A R T S
UNE EXPO POUR NE PAS OUBLIER L’UKRAINE présente une trentaine de gravures réalisées en trois séries différentes. Les premières ont été faites dès les premiers jours de la guerre en 2022 tandis qu’une vingtaine d’autres ont été faites en 2023. Celles-ci sont inspirées d’images de la guerre que l’artiste a prises sur Internet et qu’il a modifiées, afin de montrer tous les ravages du conflit.
FRANCIS LEGAULT francis.legault@eap.on.ca
Jusqu’au 15 septembre, le Centre d’art d’Argenteuil présente l’exposition Mon combat pour l’Ukraine de l’artiste Jean Kazemirchuk. L’artiste d’Oka revendique ainsi ses origines ukrainiennes tout en rappelant aux visiteurs de ne pas oublier la guerre qui se déroule dans ce pays. Comme son nom le laisse présager, Jean Kazemirchuk a des origines ukrainiennes. Ses grands-parents ont émigré de leur vil- lage situé à la frontière entre l’Ukraine et la Roumanie au début du XXe siècle. L’artiste représente ainsi la deuxième génération de sa famille née au Québec. Cependant, être un Kazemirchuk dans le Québec des années 50, en pleine Guerre froide, a eu des conséquences : pendant son enfance, il a souvent été victime d’inti- midation en raison de ses origines. « Ça m’a affecté toute ma vie jusqu’à un certain point, confie-t-il. Chaque fois que je vais quelque part et qu’on me demande mon nom, je suis obligé de l’épeler. Ce n’est pas grave mais cela fait en sorte que l’Ukraine, même si je n’y suis jamais allé, c’est très présent dans ma vie. » Alors lorsque la Russie a décidé d’envahir le reste de l’Ukraine le 24 février 2022 (les Russes tenaient déjà le territoire ukrainien de Crimée depuis 2014), Jean Kazemirchuk a réagi. « À partir du moment où la Russie a envahi l’Ukraine, dans les semaines qui ont suivies, j’ai fait cinq gravures, raconte-t-il. Cette guerre-là m’affecte, même si je suis de la deuxième génération [née au Québec]. » Trois séries L’exposition proposée par l’artiste
Une quinzaine d’autres gravures ont été réalisées au cours des derniers mois, après que monsieur Kazemirchuk ait obtenu des bourses du Conseil des arts et lettres du Québec et de la MRC de Deux-Montagnes. Celles-ci sont plutôt basées sur l’histoire de l’Ukraine avant la présente guerre et sur sa famille. « J’ai commencé avec mes ancêtres, avec des portraits de mes arrières-grands- parents, de mes grands-parents et de mon père, explique l’artiste à propos de cette dernière série. J’ai ensuite fait des choses plus légères pour montrer que l’Ukraine, ce n’est pas juste la guerre. Mais quand tu fouilles, tu te rends compte qu’il y a eu d’autres drames : il y a l’Holodomor, Tchernobyl, le massacre de Babi Yar… Je ne pouvais passer à côté de ça. » Ne pas oublier Monsieur Kazemirchuk indique qu’il ne croit pas avoir encore de la famille en Ukraine, la Deuxième Guerre mondiale et l’Holodomor (une famine provoquée par les autorités soviétiques qui aurait fait jusqu’à 5 millions de morts en Ukraine entre 1932 et 1933) ayant vraisemblablement exterminé les membres de la famille de ses grands- parents restés là-bas. Cependant, cela ne veut pas dire que l’artiste ne trouve pas important de rappeler ce qui se passe dans le pays de ses ancêtres. « Pendant la première année de la guerre,
Jean Kazermirchuk présente une exposition de gravures traitant de l’Ukraine et de la guerre qui y fait actuellement rage. (Francis Legault, EAP)
qui meurent. » Outre ses gravures, l’artiste, qui compte 40 ans d’expérience comme directeur artis- tique en cinéma, est aussi peintre et une de ses toiles est aussi exposée au Centre d’art pendant la durée de cette exposition. Notons également qu’en parallèle se déroule l’exposition Fragments de l’artiste peintre de Brownsburg-Chatham Suzanne de Carufel. L’Argenteuil n’a malheureusement pas pu s’entretenir avec l’artiste en raison d’ennuis de santé. Les deux expositions se poursuivent jusqu’au 15 septembre au Centre d’art d’Argenteuil (585, rue Principale, Lachute).
