BOURSE & FINANCES
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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 25 DÉCEMBRE 2025
Gouvernance «Le climat est désormais discuté au niveau des comités exécutifs et des CA de nombreuses entreprises cotées»
lité des données publiées limitent encore leur prise en compte à l’échelle du marché. Au-delà du cadre réglementaire, les indices constituent des ins- truments de marché structu- rants. L’initiative de la Bourse de Casablanca, à travers la notation ESG servant de base à l’indice ESG 20, constitue à cet égard une excellente pratique. Une piste complémentaire consisterait à développer un indice spécifique- ment dédié au climat, valorisant les entreprises les plus matures en matière de décarbonation et de gestion des risques climatiques, à l’image du CAC SBT 1.5, qui dis- tingue les entreprises engagées sur des trajectoires compatibles avec l’Accord de Paris. L’auto-régulation conserve un rôle d’innovation et d’anticipation, mais gagnerait à être complétée par un cadre réglementaire et de marché plus prescriptif, fournissant aux analystes et aux investisseurs des bases communes, lisibles et com- parables, propices à une montée en puissance. F. N. H. : Seules 29% des entreprises déclarent avoir réalisé un bilan carbone, souvent partiel. Qu’est-ce qui freine aujourd’hui ce passage à l’acte ? S. H. : Le frein principal tient moins à l’exercice du bilan carbone en tant que tel qu’à ce qu’il implique. Mesurer ses émissions conduit mécaniquement à s’interroger sur une stratégie, une feuille de route et des décisions d’investissement parfois structurantes, avec des retours attendus à moyen ou long terme. Tant que le climat n’est pas pleinement intégré comme un risque économique et financier, cette chaîne de décisions reste
Entre conformité et transformation, le climat s’impose progressivement dans la gouvernance des entreprises cotées marocaines. Dans cette interview, Sofia Harouchi, Regional Lead Utopies Maroc, décrypte les principales tendances en la matière.
Propos recueillis par A. Hlimi
Finances News Hebdo: Votre étude montre des avancées réelles mais très hétéro- gènes. À ce stade, diriez- vous que les entreprises cotées marocaines sont dans une logique de confor- mité ESG ou déjà dans une logique de transformation climatique ? Sofia Harouchi : Les premiers moteurs ont été à la fois régle- mentaires et économiques : anti- cipation de réglementations extra- territoriales comme le Mécanisme d’ajustement carbone aux fron- tières (MACF) pour des secteurs exposés tels que le ciment ou l’acier, pression accrue sur la com- pétitivité liée au coût de l’énergie, exigences croissantes des mar- chés à l’export et des grands don- neurs d’ordre européens engagés dans la décarbonation de leurs chaînes de valeur, mais aussi attentes renforcées des bailleurs de fonds internationaux. Pour autant, on observe récem- ment un changement de mind- set réel. Le climat est désormais
discuté au niveau des comités exécutifs et des Conseils d’admi- nistration de nombreuses entre- prises cotées. Cette prise de conscience progressive ouvre la voie à des stratégies plus struc- turantes, même si le passage à l’échelle reste encore très hété- rogène selon les secteurs et les niveaux de maturité. F. N. H. : Le cadre de repor- ting actuel de l’AMMC reste peu explicite sur le climat. Selon vous, faut-il une obli- gation réglementaire plus prescriptive sur les émis- sions et les trajectoires de décarbonation, ou laisser encore place à l’auto-régu- lation du marché ? S. H. : Une plus grande clarté réglementaire sur les émissions et les trajectoires de décarbona- tion apparaît désormais néces- saire pour créer un socle com- mun, comparable et robuste. À ce titre, l’intégration d’exigences
plus explicites dans la prochaine mise à jour de la circulaire 03/19 de l’AMMC serait un signal struc- turant pour le marché. Cette évolution pourrait utilement dépasser le seul périmètre des entreprises cotées et émettrices, en s’appuyant sur une approche progressive par paliers de chiffre d’affaires et d’effectifs, en ciblant en priorité les secteurs les plus exposés. Elle pourrait par ailleurs s’articuler avec les travaux en cours au Maroc sur l’élaboration d’une taxonomie verte nationale, appelée à devenir un puissant levier d’incitation en orientant les financements vers les activités et les acteurs les plus alignés avec la transition climatique. Ceci aiderait à lever les freins informationnels auxquels sont confrontés les marchés financiers. En effet, si certains analystes et investisseurs intègrent déjà les enjeux climatiques, le manque d’information disponible, l’hétéro- généité et la faible comparabi-
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