FNH N° 1220

POLITIQUE

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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 25 DÉCEMBRE 2025

Législatives 2026 «Il est difficile d’imaginer une reconduction à l’identique de la majorité actuelle»

réseau et la structuration du parti autour de sa personne, constituent un avantage élec- toral réel. Cela ne signifie pas que cette position soit incontestable ou définitive, mais, dans l’état actuel des rapports de force, Akhannouch et le RNI apparaissent comme des acteurs centraux du jeu politique à venir. F. N. H. : Vous semblez envisager un retour en tête du RNI en 2026. Sur quoi repose cette analyse ? Ch. L. : C’est une lecture des dynamiques observables aujourd’hui. En tenant compte de la manière dont se déroulent les proces- sus électoraux, y compris leurs dysfonction- nements bien connus - comme les pratiques de clientélisme ou d’achat de voix -, il est difficile d’ignorer l’avantage structurel dont dispose le RNI. Cela fait partie de la réa- lité politique marocaine. Même lorsqu’elle est dénoncée, elle continue d’influencer les résultats. F. N. H. : Quelle place reste-t-il à l’opposition dans ce contexte ? Ch. L. : L’opposition traverse une phase de grande faiblesse. Elle a manqué des occasions importantes, notamment à travers l’échec de la motion de censure, qui aurait pu redonner du sens à l’action politique ins- titutionnelle. Aujourd’hui, on a affaire à une opposition dis- persée, parfois plus motivée par des calculs de positionnement que par la défense de causes sociales claires. Cela donne au chef du gouvernement une marge de manœuvre importante dans la prise de décision. F. N. H. : L’abstention reste un enjeu central. Quelles sont vos attentes en matière de participation, notamment chez les jeunes ? Ch. L. : L’abstention des jeunes est une réalité, mais elle ne doit pas être caricaturée. Elle est souvent présentée comme un désen- gagement total, alors qu’il s’agit plutôt d’un refus des formes politiques traditionnelles. Les prochaines élections connaîtront pro- bablement un taux d’abstention élevé, mais je pense - ou du moins j’espère - que la participation des jeunes pourrait être signifi- cative, ou au moins comparable à celle des autres catégories. Les mobilisations sociales récentes montrent que cette jeunesse est politisée, même si elle ne s’exprime pas tou- jours par le vote classique. Il faut rappeler que voter, y compris par un bulletin nul, reste un message politique. Le vote n’est pas une adhésion aveugle, c’est un droit et un acte symbolique qu’il ne faut pas abandonner. ◆

Les prochaines élections s’annoncent décisives, notamment parce qu’elles détermineront le gouvernement chargé de piloter la préparation du Mondial 2030. Chercheure en droit constitutionnel et sciences politiques à l’Université Mohammed V, Charifa Lemouir analyse les rapports de force en cours, les fragilités de la majorité, la faiblesse de l’opposition et les incertitudes autour de la participation électorale, en particulier chez les jeunes.

Propos recueillis par R. Mouhcine

Finances News Hebdo : Les enjeux des élections de 2026 sont-ils, selon vous, particulièrement élevés ? Charifa Lemouir : Les enjeux resteront effec- tivement très importants. Mais, en même temps, il est encore difficile aujourd’hui de trancher sur la configuration politique qui sortira de ces élections. Nous parlons d’un gouvernement qui devra assumer des attentes fortes, dans un contexte marqué par des dif- ficultés économiques et sociales persistantes, pour lesquelles nous n’avons pas encore vu émerger de solutions réellement nouvelles. Ce futur exécutif devra composer avec des problèmes structurels lourds, et c’est cela qui rend toute projection prudente. F. N. H. : Comment décririez-vous aujourd’hui le fonctionnement de la majorité gouvernementale ? Ch. L. : Dès le départ, il n’y avait pas de véritable harmonie entre les composantes de cette majorité. C’était avant tout une majo- rité numérique, construite sur l’addition des sièges plus que sur une cohérence politique ou programmatique. Cette absence de coordination ne s’expri- mait pas toujours publiquement, mais elle était visible sur le terrain, à travers des posi- tions divergentes et des tensions sectorielles. Aujourd’hui, ces différences apparaissent plus clairement, notamment à travers ce qui res- semble de plus en plus à une campagne élec- torale anticipée, menée aussi bien par les par- tis de la majorité que par ceux de l’opposition.

F. N. H. : Peut-on encore parler d’une majorité soudée à l’approche de 2026 ? Ch. L. : En tant que majorité gouvernemen- tale, je ne pense pas que l’on puisse parler de continuité. Depuis près d’un an, cette majorité fonctionne de manière peu harmonieuse. Il est donc difficile d’imaginer qu’elle puisse se reproduire à l’identique lors des prochaines élections. Les électeurs ont déjà sanctionné, par le passé, des majorités perçues comme fragiles ou incohérentes. Rien n’indique que la configuration actuelle soit en mesure de se maintenir telle quelle. F. N. H. : Comment jugez-vous le posi- tionnement des partis de la majorité les uns par rapport aux autres ? Ch. L. : Ce qui est frappant, c’est que cer- tains partis ont conservé leur rythme habituel, notamment le Parti de l’Istiqlal, qui a parfois pris des positions publiques ou exprimé des désaccords avec ses partenaires. Cela n’est pas nouveau dans son histoire politique. Les échanges et tensions entre les composantes de la majorité, y compris entre le RNI et le PAM, montrent que chacun cherche désor- mais à consolider sa propre base électorale plutôt qu’à défendre un bilan commun. F. N. H. : Le leadership d’Aziz Akhannouch est-il un atout ou une fra- gilité pour le RNI ? Ch. L. : À mon sens, Aziz Akhannouch reste aujourd’hui un point de force pour le RNI. Le poids politique qu’il a acquis, ainsi que le

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