FNH N° 1220

41 DEVELOPPEMENT DURABLE

FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 25 DÉCEMBRE 2025

mat et finances publiques devient stratégique. L’adoption de ces instru- ments fiscaux nécessite toutefois un cadre réglementaire robuste et une expertise technique accrue au sein de l’administration publique pour mesurer l’impact des politiques et éviter des distorsions économiques, notamment dans les secteurs indus- triels exposés à la concurrence inter- nationale. Financements internationaux La composante conditionnelle de l’objectif 53% est directement liée à la mobilisation de financements extérieurs et de technologies vertes. Selon les plans nationaux, le porte- feuille de projets climatiques s’élève à près de 96 milliards de dollars jusqu’en 2035, pour l’atténuation et l’adaptation combinées, dont une part substantielle dépendra de finan- cements internationaux. Les institutions multilatérales, Banque mondiale, Banque africaine de développement, Banque euro- péenne d’investissement et l’Asian Infrastructure Investment Bank (AIIB) se sont déjà positionnées pour accompagner le Maroc, notamment à travers des opérations de sou- tien à la mise en œuvre de la CDN et au renforcement des capacités en finance verte. Par exemple, un programme cofinancé du Maroc visant à soutenir l’exécution de sa Contribution a récemment reçu une approbation de 200 millions de dollars, dont l’un des objectifs est précisément de renforcer la gestion des finances publiques climatiques. Ces financements doivent toutefois être combinés avec des instruments nationaux innovants pour créer un effet de levier, attirer des capitaux privés, réduire le coût du capital des projets verts, et assurer une répartition équitabl e des bénéfices de la transition sur l’ensemble du territoire. La question n’est donc plus seulement de fixer des objec- tifs climatiques, mais de parvenir à cette articulation entre gouvernance budgétaire domestique, instruments fiscaux efficaces et appui externe bien orchestré, qui déterminera si le Maroc peut faire de l’objectif 53% un moteur concret de transition bas carbone et de développement éco- nomique. ◆

 Selon les plans nationaux, le portefeuille de projets climatiques s’élève à près de 96 milliards de dollars jusqu’en 2035 pour l’atténuation et l’adaptation combinées.

Transition bas carbone

carbone. «Chaque Dirham dépen- sé doit être un Dirham investi vers la décarbonation, la résilience et la croissance verte», insiste-t-il. Or, si la circulaire du chef du gou- vernement rend désormais obliga- toire l’intégration des objectifs cli- matiques dans la programmation budgétaire triennale, de nombreux instruments manquent encore à l’ap- pel. En particulier, l’absence d’un système de tarification du carbone, qu’il s’agisse d’une taxe, d’un méca- nisme d’échange ou d’un budget carbone, limite la capacité du pays à impulser des signaux prix clairs pour les industries. Après l’ambition, les moyens Par Désy M. L

L’objectif climatique du Maroc présenté lors de la COP30 laisse présager un défi colossal de financement. De l’engagement budgétaire à l’action climatique, le Royaume s’en donne les moyens.

mais que les subventions aux com- bustibles fossiles demeurent signifi- catives. Pour Ritahi, «un instrument fiscal adapté est à la fois un levier de réduction des émissions et une source potentielle de ressources pour financer la transition». Il met en garde : «si nous n’anticipons pas les effets sur les industries intensives en carbone, ciment, phosphates, acier, nous risquons une perte de compéti- tivité et des pertes d’emplois». Ensuite, il y a la réallocation des subventions. En effet, la réduction graduelle des subventions sur les énergies fossiles et leur réaffectation vers des mesures d’efficacité éner- gétique et des renouvelables per- mettent d’alléger le coût budgétaire global de la transition, tout en stimu- lant l’investissement privé. Enfin, les incitations fiscales et finan- cières à travers notamment les cré- dits d’impôt pour l’investissement vert, les amortissements accélé- rés pour les technologies propres, les bonifications d’intérêt pour les projets d’efficacité énergétique, ou encore les obligations vertes sou- veraines et municipales qui jouent un rôle clé pour attirer des capitaux privés vers les projets climatiques. À ce titre, la coordination entre cli-

e Maroc a récemment relevé son ambition climatique en inscrivant une réduction de 53% de ses émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2035 dans sa Contribution déterminée au niveau national (CDN 3.0). Cette cible, nettement plus ambitieuse que les engagements précédents, repose sur un volet inconditionnel financé sur ressources internes (21,6%) et un volet conditionnel dépendant du sou- tien financier et technologique inter- national (31,4%). C’est une trajectoire qui couvre l’ensemble des secteurs économiques et vise notamment à tripler les capacités d’énergies renouvelables et à sortir progres- sivement du charbon d’ici 2040. Et ce, en accompagnant cette transition d’un effort d’investissement inédit à la planification budgétaire de l’Etat. Pour Oussama Ritahi, professeur de sciences économiques à l’université Hassan II de Casablanca, cette ambi- tion «doit désormais se traduire par la traduction de la stratégie clima- tique dans les lignes budgétaires», car «quand le budget ne soutient pas la transition, elle reste lettre morte». Dans son analyse, l’enjeu cent ral est de renforcer la gouvernance climatique du pays en alignant les dépenses publiques sur l’objectif bas

Fisc, compétitivité et justice sociale Plusieurs leviers fiscaux sont sur la table pour soutenir cette trajectoire budgétaire climatique, mais leur mise en œuvre effective reste encore embryonnaire au Maroc. On peut distinguer au moins trois catégories d’outils. Tout d’abord, la tarification du carbone. Bien que le pays n’ait pas encore institué une taxe car- bone explicite, les études de l’OCDE montrent que certains prélèvements implicites (taxes sur les carburants) couvrent une partie des émissions,

Avec la participation de

Made with FlippingBook flipbook maker