FNH N_ 1210

HIGH-TECH

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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 9 OCTOBRE 2025

Menaces numériques «La cybersécurité n’est plus une option, mais un pilier de confiance pour l’économie marocaine»

ment ? Le Maroc a-t-il déjà été confronté à ce type d’attaques de manière significative ? A. S. : Aujourd’hui, une attaque ne se limite plus à exploiter une faille isolée. Les cybercriminels élaborent des scénarios basés sur des technologies et astuces préparées à l’avance pour piéger leurs victimes. Des emails frau- duleux, des sites ou des appli- cations bancaires fake..., autant de techniques malveillantes pour arriver à leur fin. L’affaire d’une banque de la place en 2023 en est un exemple : des cybercri- minels avaient combiné phishing par SMS et sites web frauduleux et réussi à tromper les clients de la banque peu sensibilisés, en parvenant à recueillir leurs iden- tifiants et mots de passe. De même, en mars 2025, la socié- té Cypherleak a révélé une fuite massive de plus 31.000 identi- fiants bancaires marocains, mis en vente sur le darkweb. Pire encore, a priori, 5.500 de ces cartes seraient toujours valides et exploitables par les cybercri- minels. F. N. H. : Les menaces cyber évoluent rapidement, notamment avec l’essor de l’intelligence artifi- cielle. Comment ces nou- velles formes de menaces affectent-elles la stabilité et la sécurité du secteur financier marocain ? A. S. : Effectivement, au-delà des scénarios d’attaques tradi- tionnelles désormais bien maî- trisées, s’ajoutent de nouvelles menaces émergentes, ampli- fiées par l’intelligence artifi- cielle, rapides, peu coûteuses, et capables de perturber les sys- tèmes au plus haut niveau. Selon les indicateurs de 2023, le coût moyen d’une violation de données dans le secteur finan- cier est estimé à 5,9 millions de dollars, soit environ 33% de plus que la moyenne mondiale tous secteurs confondus (rapport IBM Cost of Data Breach Report 2023). Une attaque réussie peut même coûter jusqu’à 3,5 millions de dollars au secteur financier africain, selon AfricaCyberMag.

Face à des cybermenaces croissantes, la cybersécurité devient un enjeu capital pour la stabilité financière du Maroc, d’où la nécessité de renforcer la résilience numérique. Attaques ciblées, fuites de données, phishing massif…, le secteur financier est en première ligne. Décryptage avec Abdeljalil Sadik, consultant en stratégie et gouvernance des systèmes d’information et expert en cybercriminalité et IA.

Propos recueillis par Ibtissam Z.

Finances News Hebdo : Pourquoi la cybersécurité constitue-t-elle aujourd’hui un enjeu stratégique majeur pour l’économie marocaine, en particulier pour le secteur financier ? Quels sont les risques que les cyberattaques font peser sur la confiance des citoyens et des acteurs économiques ? Abdeljalil Sadik : La cybersé- curité n’est plus juste un sujet technique réservé à quelques spécialistes détachés de la réa- lité. Elle est aujourd’hui au cœur des stratégies économiques pour les organisations, notam- ment et surtout les institutions financières. Chaque incident d’ordre cyber peut secouer la confiance des particuliers, des entreprises, des investisseurs, et avoir des impacts systémiques sur l’économie marocaine. Même avec une base solide,

le Maroc doit rester sur le qui- vive : mieux gérer ses presta- taires, poursuivre la formation de ses équipes et développer ses propres outils. Avec, en ligne de mire, l’ambition de devenir un acteur de référence en Afrique, un hub continental incontour- nable dans ce domaine straté- gique. Banques, assurances, fin- techs…, tout le monde veut être en ligne, rapide et accessible, le fameux «Time to Market». Les paiements mobiles, les applis, c’est le quotidien maintenant. Mais cette vitesse a un revers : quelques clics maladroits et voilà que des comptes sont exposés, voire tout un édifice qui s’ef- fondre. C’est une réalité, même avec les meilleures campagnes de sensibilisation. De plus, le système repose entre les mains de quelques prestataires cru- ciaux. Une faille chez l’un d’eux

et la porte est grande ouverte aux cybercriminels. En 2024, le Maroc a fait face à 6,4 millions de tentatives de phishing, un chiffre qui donne le tournis. Et puis, il y a eu ces 644 attaques ciblées où il a fallu que les équipes de cybersécu- rité interviennent directement (déclaration du ministre délé- gué chargé de l’Administration de la Défense nationale le 15 novembre 2024). Derrière ces chiffres, ce sont des entreprises paralysées et des économies qui tremblent. Une attaque ne se mesure pas juste en pertes finan- cières, mais aussi en atteinte à la confiance, à l’image, et surtout à la stabilité économique du pays.. F. N. H. : Quelles sont les méthodes les plus répan- dues et les plus sophis- tiquées utilisées par les cybercriminels actuelle-

Chaque incident peut déclencher un effet domino dans tout le système économique et financier.

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