FNH N° 1220

ECONOMIE

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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 25 DÉCEMBRE 2025

F. N. H. : Dans quelle mesure les nouveaux métiers du Maroc peuvent être créateurs d’emplois ? L. E. A. : Dans le cadre des dernières stratégies industrielles (la dernière étant baptisée Plan d’accélération industrielle), nous avons assisté à l’émergence et l’expansion de nou- veaux métiers industriels comme l’industrie automobile ou aéronau- tique. Des progrès notables ont été réalisés au niveau de la production et des exportations. Mais les résul- tats en matière d’emplois n’ont pas été conséquents. Le capital étranger a participé dans une forte proportion aux investissements effectués dans le cadre de ces nouveaux métiers. Mais force est de constater que le taux d’intégration locale est tel qu’il ne permet pas une amélioration conséquente de l’intégration inter- sectorielle à l’échelle de toute l’éco- nomie nationale, fondement d’une force création de valeur ajoutée et d’emplois. Une bonne proportion des inputs utilisés par ces industries sont importées, d’où l’exportation des effets d’induction de ces inves- tissements. En d’autres termes, la croissance de ces industries se tra- duit par une forte demande adressée aux entreprises situées à l’étranger et non aux entreprises marocaines. Se pose alors la question de savoir comment faire pour que ces nou- veaux secteurs puissent devenir des

score en matière de dépenses en R&D qui stagne toujours autour de 0,7 à 0,8% du PIB. Le secteur privé doit prendre ses responsabilités en la matière : le peu de recherche et développement qui est effectué au Maroc est le fait des organismes publics. La participation du privé demeure faible. H- L’aménagement du territoire Si d’importants efforts ont été déployés au cours des dernières années en matière d’infrastructures de base, de grands déficits carac- térisent l’aménagement du terri- toire au Maroc : industrialisation, infrastructures routières, infrastruc- tures éducatives, plateformes de commercialisation, structures de recherche et développement, amé- nagements hydroagricoles, etc. Toute politique d’aménagement du territoire suppose au préalable l’éla- boration d’un diagnostic territorial qui permettra de connaître le poten- tiel productif du territoire concerné, action qui suppose à son tour l’exis- tence de compétences nécessaires au niveau des différents échelons du territoire national : communes, provinces, régions. Les champs d’application des poli- tiques d’aménagement du territoire sont naturellement divers : déve- loppement des infrastructures de base (routes, autoroutes, ports et aéroports, plateformes commer- ciales, barrages et réseaux d’irri- gation, réseaux ferroviaires et télé- communications, écoles, hôpitaux, marchés de gros, souks hebdoma- daires modernes…), création d’acti- vités productives (création d’entre- prises et développement de l’entre- preneuriat), grands projets structu- rants, armatures et réseaux urbains, création de conditions favorables à une intégration des segments des différentes chaînes de valeur (inci- tations fiscales, accompagnement des producteurs, dynamisation des organisations professionnelles et de l’interprofession, …), appui au déve- loppement de l’économie sociale et solidaire, etc. Une politique d’amé- nagement du territoire bien réfléchie et bien menée renforce l’attractivité et la compétitivité des territoires. Elle débouche in fine sur une éléva- tion du niveau de la production et de la création d’emplois.

locomotives pour les autres sec- teurs industriels traditionnels exis- tants, qui emploient beaucoup de monde et qui vivent des difficultés face à la concurrence internationale. Par ailleurs, le Maroc s’est engagé sur la voie de la transformation digi- tale depuis les années 2000. Le processus a commencé au niveau des télécommunications avant de s’étendre à d’autres secteurs. En 2017, une loi a créé l’Agence de développement du digital. Dans un rapport du cabinet Mc Kinsey en 2019, il affirme que la digitalisa- tion et tout ce qui en découle en termes d’automatisation touche- rait plusieurs secteurs d’activités économiques, notamment l’indus- trie, l’activité minière, le secteur du transport et de l’entreposage, le secteur de l’information, de la santé, de l’éducation et de l’administration publique. Dans le secteur privé, la digitalisation a permis le développe- ment du télétravail; le e-commerce s’étend de plus en plus. Dans le secteur bancaire et financier, la digi- talisation a réalisé une nette per- cée : au cours des 10 dernières années, nous avons assisté à une prolifération de solutions digitales proposées par les banques à leurs clientèles. Aujourd’hui, de nom- breuses opérations sont effectuées à distance. Il est certain que la digitalisation a beaucoup d’avantages, dont : gain

du temps, gains en coûts de tran- saction, amélioration de la produc- tivité, accélération des procédures au niveau de la justice et de l’admi- nistration publique. Mais elle n’est pas sans grands risques et incon- vénients : la destruction d’un grand nombre d’emplois. Dans le cas du système bancaire, à titre d’exemple, nous avons constaté une décéléra- tion de la croissance des emplois entre 2012 et 2018. A partir de 2019, s’ouvre une période de baisse des effectifs. De 41.890 employés en 2018, on passe à 41.739 en 2019, à 40.914 en 2020, puis à 40.772 en 2021. Alors même que l’activité ban- caire poursuit sa progression, nous avons assisté à une contraction du réseau bancaire et une réduction drastique du nombre d’employés qui font fonctionner les agences du fait de la digitalisation des process. D’aucuns avancent que la solution au chômage qui découlera de la digitalisation, viendra de la digita- lisation elle-même et qu’il suffirait tout simplement d’appuyer le déve- loppement des startups qui déve- loppent des applications qui vont révolutionner le fonctionnement de plusieurs métiers et créer de nou- veaux emplois en compensation. Seulement, on peut se demander i- si le volume de l’emploi qui va être créé par le digital pourra com- penser le volume de l’emploi détruit; ii- le marché digital marocain peut-il

 La digitalisation et l’IA risquent d’impacter la création d’emploi

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