FNH N° 1220

ECONOMIE

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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 25 DÉCEMBRE 2025

supporter la concurrence étrangère, celle de grandes entreprises opé- rant à l’échelle internationale ? Nous considérons que l’enjeu de la digitalisation est tellement grand et important qu’il est nécessaire que cette question fasse l’objet d’une réflexion approfondie devant prendre en compte les intérêts à l’échelle aussi bien microécono- mique que macro-économique. Discuter de la digitalisation conduit à soulever la question de l’intelli- gence artificielle et son rapport avec l’emploi. Nous avons, là aussi, un sujet qui mérite un grand débat. F. N. H. : Comment jugez- vous les différents pro- grammes lancés par le gou- vernement pour lutter contre le chômage ? L. E. A. : Depuis la décennie 1990, la promotion de l’emploi et l’inser- tion professionnelle des jeunes ont été affichées comme une priorité de l’Etat. Lors des premières assises de l’emploi en 1998, des mesures avaient été adoptées et ayant pour objectifs de permettre aux jeunes d’acquérir une formation complé- mentaire et une expérience pro- fessionnelle en milieu du travail et d’encourager les jeunes diplômés à s’installer à leur propre compte. A partir de 2005 (initiatives d’emploi), des programmes ont été mis en place visant à faciliter l’insertion des jeunes chercheurs d’emploi dans le secteur privé formel : programmes «Idmaj» (2006) et «Tahfiz» (2016) pour promouvoir l’emploi sala- rié; programme «Taehil» (2007) et dispositifs d’appui pour améliorer l’employabilité; programmes «auto- emploi» (appellation qui vient en 2013 remplacer celle de «Moukawalati» lancée en 2006) et «Forsa» (inscrite dans le programme gouvernemental 2021-2026 et ayant pour objet le soutien des jeunes entrepreneurs) comme appui à l’auto-emploi. En 2014, les pouvoirs publics avaient élaboré, sur la base d’un diagnostic de l’emploi, une stratégie concer- nant ce dernier, baptisée «Stratégie nationale de l’emploi» (SNE) portant sur la période 2015-2025. Dans le document de synthèse présentant cette stratégie, on peut lire que cette dernière «propose une nouvelle approche de la politique de l’em-

ploi». Dans la «vision stratégique» de la SNE, il a été prévu, entre autres, i- une création d’emplois très forte; ii- une augmentation de la population active (13,7 millions en 2025 contre 11,7 millions en 2013); iii- une augmentation du taux d’em- ploi (46,2% en 2025 contre 43,8% en 2013); iv- un taux de chômage en baisse (3.9% en 2025 contre 9,2% en 2013); v- une réduction de la perte annuelle des emplois dans le secteur primaire (7.192 emplois en moins en moyenne annuelle sur la période 2013-2025 au lieu de 48.000 dans le scénario tendanciel); vi- une création nette d’emploi dans le sec- teur industriel de 33.716 emplois en moyenne; vii- création nette d’em- ploi annuelle dans le secteur tertiaire de 174.000 emplois. Il y a ainsi un grand écart entre les prévisions de la stratégie de l’emploi 2015-2025 en matière de promo- tion d’emploi, de création d’emplois décents, d’atténuation des inégali- tés sur le marché du travail, d’une part, et les réalisations sur le terrain, d’autre part. F. N. H. : Quel rôle la for- mation peut-elle jouer pour l’insertion des chômeurs ? L. E. A. : La formation joue toujours un grand rôle pour l’insertion des chômeurs dans la mesure où elle améliore la qualification profession- nelle de ces derniers et leurs com- pétences. Cependant, la formation ne peut à elle seule permettre l’ac- cès des chômeurs au travail. Il faut bien que le fonctionnement global de l’économie autorise la création de davantage d’emplois, et donc de l’insertion des chômeurs. Ce qui conduit à s’interroger sur le déve- loppement industriel, le développe- ment agricole, le développement des infrastructures, etc., qui auto- risent la dynamisation de l’investis- sement et la création d’entreprises et donc de l’emploi. F. N. H. : Les jeunes diplômés sont la catégorie la plus tou- chée par le chômage. Y a-t-il des mesures spécifiques pour les aider à intégrer le monde du travail ? L. E. A. : Les données officielles montrent que les jeunes (15-24 ans) sont concernés par des taux de

chômage élevés. Sur la période 2010- 2023, le taux de chômage de cette catégorie de la population est passé de 17,6% à 35,8%. Dans le milieu rural en particulier, le faible niveau de développement des activités économiques, et donc de l’offre d’emploi, a jeté une grande proportion de la population active dans le chômage. Ce sont plus par- ticulièrement les jeunes (15-24 ans), ceux-là même qui sont concernés par des taux de chômage très éle- vés, lesquels ont atteint 16,3% en 2020, 15,9% en 2021, 16,5% en 2022 et 20,6% en 2023. Les diplômés du supérieur sont concernés par un taux de chômage le plus élevé comparativement aux autres catégories. En considérant la période 2015-2023, les taux de chô- mage concernant cette catégorie ont atteint des niveaux très élevés. Ils ont oscillé entre 21,6% (2019) et 25,9% (2023) au cours de la période. Le taux atteint en 2023 est presque

le double du taux de chômage à l’échelle nationale (13%). Il est le plus élevé depuis deux décennies. Il est de loin supérieur à celui des deux autres catégories, les «sans diplôme» et «le niveau moyen». En 2023, ces derniers étaient respecti- vement de 4,9% et 15,8%. Les diplômés en qualification pro- fessionnelle ne sont pas mieux lotis que les diplômés supérieurs. Le taux de chômage les concernant s’élève à 23,9% en 2023. Parallèlement à l’afflux massif des diplômés supérieurs sur le marché du travail, l’offre de travail au profit de ces derniers est faible. Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer la faible insertion profes- sionnelle de cette catégorie : i- l’inadéquation des formations avec la demande du marché du travail, un fait (une défaillance) dont on parle depuis plusieurs décennies et qui pose toujours la question de la qualité du système d’éducation et

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