DEVELOPPEMENT DURABLE 30
FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 9 OCTOBRE 2025
européen. Le premier obstacle est humain. Le calcul précis des émissions de gaz à effet de serre (GES) est un exercice technique complexe qui nécessite des com- pétences rares. Les industriels auditionnés par le CESE soulignent unanimement une «pénurie de ressources humaines formées et qualifiées» pour réaliser ces bilans carbone conformément aux stan- dards européens. Sans données précises, les exportateurs se voient appliquer des valeurs carbone par défaut, généralement très élevées, qui pénalisent leur compétitivité. Le deuxième obstacle est financier. La mise en conformité au MACF implique des investissements coû- teux : réalisation des bilans car- bone, adaptation de l'outil indus- triel, transition vers les énergies renouvelables, ou encore adoption de technologies de recyclage. Pour de nombreuses PME, ces coûts représentent un défi majeur qui impacte directement leurs marges et leur capacité à se maintenir sur le marché. Enfin, l'accès à une information fiable, standardisée et actualisée reste un problème cru- cial pour les PME, qui peinent à suivre les évolutions constantes et la complexité d'un mécanisme dont la législation finale n'est pas encore totalement arrêtée. L'UE assouplit pour ses PME, quid des nôtres ? Ironiquement, l'Union européenne a elle-même reconnu la charge administrative que représente le MACF pour les plus petites struc- tures. Durant la phase transitoire, Bruxelles a acté plusieurs amélio- rations pour ses propres importa- teurs. La plus significative est l'in- troduction d'un seuil d'exemption annuel de 50 tonnes de CO2, une mesure qui dispense plus de 90% des petits importateurs européens. De plus, les obligations financières ont été allégées (le stock de cer- tificats à détenir a été réduit de 80% à 50%) pour éviter des achats excessifs. Ce pragmatisme européen contraste avec la situation subie par les PME marocaines expor- tatrices. Celles-ci ne bénéficient
Le calcul précis des émissions de gaz à effet de serre est un exercice technique complexe qui nécessite des compétences rares que les PME n’ont pas.
Taxe carbone
Les PME marocaines rament encore Avec le MACF, les PME marocaines font face à une montagne d’incertitudes : manque de moyens financiers et humains spécifiques, complexité techniques et accès limité à l’information. Malgré les efforts entrepris en interne, le CESE tire encore la sonnette d’alarme à 2 mois de l’échéance.
Par Désy M. A
lors que les grands groupes indus- triels marocains affûtent leurs stra- tégies bas carbone pour répondre au nouveau Mécanisme d’ajus- tement carbone aux frontières (MACF) de l'UE, le tissu des petites et moyennes entreprises (PME), véritable colonne vertébrale de l'économie nationale, se retrouve face à une montagne d'incerti- tudes. Manque de moyens, com- plexité technique et accès limité à l'information fiable placent ces acteurs essentiels dans une course contre la montre dont l'issue est incertaine. À partir de janvier 2026, l'Union européenne appliquera un coût carbone, évalué entre 60 et 100 euros la tonne, sur certaines impor- tations (fer, acier, ciment, engrais, etc.) pour protéger son industrie
de la concurrence de pays aux normes environnementales moins strictes. Si l'impact à court terme sur les exportations marocaines semble limité, ne concernant que 3,7% des flux vers l'UE, l'élar- gissement futur du mécanisme à d'autres secteurs et aux émissions indirectes menace directement une part bien plus large de l’industrie. Cette extension pourrait toucher des secteurs stratégiques pour le Maroc, tels que l'automobile ou l'aéronautique, via le coût de l'acier ou de l'aluminium qu'ils utilisent. De plus, cette tendance à la tari- fication carbone se mondialise. D'autres partenaires commerciaux du Maroc pourraient emboîter le pas à l'UE, faisant de la décarbona- tion non plus une option, mais une condition sine qua non pour l'accès
aux marchés internationaux.
Un parcours pour les PME Le défi est donc immense, et il est surtout asymétrique. Tandis que des géants comme l'OCP, expor- tateur d’engrais azotés et principal concerné par cette première phase d’imposition de la taxe, disposent de ressources colossales pour investir dans les énergies renouve- lables et calculer leurs émissions selon les normes européennes les plus pointues, la réalité est tout autre pour la majorité des entre- prises. D'après les auditions menées par le Conseil économique, social et environnemental (CESE), les PME marocaines font face à des défis majeurs qui pourraient com- promettre leur accès au marché
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