ECONOMIE
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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 25 DÉCEMBRE 2025
Maroc - Chine Un rééquilibrage commercial est-il possible ? Fort d’un partenariat stratégique global établi depuis 2016, le Maroc et la Chine ont récemment réaffirmé leur volonté de transformer le dialogue en réalisations concrètes et mutuellement bénéfiques. L’un des objectifs est d’ouvrir les marchés chinois pour tendre vers une balance commerciale plus équilibrée. Par Désy M.
tructures ferroviaires, etc., Pékin s’impose désormais comme un acteur industriel de premier plan au Royaume. «Ces projets sont structurants, créateurs d’emplois qualifiés et porteurs de transfert de compétences», reconnaît Edman. «Ils participent à la diversification du tissu industriel marocain et à son insertion dans des secteurs à forte valeur ajoutée», ajoute-t-il. Cependant, l’économiste met en garde contre une lecture trop opti- miste. «De nombreuses industries chinoises bénéficient de subven- tions publiques importantes, leur permettant de proposer des pro- duits à des coûts difficilement soutenables pour les industriels marocains», avertit-il. Le risque est que cela fragilise les filières locales encore peu capitalisées et accélère une désindustrialisation silencieuse sur certains segments. L’enjeu central réside désormais dans la qualité de l’intégration industrielle. Le Maroc ne veut plus se cantonner à un rôle d’atelier d’assemblage. Or, l’expérience passée montre que les multina- tionales, chinoises comme occi- dentales, ont souvent limité l’in- tégration locale aux maillons les moins rémunérateurs de la chaîne de valeur. Pour y remédier, il plaide pour le développement de joint-ventures réellement intégrées, à l’image de la zone industrielle sino-marocaine de Bni Ykhlef, afin de favoriser le transfert de savoir-faire, la montée en compétences locales et l’émer- gence de pôles d’innovation. Au-delà de l’économie, la relation Maroc-Chine s’inscrit dans un contexte géopolitique plus large, marqué par la recomposition des chaînes de valeur mondiales et la rivalité croissante entre grandes puissances sur le continent afri- cain. « Le risque majeur est celui d’une dépendance excessive, com- merciale et industrielle, qui limi- terait l’autonomie stratégique du Maroc», prévient Hassan Edman. Face à la concurrence chinoise, mais aussi américaine et euro- péenne, le Royaume doit conso- lider sa position de hub régional, notamment en Afrique, sans deve- nir un simple relais logistique ou un marché captif. ◆
Le déficit commercial global du Maroc a atteint 305 Mds de DH
en 2024, dont 86,3 Mds avec la Chine.
A
l’issue de la 7 ème Commission mixte Maroc-Chine tenue récemment, le discours officiel se veut rassurant, avec notamment la volonté par- tagée de renforcer le partenariat «gagnant-gagnant», de faciliter l’accès des produits marocains au marché chinois et d’intensifier des investissements. Toutefois, der- rière cette rhétorique diplomatique, les chiffres montrent un déséqui- libre structurel qui s’aggrave d’an- née en année. Selon les données de l’Office des changes, le déficit commercial glo- bal du Maroc a atteint 305 milliards de dirhams en 2024, dont 86,3 milliards avec la seule Chine, soit près de 28,3% du déficit total. Un chiffre en hausse de 13,8 milliards de dirhams par rapport à 2023, et surtout en détérioration continue
depuis plus d’une décennie. «Le rééquilibrage des échanges semble encore éloigné, malgré les intentions affichées qui restent davantage déclaratives qu’opéra- tionnelles» , tranche l’économiste Hassan Edman. Dans les faits, la Chine inonde le marché marocain de biens manu- facturés à forte valeur ajoutée : équipements électriques, élec- troniques et produits industriels, tandis que les exportations maro- caines vers Pékin demeurent mar- ginales et concentrées sur des matières premières ou des pro- duits faiblement transformés. À titre de comparaison, le défi- cit commercial avec l’Espagne, premier partenaire européen du Maroc, ne dépasse pas 18,2 mil- liards de dirhams, loin derrière celui enregistré avec la Chine. Pour Edman, ce déséquilibre n’est pas conjoncturel, mais profondé- ment structurel. «Il s’explique par la prédominance des exportations chinoises et par l’accès limité des
produits marocains au marché chinois, notamment en raison des normes, des barrières logistiques et du manque de positionnement à valeur ajoutée», explique-t-il. Les engagements chinois à faci- liter l’entrée de certains produits marocains, notamment agroali- mentaires, constituent certes un signal politique positif. Mais leur impact réel dépendra de la capa- cité du Maroc à structurer son offre exportable, à accompagner ses producteurs et à investir dans des circuits logistiques adaptés à un marché aussi exigeant que celui de la Chine. Des investissements chinois massifs, mais à encadrer Parallèlement aux échanges com- merciaux, les investissements chinois au Maroc connaissent une montée en puissance notable, devenant un pilier central du par- tenariat bilatéral. Textile, auto- mobile, batteries pour véhicules électriques, hydrogène vert, infras-
L’expérience passée montre que les multinatio- nales, chinoises comme occidentales, ont sou- vent limité l’intégration locale aux maillons les moins rémunérateurs de la chaîne de valeur.
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