tout le monde en parlait, tout le monde était touché par ça. À tous les bulletins de nouvelles, on en parlait, rappelle-t-il. Mais maintenant, on est rendu ailleurs : on se gargarise des Jeux olympiques où le Canada a obtenu 27 médailles. C’est d’un ridicule consommé! Pendant ce temps, cette guerre se passe, tout comme il y a quelque chose de grave qui se passe à Gaza. » « Mon message est qu’il faut arrêter la guerre, poursuit-il. Il ne faut pas oublier cette guerre, ni aucune guerre dans le fond. Je sais que je rêve en couleurs en pensant qu’il n’y aura plus de guerre mais il faudrait essayer de ne pas oublier celles qui se passent présentement et les gens
UNE EXPOSITION TOUCHANTE
FRANÇOIS JOBIN frs.jobin@vl.videotron.ca
avec ceux qui lui sont chers, sa fille, son fils, avec aussi des objets importants dans sa vie. Il y a la chaise qui danse qui évoque sa grand-mère, une chaise peinte plus grande que nature en équilibre sur une patte; il y a aussi cette barque échouée sur la rive en Guadeloupe et qui s’appelait ‘Mère et fils’. Mme de Carufel a tout de suite su que c’était pour elle, cette barque. Elle se l’est appropriée sur la toile et c’est devenu sa barque. Il y a aussi des animaux, une poule do (sic), un lapin notamment dont elle a fait plusieurs fois le portrait parce que ce lapin, c’est sa fille qu’elle appelait jadis « son lapin d’eau douce ». Enfin, il y a Blue, « un astre lumineux et un poseur d’étoiles »; il s’agit d’un petit caniche devenu depuis quelques années le
Depuis le 3 août, le Centre d’art d’Argen- teuil présente une grande exposition qui met en valeur les œuvres de deux artistes de la région, dont l’une, Suzanne de Carufel, propose une évocation du bonheur. Avec Mme de Carufel et son exposition « Fragments », nous sommes ailleurs. Elle écrit : « Des bouts de vie (…). Impor- tants, déterminants, empreints de souvenirs, évocateurs, déclencheurs (…) pêle-mêle et lancés sans retenue, pour le plaisir de se rappeler, d’évoquer et de dire, d’amener un peu de poésie et de toucher la fantaisie. » Nous pénétrons dans l’intimité de l’ar- tiste, dans son jardin secret qu’elle partage
Un spectateur devant « La chaise qui danse » de Suzanne de Carufel. (François Jobin, EAP)
compagnon de vie qu’elle traîne partout avec elle. Elle en fait plusieurs portraits et sans doute en fera-t-elle de nombreux autres. Des toiles nerveuses, aux traits presque fébriles. Il y a urgence? Pourtant non. Les toiles, en dépit de leur facture un peu brouillonne et malgré les ciels qui paraissent tourmentés inspirent la sérénité. Il n’y a ni regret ni douleur dans les œuvres de Mme de Carufel. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un œil aux objets (des bouées de filets de pêche pour la plupart) qu’elle a détourné de leur fonction avec de la couleur et en les suspendant avec des tessons de verre pour en faire des machins parfaitement
inutiles, mais tellement rassurants. Le Centre d’art d’Argenteuil est heureux d’accueillir cette exposition, ainsi que celle de l’artiste Jean Kazemirchuk, qui expriment avec éloquence ce qui anime ces artistes, bien au-delà de toute démarche intellectuelle ou technique. L’exposition se termine le 15 septembre 2024. Le Centre est ouvert du mercredi au dimanche, de 11h à 17h. François Jobin est président du Centre d’art d’Argenteuil. Suzanne De Carufel et Jean Kazemirchuk sont vice-présidents (en rotation).
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