de voûte de ces projets : elle permettrait de mesurer les coûts de production de l’hy- drogène dans des conditions réelles. On pourrait ainsi écono- miser 12 à 18 mois sur la cam- pagne de mesure et 12 mois sur le pilote, soit 2,5 années. Or, c’est bien la mesure du coût de production qui peut débloquer une décision finale d’investisse- ment, tout en assurant une maî- trise marocaine du processus. Cela permettrait d’attirer les grands investisseurs mondiaux, grâce à un travail scientifique rigoureux. Un haut responsable féminin de l’administration marocaine
Saïd Guemra : «Les giga-projets de 10 à 15 GW que nous espérons voir émerger au Maroc dans cinq ou six ans équivaudront à ces six projets réunis».
Finalement, ces premiers pro- jets vont ouvrir la voie à une réflexion approfondie sur tous ces aspects. F. N. H. : Selon vous, quel serait le signal le plus fort prouvant que ces annonces se traduisent en projets concrets et cré- dibles dans les années à venir ? S. G. : Le signal fort, c’est que ces projets sont modestes, réalistes et qu’ils prennent un risque mesuré. Les giga-projets de 10 à 15 GW que nous espé- rons voir émerger au Maroc dans cinq ou six ans équivau- dront à ces six projets réunis. Les investisseurs vont chercher à comprendre et à améliorer le processus de production d’hy- drogène, ce qui est une chance pour le Maroc. Par ailleurs, nous n’avons pas encore évoqué l’in- tégration industrielle des équi- pements renouvelables : elle pourrait permettre au Maroc de réduire le coût des génératrices éoliennes, des électrolyseurs et des batteries, qui constituent la part la plus importante du prix de revient de l’hydrogène. Il n’est donc pas exclu que nous atteignions le coût théorique de 1 $/kg bien avant 2050. ◆
disait justement qu’il ne faut pas entrer trop tard sur le mar- ché de l’hydrogène… mais pas trop tôt non plus. À la lumière de ces éléments, nous devons encore attendre avant de lancer notre feuille de route hydro- gène. Cependant, les pro- jets pilotes des développeurs seront extrêmement utiles pour les futurs projets «hydrogène Maroc-Maroc» : c’est une véri- table opportunité pour opérer les meilleurs choix technolo- giques. F. N. H. : Les consortiums impliquent de grandes entreprises internatio- nales. Pensez-vous que le cadre juridique et l’infras- tructure actuelle du Maroc sont suffisants pour garan- tir un développement effectif de ces projets ? S. G. : À ce jour, nous ne disposons pas encore d’une réglementation permettant à un camion hydrogène de circuler sur nos routes et autoroutes. En revanche, nous avons bien une «offre hydrogène» qui encadre les investissements et accom- pagne les développeurs. L’État suit d’ailleurs ces projets de près pour s’assurer de leur bon déroulement.
Selon moi, la réglementation marocaine devra être construite en harmonie avec la chaîne de valeur de l’hydrogène, qu’il soit destiné au marché local ou à l’export. L’un des atouts de ces premiers investisse- ments est qu’ils permettront au Maroc d’acquérir une précieuse courbe d’apprentissage, essen- tielle pour bâtir un cadre régle- mentaire pertinent. Nous aurons une diversité de cas à gérer : exportation d’ammoniac et de carburants verts, hydrogène liquide, appro- visionnement des navires, usages industriels sur site, marché marocain… Il s’agit d’un sujet de réglementation complexe, qui devra aussi tenir compte des cadres législatifs en vigueur dans d’autres pays. Nous n’avons donc pas intérêt à élaborer une réglementation hâtive. Quant aux infrastructures, elles seront construites en fonction de la localisation des projets et des ports d’exportation.
Les cinq investisseurs sélectionnés vont chercher à comprendre et à améliorer le processus de production d’hydrogène, ce qui est une chance pour le Maroc.
Avec la participation de
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